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Publié le 25 Juin 2015

Sionisme. Oppositions militantes autour d’un terme à géométrie variable

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Par Marc Hecker, publié dans la Revue Mots – les languages du politique le 5 septembre 2013
Le conflit israélo-palestinien rejaillit, peut-être plus que nulle autre guerre, dans le domaine du langage. Le terme sionisme est de ceux qui suscitent des tensions entre militants pro-israéliens et pro-palestiniens. Les premiers ont une vision très positive du sionisme tandis que les seconds le considèrent comme une forme de colonialisme et accusent les militants pro-israéliens de chercher à assimiler l’antisionisme à de l’antisémitisme.
Le conflit israélo-palestinien rejaillit, peut-être plus que nulle autre guerre, dans le domaine du langage. Selon les termes employés – Judée-Samarie ou Cisjordanie, implantations ou colonies, Arabes israéliens ou Palestiniens d’Israël, barrière de sécurité ou mur de séparation, etc. –, un locuteur risque de se voir accuser d’utiliser une rhétorique partisane. Les plus fervents opposants à Israël refusent même de prononcer le nom de cet État, préférant le qualifier d’« entité sioniste ».
Le terme sionisme est de ceux qui suscitent des discordes. Ce terme, apparu pour la première fois en 1890 sous la plume de Nathan Birnbaum(1), désigne un mouvement politique qui, dès la fin du 19e siècle, prône le regroupement du peuple juif sur la terre d’Israël ou, pour reprendre la terminologie sioniste, le « retour à Sion ». Cette définition demeure toutefois insuffisante. Elle élude notamment la question des divergences de vues existant au sein de la mouvance sioniste avant la naissance de l’État d’Israël et celle du devenir du sionisme après la création de cet État en 1948. Walter Laqueur note dans son Histoire du sionisme : « Selon une encyclopédie récente, le sionisme serait un mouvement politique mondial qui aurait été lancé par Théodore Herzl en 1897. Il serait tout aussi juste de dire que le socialisme fut fondé par Karl Marx en 1848. Il est manifestement difficile de rendre justice en une phrase aux créateurs de tout mouvement de quelque importance. » (Laqueur, 1973, p. 55)
De fait, des livres entiers ont été consacrés à la définition du sionisme. En 2007, par exemple, l’universitaire Denis Charbit a publié un ouvrage ayant pour titre Qu’est-ce que le sionisme ?(2) Pour tenter de répondre à cette question, il analyse, entre autres, les textes fondateurs du mouvement sioniste à l’instar de Rome et Jérusalem de Moses Hess (1981), Autoémancipation de Léon Pinsker (2006) et bien sûr L’État juif de Théodore Herzl(3).
Le but du présent article n’est pas de revenir en détail sur ces considérations qui relèvent davantage de l’histoire de la pensée politique. Il ne s’agit pas non plus de chercher à dégager une définition consensuelle du sionisme. L’objectif recherché consiste à montrer que le terme sionisme et ses dérivés – sioniste, antisionisme, post-sionisme, etc. – sont, en France, sources de tensions entre militants pro-israéliens et pro-palestiniens car ces deux sphères militantes en ont des interprétations bien différentes.
5Pour ce faire, le sionisme sera tout d’abord présenté à travers un prisme pro-israélien en insistant sur le fait que la question de l’émigration vers Israël – l’alyah – continue à diviser. Un changement d’optique sera ensuite effectué en se plaçant du point de vue des militants pro-palestiniens pour qui le sionisme est connoté négativement et synonyme de colonialisme ou encore de racisme. Enfin, la question de l’antisionisme sera évoquée en montrant que ce terme nourrit lui aussi la discorde(4).
Notes :
1  Sur Nathan Birnbaum, voir notamment Fishman, 1987. Voir aussi Kühntopf-Gentz, 1992, p. 118-139.
2  Charbit, 2007. D’autres ouvrages revenant sur la définition et sur l’histoire du sionisme ont été (...)
3  Ce livre, publié initialement en 1896, a notamment été réédité en 2007 aux Éditions de L’Herne, et (...)
4  Le terme « discorde » fait allusion à l’ouvrage de Rony Brauman et Alain Finkielkraut, 2006.
Source: http://mots.revues.org/20299