Crif Région Centre : journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites et d'hommage aux "justes" de France

 
En cette journée nationale à la mémoire des victimes des persécutions racistes et antisémites- les Tziganes et les Juifs- commises par l'Etat français sous l'autorité du gouvernement de Vichy, et en hommage aux Justes français, je dédie mes paroles aux "Justes des Nations", ces hommes et ces femmes de toutes origines, souvent modestes, connus ou anonymes, qui ont sauvé des Juifs, en particulier des enfants, pendant l'occupation, malgré les risques encourus. Ils témoignent que les êtres humains ont d'autres options que la soumission à un Régime criminel.
 
Je rends hommage aux Résistants, aux anciens déportés, aux derniers témoins et à tous ceux, anonymes, dont le courage et la détermination ont concouru à vaincre la menace totalitaire. Car, comme l'a dit Madame Simone Veil, "face à la folie exterminatrice, face à l'horreur du système nazi, il y a eu l'amitié et l'humanité qui ont su résister. Ce sont les 2 faces des êtres qui ont été mêlés à cette monstrueuse entreprise".
 
A cet instant, je rappelle les noms des 2 policiers orléanais, Mr ProusT et Mr Maupou  qui, en fabriquant de fausses cartes d'identité à mes parents- ont participé à leur sauvetage.
 
Certains, en France, se plaignent d'un "trop plein" de commémorations, suscitant l'envie ou le rejet, en y voyant une marque de complaisance, un geste sans signification, ou même, un signe d'ethnocentrisme des Juifs de France.
 
Certes la commémoration officielle peut avoir son revers, celui de figer la mémoire et de la banaliser si l'on s'en tient aux formules compassionnelles ou incantatoires, au sempiternel "plus jamais ça", qui n'engagent à rien, qui sont souvent source d'oubli et qui sont régulièrement trahis dans le monde depuis la fin de la 2ème guerre mondiale.
 
"Que reste-t-il des cris des enfants juifs arrachés à leur mère, dans une commémoration institutionnalisée?( Georges Bensoussan).
 
Face à ce questionnement et à ces critiques, j'affirme la nécessité de ces moments de remémoration collective en ce lieu de mémoire privilégié (Place de la République), qui s'inscrivent dans la tradition juive nous enjoignant de nous souvenir et de transmettre, et dans la tradition républicaine de la France, empreinte du souci de justice, de vérité et de respect de la personne humaine.
 
Ce geste  s'inscrit dans notre fidélité  et le sentiment d'une dette envers un monde anéanti.
 
Il ne s'agit pas" d'un culte idolâtre, mais  la volonté de savoir, dans son détail et son système, ce qui a eu lieu.. de découvrir la politique de la barbarie"(Alain Finkielkraut).
La cérémonie qui se déroule chaque année autour du 16 juillet a fait de cette Place de la République un lieu de Mémoire, un lieu pour se recueillir et réfléchir aux terribles évènements qui se sont produits si près d'ici, dans les camps de Pithiviers et de Beaune la Rolande, après la Rafle du Vel d'Hiv, les 16 et 17 juillet 1942: 13.000 Juifs, dont plus de 4.000 enfants y furent internés avant d'être envoyés directement, ou via Drancy, dans le camp de la mort d'Auschwitz-Birkenau, pour y être assassinés.
 
Leur "crime", pour les nazis et leurs complices français: être nés (juifs).
 
Ce qui s'est passé là est l'un des épisodes les plus tragiques de notre histoire: la collaboration du gouvernement de Vichy à un crime sans précédent, la Shoah, une "césure" dans l'Histoire(Hannah Arendt), l'anéantissement programmé de tout un peuple.
 
La Rafle du Vel d'Hiv fut le point culminant de la politique antisémite mise en oeuvre par le gouvernement de Pétain dès les 3 et 4 octobre 1940 par les décrets dits "statuts des Juifs", lois de ségrégation, d'exclusion, de spoliation et d'internement , préfigurant la tragédie de l' année 42.
Je n'oublie pas l'abrogation du Décret Crémieux, dès le 8 octobre 1940, qui faisait des citoyens juifs français d'Algérie des parias: près de 500 professeurs ou instituteurs furent renvoyés, près de 20.000 élèves furent exclus des écoles publiques, les médecins n'avaient plus le droit d'exercer, etc... Toutes ces mesures, signant la faillite de la Démocratie, ne provoquèrent que très peu de protestations, comme l'a souligné l'historien Michel Winock. Pire, ajoute-t-il, dans l'Université, dans la Faculté de médecine, dans la magistrature, etc..., les postes" libérés" par les collègues juifs sont occupés sans état d'âme, par les enseignants, médecins, juges non juifs!
 
En France métropolitaine, quand les lois de Vichy excluaient 140 universitaires d'origine juive, l'Université française entérinait la mesure et la communauté universitaire acquiesçait même quand le Collège de France excluait un professeur juif.( Georges Bensoussan).
 
"Combien furent précieux, alors, les cris de quelques rares protestataires dans le désert de la soumission!"( Michel Winock).
 
Il convient de s'interroger sur le rôle joué par une grande partie des hauts fonctionnaires de Vichy, plus soucieux de leur carrière que de la portée de leurs actes, exécutant des ordres iniques sans états d'âme.
 
On ne peut évacuer le rôle de la bureaucratie, de la presse" officielle", de la propagande, bref de tous ceux qui, par indifférence ou haine antisémite se sont rendus coupables de petites ou grandes lâchetés.
 
La tâche qui nous incombe, face à une telle tragédie- mettre en lumière le  "pourquoi" et le "comment" -est d'autant plus difficile que nous sommes entrés dans le temps des mémoires courtes, de l'accélération de l'Histoire mondialisée, médiatisée, le temps du "divertissement", où chaque évènement , chaque image chasse l'autre et souvent l'efface. Et puis, la lassitude, la négation, ou pire, l'indifférence l'emporte chez certains.
 
C'est un travail de Mémoire et d'Histoire exigeant, appelant à la réflexion sur les questions fondamentales que les génocides du 20ème et 21ème siècle posent à la conscience humaine.
 
"Comment  cela a-t-il pu être possible? Quel cheminement idéologique a pu mener au crime de masse? Comment des Etats démocratiques ont-ils pu consentir au pire? Rappelons que ce crime de masse a été commis dans le silence des nations.
 
La Shoah a dévoilé la fragilité de l'humanité, là où la barbarie est comme la face cachée de la civilisation moderne, technique et industrielle... "L'Histoire du régime de Vichy illustre cette fragilité de la Démocratie quand ses principes fondamentaux sont bafoués, quand on permet à des idéologies totalitaires de pénétrer l'espace républicain"..(Georges Bensoussan).
 
Le travail de Mémoire et d'Histoire que je viens d'évoquer prend tout son sens s'il  nous permet de décrypter le présent, la féroce actualité du présent
 
LA FEROCE ACTUALITE DU PRESENT
 
C'est à dire, en reprenant les mots de Charles.PEGUY, de "voir ce que l'on voit", j'ajoute: de nommer ce que l'on voit, sans "non-dits" ni "mal-dits"( Richard.Prasquier).
 
J'avais écrit cela avant l'attentat perpétré à Nice par un  terroriste islamiste : Le Procureur de la République, François Molins,  a évoqué "les liens éventuels du terroriste  avec les organisations criminelles islamistes". Le haut magistrat a rappelé que "ce type d'action s'inscrit et correspond très exactement aux appels permanents aux meurtres de ces organisations terroristes, tels qu'elles prescrivent régulièrement dans les nombreuses revues et vidéos qu'elles diffusent".
 
Le mode opératoire de cet attentat s'inscrit en effet dans les préconisations de l'idéologie totalitaire de  l'Etat islamique ou Daesh qui a déclaré la guerre à tout ce qui ne se plie pas à sa vision du monde.
 
Il s'agit de tuer, par tous les moyens, le plus grand nombre d'hommes, de femmes ,d'enfants.
 
Ces modes opératoires  ont fait de nombreuses victimes en Israël, dont une fillette assassinée à coups de couteau dans son lit.
 
La  France n'est pas le seul pays frappé par la barbarie islamiste , mais elle focalise la haine des tueurs car, comme l'a écrit le sociologue canadien, Mathieu Bock-Côté, "elle demeure un symbole , elle incarne la meilleure part de l'Occident": la liberté( dont la liberté d'expression), l'égalité hommes-femmes, la fraternité, la laïcité , bref toutes les valeurs universelles qui fondent notre humanité.
 
Face  aux ennemis de ces valeurs  humanistes universelles, face au déni de ceux qui, par ignorance, complaisance, calcul ou adhésion, dédouanent les assassins "la tentation des accommodements et de la soumission "mène au pire, or il y a un combat à mener qui n'est pas seulement sécuritaire et militaire," l'Etat ne peut pas tout, la société doit se mobiliser"  a écrit le journaliste Luc Rosenzweig, il ajoute:"un appel doit être lancé à chacun, quelque soit son origine ou ses croyances, pour s'engager dans un combat de civilisation... On ne laisse rien passer, ni en classe, ni dans les hôpitaux, ni dans les piscines, et l'on accueille à bras ouverts tous ceux qui s'engagent résolument dans la lutte contre les barbares...Sinon, attendez-vous à voir Marine Le Pen en tête, non seulement du 1er tour de l'élection présidentielle, mais aussi victorieuse au second.
 
J'emprunte ma conclusion à l'écrivaine Djémila Benhabib : "Contre la barbarie islamiste, il ne peut y avoir de demi-mesures...je vais continuer à défendre cette conviction profonde en mémoire de ceux qui sont partis et avec les courageux qui ne veulent plus céder un pouce à ces faucheurs de vie".
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