Rencontre interreligieuse

Madame Messaoudi a présenté d'abord son parcours personnel : née dans le Sud algérien, elle a travaillé comme assistante familiale, ce qui lui a donné à la fois le goût du service public et l'expérience de la diversité des composantes religieuses de notre pays. Sans s'être inscrite dans un parti politique, elle a été appelée en 2001 à rejoindre l'équipe de la Mairie, où elle a d'abord travaillé à la mise en place d'un carré Musulman dans le cimetière de la ville.

Elle a précisé sa fonction de "conseiller déléguée au développement du lien social et du bien vivre ensemble" : l'objectif de l'équipe municipale est de "créer des ponts", en étant présente à la fois lors des fêtes religieuses, dans les écoles, dans des rencontres inter communautaires. Il est également à noter que - même par contraste avec des communes voisines -, Antony "n'est pas une commune bourgeoise". Il y a même eu dans les Hauts de Seine migration forcée de certaines populations, et constructions ailleurs de HLM. Afin d'éviter les problèmes sociaux et sécuritaires courants dans certaines "cités", la Mairie a refusé la construction de tours d'habitations, certaines ont même été détruites. Madame Messaoudi a cependant indiqué que le "marqueur social n'est pas forcément un marqueur d'extrémisme religieux", vu que des foyers bourgeois et vivant en pavillons peuvent être salafistes.

La Mosquée de la ville d'Antony a plusieurs particularités : elle est indépendante des fédérations nationales du culte musulman ; elle se finance de manière totalement autonome ; elle est la seule Mosquée à avoir comme Recteur une femme. Pour Madame Messaoudi, l'Imam, choisi par les fidèles est le cœur de la Communauté, sa personnalité est donc très importante. Dans sa ville, il est à la fois parfaitement francophone - ce qui malheureusement n'est souvent pas le cas dans d'autres communes, où ils viennent directement de pays du Maghreb -, et il a des relations suivies avec les responsables des autres religions, chrétiennes ou juives. Ces relations conviviales ont permis, en particulier, de contrer les tentatives "d'entrisme" de certains extrémistes. Ainsi, et contrairement à ce qui a été vu lors de certaines manifestations pendant la guerre de Gaza cet été, elle n'a entendu aucun propos antisémite parmi les Musulmans de sa commune.

Deux belles réunions ont eu lieu récemment : une soirée organisée par la LICRA Paris Sud à la salle polyvalente d'Antony, avec la pièce "Sallam-Chalom" de Serge Misraï, représentée le 25 janvier devant plus de 250 personnes et en présence de nombreuses personnalités dont le Sous-préfet, le Président du Conseil général et plusieurs maires de la région ; plus récemment, la présentation dans un cinéma de la Ville du film "El Gusto" (du nom d'un genre musical né dans la Casbah d'Alger dans les années 1920), documentaire sur les retrouvailles d'anciens amis juifs et musulmans, musiciens au sein du même orchestre jusqu'à la guerre d'Algérie qui les a séparés.

Un débat riche a conclu cette réunion, où plusieurs sujets ont été abordés : la tentation de quitter la France, qui concerne beaucoup de jeunes Juifs en raison de la peur de l'antisémitisme, mais aussi selon Madame Messaoudi, des jeunes cadres musulmans ; le sentiment "de deux poids deux mesures", largement répandu chez beaucoup de jeunes musulmans et pour lequel il faut un travail de pédagogie ; la difficulté pour l'Islam de France de s'affirmer par rapport aux pays du Maghreb.