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Publié le 25 Février 2008

La Fracture identitaire Par Ivan Rioufol (*)

L’auteur du « Bloc-notes » du Figaro, dont les chroniques se caractérisent par un refus constant du conformisme ambiant et par une liberté de ton qui est tout en son honneur, nous offre un livre lucide, courageux, certains dirons téméraire, et que d’aucuns n’hésiteront pas à qualifier de provocant voire scandaleux.


Parce qu’il met carrément les pieds dans le plat, Ivan Rioufol, il faut le reconnaître, appuie le doigt là où cela fait mal : oui, notre pays est menacé d’implosion. Ce qu’il appelle fort justement la « fracture identitaire » est à nos portes. Notre pays, à l’histoire millénaire, héritée de Jérusalem, d’Athènes et de Rome et qui a bâti une civilisation et un art de vivre au cours de son histoire, risque, s’y on n’y prend garde, de se transformer en quelques années en une insipide et invivable addition de communautés autarciques repliées sur elles mêmes et claquemurées dans des isolats. Avec, en toile de fond un séparatisme ethnique dont l’islam politique, qui n’a rien à voir avec l’islam républicain, est le parangon. Les Français de souche sont devenus désormais, dans la vision de certains, des Souchiens, jeu de mots douteux et révélateur. Où va la France, dans ces conditions ? Seule une adhésion sans faille de l’ensemble des habitants de ce pays, à l’esprit des Lumières, nous dit l’auteur, permettra à la France de rester ouverte et solidaire, fidèle à la devise qui orne le fronton de nos bâtiments publics : « Liberté, Egalité, Fraternité ».
En 1882, Renan écrivait : « Avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple ». Qu’en est-il de nos jours ? Rioufol avoue son inquiétude : « Tout est déjà en place pour que cette future nation-macédoine se disloque, demain, sous l’effet d’un possible choc des cultures ». Et le métissage, tant porté aux nues, quand il pousse à la surenchère des identités et à la victimisation des minorités, peut conduire, affirme-t-il, à un véritable détissage.
« Les Français, comme tous les peuples du monde, sont attachés à la préservation de leur mode de vie, de leurs valeurs, de leur patrie. Ils sont liés à leur pays plus que ne le sont nombre de leurs mandataires qui laissent filer son histoire, sa langue, sa culture, ses traditions, sa fierté… » En quelques lignes tout est dit.
Prenez l’école, par exemple. C’est ahurissant ce qu’il s’y passe ! Le niveau éducatif atteint un étiage si bas que 300 000 enfants sortent chaque année du primaire en échec lourd ou en grande difficulté. Dans le cadre des journées d’appel pour la préparation à la Défense, on a pu constater en 2006 que 20% des jeunes de 17 ans ne maîtrisaient pas la lecture. Comment s’étonner dès lors qu’un interrogateur au CAPES de lettres déclare : « Il y a désormais parmi les enseignants des gens qui ne savent rien ! ». Et, pour couronner le tout, tous les prétextes sont bons, pour de nombreux manuels, pour fustiger l’Amérique. « Ainsi, dit Rioufol, s’installent en douce le honte de soi et la haine de l’Occident. Quant au rapport Obin, il n’a jamais été publié par l’Education nationale tandis que les médias se sont montrés plutôt discrets sur son contenu.
Au travers de tous les procès en déshonneur intentés ici et là à la France, un nouveau racisme antifrançais fait son apparition. Au chanteur Monsieur R qui proclame : « La France est une garce, n’oublie pas de la baiser jusqu’à l’épuiser comme une salope il faut la traiter, mec, moi je pisse sur Napoléon et le général de Gaulle », répond comme en écho le groupe Tribu K : « La France, on ne l’aime pas…L’homme blanc est un détail pour nous ».
A propos du dialogue Euro-Méditerranée, Ivan Rioufol est rien moins que sceptique et il fustige le rapport commandé en 2003 par Romano Prodi et cosigné, notamment, par Jean Daniel, Malek Chebel et…Tariq Ramadan. Pour lui, et il rejoint sur ce point l’historienne Bat Ye’or, l’Eurabia, à petits pas, pointe le bout de son nez.
Autre sujet préoccupant : l’immigration. « A cause de l’idéologie antiraciste qui interdit tout jugement autre que positif sur les minorités, l’immigration est restée durant des lustres ce tabou suprême sur lequel le Front national s’est engraissé au fil des ans en n’en comptabilisant que les ratés ». Le démographe Jacques Dupâquier, membre de l’Institut de France tire la sonnette d’alarme : « Le grand scandale, c’est que les chiffres réels de l’immigration ont toujours été masqués à l’opinion publique ».
Une question brûlante, également : le droit du sol, le jus soli, avec l’octroi quasi automatique de la nationalité. Sang régressé en revenant au droit du sang, le jus sanguini, Rioufol propose d’instaurer un jus voluntatis, droit de la volonté.
« La France connaîtra-t-elle un jour le sort d’Israël qui a édifié une barrière pour se protéger de l’islam extrémiste ? » se demande l’auteur.
Si l’islam politique, avec sa dérive djihadiste et terroriste, est souvent montré du doigt dans cet essai, l’auteur prend soin de préciser que la majorité des Français musulmans sont des citoyens indifférenciés des autres. Il faut d’ailleurs, ajoute-t-il soutenir les Musulmans modérés dont les voix sont aujourd’hui inaudibles et notamment les initiateurs du « Nouvel islam » comme Mohamed Pascal Hilout ou Abdennour Bidar.
Alors, face à la tentation de la capitulation et du séparatisme, que faire ? Comment éviter qu’une société post-nationale s’édifie sur un trou de mémoire ? Ivan Rioufol, qui s’élève contre les repentances à répétition, appelle le Victor Hugo des Châtiments à la rescousse : « Réveillez-vous, assez de honte…Redevenez la grande France ! ».
Et ce sursaut, dit-il, existe dans toutes les couches de la population y compris chez les nouveaux arrivants qui viennent dans notre pays non pas pour y être absorbés par des groupuscules communautaristes, mais bien pour y devenir, eux et leurs enfants, des Français à part entière et participer à l’édification de la France de demain dans la continuation de celle d’hier. Pour étayer ses propos, Rioufol n’hésite pas à appeler à la barre ces témoins essentiels que sont l’iranienne Chahdott Djavann, la syro-américaine Wafa Sultan, la germano-turque Necla Kelek, l’hollando-somalienne Ayaan Hirsi Ali et la sulfureuse Oriana Falacci.
Un livre explosif et passionnant.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Fayard. Octobre 2007. 216 pages. 17 euros