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Publié le 20 Novembre 2014

Roger Cukierman : « Les préjugés antisémites restent très élevés en France »

Par Pierre Assouline, publié dans Actualité Juive le 19 novembre 2014

Roger Cukierman, président du CRIF, revient sur le Ve colloque du CRIF consacré aux tensions françaises et à leurs règlements. Plus de 900 personnes ont participé aux différentes tables rondes et conférences.

Actualité juive : Quel est votre bilan de cette Ve convention ?

Roger Cukierman : Cela a été, à mon humble avis, un immense succès. Nous n’avons entendu que des compliments ! A peu près 1200 personnes ont fait le déplacement, tous les panels étaient combles. Le niveau de ces tables rondes était très élevé de l’avis général. Le système des questions par SMS a trèsbien fonctionné et il y a eu des moments très forts : notamment la discussion entre Luc Ferry et le Grand Rabbin de France Haïm Korsia. Ou encore,ce débat passionnant qui s’est tenu entre Patrick Karam au nom des Français ultra-marins, Dominique Sopo de Sos Racisme, Sylvie Fondacci d’inter-LGBT, le préfet Régis Guyot, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et Simone Rodan-Benzaquen de l’AJC-France, autour de la lutte contre les discriminations.

Le colloque a connu un autre moment fort lors du compte-rendu en séance plénière de l’étude sur l’antisémitisme en  France, réalisé par Fondapol, et commenté par son directeur Dominique Reynié, et Alain Finkielkraut, avec pour modérateur Paul Amar, qui a mené le débat de main de maître. Il a également été marqué par la présence d’une représentante de Facebook qui a essuyé quelques critiques nourries de Marc Knobel. Elles visaient la passivité du réseau social vis-à-vis des messages antisémites ou islamistes. Mais sa présence au colloque est un très bon signe.

Qu’apprend-t-on de neuf grâce à ce rapport de Fondapol ?

Les résultats sont assez impressionnants. D’abord, on y apprend que la France dans sa globalité n’est pas antisémite : le négationnisme est rejeté de tous, presque sans exception. On y apprend surtout que les préjugés restent très élevés au FN et chez les musulmans. Pour le FN c’est étonnant : avec la modération et la prudence dont fait preuve Marine Le Pen, on aurait pu s’attendre à ce que le parti emprunte la même voie.

Quelques exemples : 49% des interrogés proches du FN se disent hostiles à l’élection d’un président juif. 20% des Français dans leur ensemble s’y opposent contre  33% des musulmans. A la question de l’importance du lien entre Juifs et pouvoir économique :20% des Français le jugent très fort, contre 43% des musulmans, et 74% des musulmans très pratiquants. Ceci est très inquiétant, car le poids démographique de ces derniers est important, et beaucoup de juifs habitent les mêmes quartiers que les musulmans.

N’est-ce pas la question de l’avenir des juifs qui se dessinait en filigrane lors de ce colloque?

Oui d’ailleurs plusieurs débats ont affronté ce problème de face, notamment le débat sur la sécurité des juifs qui a réuni la procureure du TGI de Créteil, et le secrétaire-général du syndicat de police unité-SGP. Mais lors du débat final entre Bernard-Henri Lévy et moi-même, il a expliqué que la France restera,selon lui, à forte minorité juive de part leur contribution à la grandeur du pays depuis des siècles.

Le débat entre Bernard-Henri Lévy et vous-même avait pour titre « heureux comme un juif en France ? ». Quelle réponse a été donnée à cette question ?

Le sondage qui montre la force des préjuges des frontistes en France (qui ont tout de même pesé 24% aux dernières élections) est très inquiétant, notamment a cause  de la faiblesse des partis modérés. De l’autre côté chez les musulmans les préjugés étant également très élevés, on ne plus dire facilement et gaillardement « heureux comme un juif en France ». Ceci dit la présence juive restera forte car nous faisons  des racines de la France.

http://www.actuj.com/2014-11/france/roger-cukierman-crif-les-prejuges-antisemites-restent-tres-eleves-en-france