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Publié le 3 Novembre 2015

Pascal Courtade, Chef du Bureau Central des Cultes au Ministère de l'Intérieur, invité de la commission pour les relations avec les Musulmans du CRIF

Pour Monsieur Courtade, malgré certaines critiques au début, l'Instance de dialogue avec les Musulmans a été bien acceptée.

Par Jean Corcos, Président délégué de la Commission
 
La commission pour les relations avec les Musulmans du CRIF a reçu Monsieur Pascal Courtade, Chef du Bureau Central des Cultes au Ministère de l'Intérieur
Notre commission a eu l'honneur d'entendre le 14 octobre, un éminent représentant des pouvoirs publics, puisqu'il s'agissait du Chef du Bureau Central des Cultes (BCC), instance centrale en charge des relations avec les représentants des différentes institutions religieuses.
 
Monsieur Pascal Courtade a commencé par rappeler les principales missions de son Bureau, qui comprend une dizaine de personnes : application de la Loi de 1905, avec notamment surveillance de la neutralité de l'Etat ; relations avec les responsables de toutes les sensibilités religieuses, à l'exception de celles soupçonnées de dérives sectaires ; relations sur ces sujets avec les directeurs de cabinet des Préfets ; "expertise religieuse" pour le compte du gouvernement.
 
Sur le point plus particulier de la gestion du culte musulman, Monsieur Courtade a évoqué le travail continu du BCC qui remonte aux années 90, donc bien avant la naissance officielle du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) en 2003. La situation actuelle, avec ses imperfections, doit plutôt être comparée selon lui à celle qui existait dans les années 80, où plusieurs problèmes étaient constatés : manque de lieux de cultes décents (il a rappelé à ce sujet la mention de "conditions dignes" pour gérer le culte telle qu'écrite dans la Loi de 1905); absence d'interlocuteurs. 
 
Depuis la naissance du CFCM, on a constaté au départ deux phases successives : lancements de chantiers et réalisations en 2003-2008, avec notamment création d'aumôneries dans les armées, les hôpitaux et les prisons, avancées sur les dossiers de la célébration de l'Aïd ou sur la viande Hallal ; essoufflement entre 2008 et 2011, avec notamment retraits successifs de deux fédérations fondatrices, celle de la Mosquée de Paris et de l'UOIF. Depuis, on assiste à une volonté de remise en ordre de marche de l'institution, avec notamment l'élection de 2013, et une direction collégiale d'abord sous la direction du Recteur Dalil Boubakeur puis celle, depuis juillet 2015, de Monsieur Anouar Kbibech. Cependant, l'UOIF reste en dehors des instances centrales, même si elle a par ailleurs une implantation régionale et historique.
 
Monsieur Courtade a été interrogé sur le sujet des Mosquées et de la formation des Imams, et notamment sur les risques d'influence de certains Etats étrangers, qui sont à la fois leur lieu d'origine et de formation, et qui peuvent les financer. En réponse, le Chef du BCC a souligné les points suivants : en ce qui concerne le Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMT), les Fédérations de mosquées concernant les originaires de Turquie ont depuis toujours eu des Imams dépendant de la "Diyanet", institution de l'Etat d'origine ; en ce qui concerne les instances de la Fédération de la Mosquée de Paris, l'influence de l'Algérie est évidente ; par contre, pour la grande majorité des Mosquées les affiliations ne sont pas évidentes (hormis quelques grandes mosquées, on ne peut pas dire laquelle est "algérienne" ou "marocaine" par exemple) ; moins de 10% des projets actuels des Mosquées reçoivent un financement étranger, qui peut être nécessaire localement.
 
En ce qui concerne le danger des Mosquées salafistes, plusieurs points sont à retenir selon notre invité : il y en aurait une centaine dans toute la France ; elles sont par définition très surveillées ; elles ne sont jamais construites "en tant que telles", le scénario habituel étant que ce sont des jeunes fidèles penchant pour cette lecture extrémiste de l'Islam qui en prennent un jour le contrôle.
 
Interrogé sur le fait que les deux tiers des Mosquées n'auraient pas pris part aux dernières élections du CFCM, Monsieur Courtade a confirmé cette donnée, en disant qu'il ne fallait pas non plus y voir le reflet d'un désaveu de l'institution, et que par ailleurs de plus en plus de Synagogues sont non consistoriales.
 
Le Chef du BCC a ensuite fait un rapide historique de "l'Instance nationale de dialogue avec l'Islam", constituée au début de l'année 2015 à la demande des Autorités. Pour lui, les attentats du mois de janvier ont été "un accélérateur", mais la réflexion avait commencé avant. Le constat était qu'il manquait parmi les interlocuteurs du CFCM plusieurs profils, notamment des jeunes, des femmes, des associatifs et même, paradoxalement, des Imams. Les préfets ont pris localement des contacts, avec une consultation d'abord locale puis nationale. Les points abordés lors des premières discussions ont été notamment : l'image de l'Islam ; les actes islamophobes ; le déficit de lieux de cultes ; la formation des Imams. 
Pour Monsieur Courtade, malgré certaines critiques au début, l'Instance de dialogue a été bien acceptée notamment par le Conseil Français du Culte Musulman.
 
Lors du débat avec notre invité, plusieurs points ont été abordés :
 
- A propos de la radicalisation, dont les Autorités confirment qu'elle trouve son origine beaucoup plus sur Internet que dans certaines Mosquées ;
- A propos du Hallal, qui manque toujours de "chaîne intégrée", et qui souffre aussi de l'absence de définition partagée avec certains pays étrangers, notamment avec certains pays étrangers ;
- Sur l'image dégradée de l'Islam en France, qui freine des personnalités ayant par ailleurs réussi leur ascension sociale, dans leur engagement auprès d'instances cultuelles ;
- Sur la comptabilité des actes anti musulmans, le BCC confirmant que son interlocuteur est bien l'Observatoire de l'Islamophobie - qui est une des instances du CFCM - et non le CCIF ("Collectif contre l'Islamophobie en France").