Inauguration du Chemin de la Mémoire, le Judenlager des Mazures, dimanche 23 octobre 2016

 
Un compte rendu de Danielle Delmaire
 
Soixante quatorze ans avant ce dimanche 23 octobre 2016, jour pour jour, le Judenlager se vidait d’une grande partie de ses malheureux occupants qui prenaient la destination d’Auschwitz, via le camp de transit à Malines, en Belgique. 
 
Que s’était-il passé dans ce village : Les Mazures, près de Charleville, pendant la seconde Guerre mondiale ?
 
Grâce aux patientes recherches de Jean-Émile Andreux (Mémorial des déportés du Judenlager des Mazures, Tsafon, n° 3 hors-série, octobre 2007), nous connaissons l’histoire de ce Judenlager. 288 juifs arrêtés à Anvers, au début de l’été 1942, furent acheminés par un convoi qui quitta la ville le 18 juillet en direction du village des Mazures. Immédiatement, ils furent astreints à la construction du camp puis travaillèrent pour le compte de l’Organisation Todt. Ils devaient abattre des arbres des forêts environnantes afin de fabriquer du charbon de bois, nécessaire à l’effort de guerre allemand. Le travail était épuisant et les conditions de vie inhumaines : la faim, la fatigue, les coups, les humiliations minaient le quotidien de ces hommes.
 
Brutalement, le camp restreignit ses activités. La nuit du 23 au 24 octobre 1942, les prisonniers furent triés : les juifs qui n’étaient pas de nationalité belge ou qui n’étaient pas mariés à une « aryenne » ou, encore, dont les compétences professionnelles n’étaient pas utiles au camp furent envoyés à Malines afin de compléter des convois qui étaient dirigés vers Auschwitz. Après cette évacuation, le camp vécut au ralenti mais continua sa production. Dans la nuit du 4 au 5 janvier 1944, le Judenlager fut définitivement fermé et les juifs qui s’y trouvaient encore furent emmenés vers la gare de Charleville d’où un convoi les envoya à Drancy puis Auschwitz. 
 
Sur ces 288 déportés, 22 réussirent à s’évader puis à bénéficier de l’aide d’habitants et du chef de gare de Revin pour se cacher, 27 autres revinrent des camps et 2 autres enfin furent fusillés après leur évasion ratée. 237 hommes sont donc morts en déportation. 
C’est cette histoire que des descendants de rescapés et de résistants ainsi que des historiens ont voulu pérenniser en fondant, en 2005, l’Association pour la Mémoire du Judenlager des Mazures. Yaël Reicher, fille de Harry Reicher, évadé du Judenlager, prit la présidence de l’association tandis qu’Adrienne Fontaine, fille d’Émile Fontaine, résistant qui aida les évadés (il fut reconnu Juste parmi les Nations), en devenait la trésorière. L’association inaugura une stèle du souvenir le 16 juillet 2005, sur l’emplacement sur Judenlager. 
 
En 2015-2016, le conseil municipal des Mazures, conduit par la maire Élisabeth Bonillo-Deram, décidait de pérenniser plus fortement encore le souvenir du camp en mettant en place un Chemin de la Mémoire. Entourée d’un comité scientifique, dont Laurence Schram conservatrice au musée de la Déportation à Malines et Danielle Delmaire professeur honoraire de l’université de Lille 3, et réunie autour de la maire, l’équipe municipale parvint à aménager un parcours de 500 mètres environ, près de l’emplacement du camp, et à y implanter des panneaux explicatifs en quatre langues. 
 
L’inauguration eut donc lieu ce 23 octobre 2016, en présence du préfet des Ardennes, des député et sénateur de la circonscription ainsi que du président du conseil départemental. La cérémonie était soutenue par l’ONAC, la Kazerne Dossin et la Direction de la Mémoire du Patrimoine et des Archives, dépendant du ministère français de la Défense. Une vingtaine de porte-drapeaux s’étaient associés à cette manifestation d’hommage aux déportés quand retentit la sonnerie aux morts, puis le Chant des Partisans de la Résistance juive polonaise, en yiddish. L’Union musicale de Revin interpréta ensuite les trois hymnes : la Hatikva (Israël), la Brabançonne et la Marseillaise.
 
L’instant le plus émouvant fut sans doute celui où M. José Papierbuch, venu d’Israël, récita le qaddish sur le lieu même où son père, Nahman Papierbuch, partit vers la mort, il y a 74 ans. L’émotion était encore palpable lors des retrouvailles entre les descendants des déportés (venus de Belgique et de France mais aussi du Canada, de Hollande et d’Israël) et les descendants des Mazurois et des cheminots qui aidèrent les évadés. 
 
Illustration : vue aérienne de l’actuel emplacement du camp 
(carton accompagnant l’invitation à la cérémonie)
 
En pointillés blancs : Le Chemin de la Mémoire
 
Légende : 
1 Entrée
2 Poste de garde
3 Cuisines
4 Bloc sanitaire
5 Salle commune
6 Dortoirs
7 Voir Decauville pour la circulation des wagons de charbon de bois
8 Site des fours qui produisaient le charbon de bois
9 Vers le bois Huet
10 Vers l’usine Hénon