Chrétiens d'Orient : la disparition en silence, par Patrick Karam

 
Le 26 avril dernier, Daesh avait dynamité le clocher de l’église Notre-Dame-de-l’heure à Mossoul, au nord de l’Irak. Un acte résonnant comme un ultime avertissement à l’encontre des chrétiens. Dans le Figaro, Patrick Karam, Président de la Coordination des Chrétiens d'Orient en Danger (CHREDO), s’était alors montré pessimiste quant à l’avenir de la communauté chrétienne. Nous reproduisons cette tribune :
 
La dernière provocation de l'Etat islamique qui a dynamité l'église de Notre-Dame-de-l'Heure à Mossoul résonne comme un ultime avertissement pour les Chrétiens: leur disparition est programmée sur les terres qu'ils occupent depuis deux millénaires. La mission d'études et d'évaluation de la situation des Chrétiens d'Orient que la Coordination des Chrétiens d'Orient en Danger (CHREDO) a mené en Orient est pessimiste sur leur chance de survie à long terme, notamment en Irak.
 
Dans le passé, la coexistence des Chrétiens avec les populations musulmanes s'était faite de manière plutôt harmonieuse, avec quelques aléas suivant les périodes. Dans certains pays, on pouvait même parler d'un âge d'or puisque jusqu'à la fin du siècle dernier, au Liban, en Irak, en Jordanie, en Syrie, en Egypte, les chrétiens ne subissaient ni pression, ni intimidation d'ordre religieux de la part des régimes ou des gouvernements en place.
 
Aujourd'hui, même si ce n'est pas une spécificité, car d'autres minorités ont pu faire l'objet de persécutions comme la communauté yézidie en Irak, la situation des Chrétiens s'est détériorée dans nombre de pays, notamment en Irak et en Syrie.
 
Irak: vers la fin de la présence chrétienne?
 
En Irak, les statistiques de 1977 comptabilisaient plus de 2 millions de chrétiens. Ils étaient 1,25 millions en 1987, mais seulement 400 000 à 500 000 avant la prise de Moussoul par les islamistes.
 
L'irruption de Daech dans la plaine de Ninive, bastion historique des chrétiens, est un tournant qui va précipiter les familles de réfugiés yézidis et chrétiens sur les routes, principalement vers le Kurdistan. Même s'ils y jouissent d'une liberté de culte et d'une relative protection, les quelque 350 000 à 450 000 chrétiens qui restent encore ont désormais tourné la page de l'Irak et n'aspirent plus qu'au départ.
 
L'instabilité politique à Bagdad, les tensions avec le Kurdistan qui réclame désormais l'indépendance malgré ses 1050 km de frontières avec Daech, l'interdiction de travailler qui leur est notifié, tout incite les réfugiés, informés des négociations de l'Europe et de la Turquie, à tenter leur chance pour rejoindre l'Europe. Des réseaux de passeurs tentent d'organiser leur départ et pour la première fois, il y a eu des morts résultant de passages par mer.
 
Une situation variable en Syrie
 
En Syrie, les chrétiens constituaient 32% de la population au début du XXème siècle. En 1980, leur proportion est divisée par deux, passant à 16.5%. Avant la crise actuelle, on estimait qu'ils représentaient entre 8 et 10% de la population, soit environ 1,8 millions à 2 millions de chrétiens.
 
Environ 450 000 chrétiens ont été forcés de quitter leurs maisons, pour fuir la mort, les enlèvements et les tentatives de conversion forcée. Il est impossible de connaître la répartition entre l'exil intérieur: à Tartous, Lattaquié, la vallée des chrétiens et la région de Damas d'une part et d'autre part l'exil extérieur: au Liban, en Jordanie, en Europe ou ailleurs... Lire l'intégralité.