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Publié le 11 Juin 2012

L'imam de Drancy à Tel-Aviv

Trois Français portant une kippa agressés à coups de barre de fer. Des agresseurs que l'on suppose d'origine maghrébine. Comment ne pas redouter un regain de défiance entre juifs et musulmans de France ?

Depuis la seconde Intifada et le 11-Septembre, certains semblent vouloir lire le monde à travers ses "deux poids, deux mesures". Les uns trouvent les médias français horriblement "anti-israéliens". Des intellectuels français déprimés les confortent en martelant qu'il est impossible de parler de l'islamisme ou de l'antisémitisme qui sévit en banlieue sans se faire traiter de racistes. Et parfois c'est vrai. Les autres sont persuadés que les médias français sont "sionistes". Des sites excités leur assènent que le racisme anti-arabe se cache derrière la lutte contre l'islamisme, qu'il est impossible de critiquer Israël sans se faire traiter d'antisémite. Et parfois c'est vrai.

 

Mohamed Merah aurait pu les rapprocher. N'a-t-il pas envoyé à la mort, sans les distinguer, des soldats d'origine maghrébine et des juifs allant à l'école ? Encore faudrait-il lire ce drame de face, et non de biais. Or certains y voient un crime de trop signant l'antisémitisme incurable de la France. D'autres un complot de plus pour les accuser.

 

Nous ne sortirons pas de ce malaise par le silence gêné, mais en mettant le doigt dans la plaie. En reconnaissant qu'il existe une tentation antisémite chez certains Maghrébins de France. En admettant qu'il existe la tentation de tolérer le racisme anti-arabes chez certains juifs de France. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi tourner nos regards vers ceux qui luttent pour faire mentir les pessimistes, au prix d'un réel courage. Comme Hassen Chalgoumi, l'imam de Drancy.

 

Il était déjà menacé de mort pour avoir osé dialoguer avec les institutions juives françaises et pour avoir soutenu la loi contre la burqa. Il connaît l'enfer sur le Net et de nouvelles menaces pour avoir accepté de débattre de "Démocratie et religion" à Tel-Aviv. Contrairement à ce qu'affirment ses détracteurs, il ne s'agit pas d'un événement organisé par le gouvernement israélien et donc de cautionner la politique israélienne, mais d'un événement organisé par l'Institut français... pour débattre des intégrismes et de l'extrémisme où qu'ils se trouvent, y compris en Israël.

 

Le mufti de Jérusalem et le ministre palestinien des affaires religieuses ont d'ailleurs apprécié la rencontre avec cet imam français, venu jusqu'à eux au lieu de boycotter le dialogue interculturel. Quant aux Franco-Israéliens assistant à ces conférences, ils l'ont entendu plaider pour que l'on sépare le politique du religieux et que l'on mette fin au conflit. Une parole qui contredit leurs préjugés... Sur les musulmans comme sur la France. C'est dire si l'imam de Drancy a eu raison de se rendre à Tel-Aviv. Au risque d'endurer des mois de harcèlement et de mensonges à son retour.

 

Une poignée d'excités du Collectif Cheikh Yassine distribuent déjà des tracts haineux aux portes de sa mosquée. Ils sont décidés à harceler les fidèles de Hassen Chalgoumi (entre 4 000 et 5 000 chaque vendredi). La République doit leur prouver qu'elle est à leurs côtés face à l'intimidation intégriste. Comme elle doit faire front chaque fois qu'un juif de France est agressé.

 

Article de Caroline Fourest publié dans l’édition du Monde du 9 juin 2012.

 

Caroline Fourest est rédactrice en chef de la revue ProChoix, Caroline Fourest est l'auteure notamment de La Dernière Utopie (Grasset, 2009) et de Libres de le dire, avec Taslima Nasreen (Flammarion, 2010).

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