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Publié le 20 Septembre 2011

Les vengeurs de la Maison sublime, par Jean-Pierre Allali (*)

Membre du Bureau Exécutif du CRIF, auteur d’une vingtaine d’ouvrages portant sur le judaïsme, sur Israël ou encore sur le racisme, Jean-Pierre Allali vient de publier un nouveau livre dont le sujet est pour le moins original. Il s’agit d’un roman qui nous permet, à travers une intrigue où se mêlent amour, jalousie, crimes et châtiments, de nous faire découvrir une communauté juive méconnue, celle des Juifs de Normandie au Moyen Âge.




L’action se déroule à Rodom, qui, plus tard, s’appellera Rodom. Nous sommes en l’an 4909 du calendrier hébraïque, soit en 1149 de l’ère chrétienne. Plusieurs milliers de Juifs vivent à Rodom, représentant près d’un quart de la population de la ville. La communauté dispose d’une belle synagogue dont la tour domine le Clos-aux-Juifs, d’un mikvé et d’une école talmudique réputée, une yeshiva où étudient une cinquantaine de jeunes gens. Parmi eux, Haïm Bar Chelomo, fils d’un modeste cordonnier et son binôme inséparable, Hakelin Bonfils d’Anjou, héritier d’une famille prestigieuse. Au sein de la yeshiva que dirige avec autorité et bienveillance Maître Qalonymos, comme au sein de toute la communauté, à la veille de la célébration de Pessah, c’est l’effervescence. Deux événements sont annoncés, coup sur coup, l’un d’ordre personnel et familial, le prochain mariage de Haïm avec la belle Rachel Lévita, fille d’un riche négociant et l’autre, plus académique, la visite prochaine, à Rodom, d’un grand maître de la Torah, le célèbre Rav Abraham Ibn Ezra, originaire d’Espagne et grand voyageur devant l’Éternel.



Cette atmosphère de joie va brusquement être ternie par un drame terrible dont le responsable est un proche parent du duc de Normandie, Adalbert Courteheuse. Dès lors, la tristesse s’empare de la communauté. La tristesse et un désir profond de vengeance. Mais comment concilier la vengeance avec le respect de la Loi de Moïse ? Un groupe de jeunes étudiants talmudistes se constitue en « Vengeurs ». Par delà les péripéties du roman dont l’écriture, alerte, est fort agréable, Jean-Pierre Allali nous donne à voir, au quotidien, la vie juive à Rouen au Moyen Âge. Les ruelles animées, les échoppes, les habitants et leurs préoccupations.



C’est dans le sillage des Romains après la chute de Jérusalem, que des esclaves juifs venus de la terre d’Israël ont mis en valeur, au début de l’ère chrétienne le territoire qui allait devenir la Normandie. Ce sont leurs descendants et ceux qui, à travers les siècles, les ont rejoints, qui forment la communauté juive normande à l’époque où se situe l’action de ce roman. On ne le sait pas souvent, mais un « roi » dirigeait cette communauté avec de larges attributions. Le « roi » des Juifs de Normandie, Joseph Bonnevie, s’impliquera fortement dans la recherche de la vérité concernant le drame que va vivre le judaïsme de Rodom. Dans leur enquête, les « Vengeurs » seront amenés à se rendre dans une autre ville, Narbonne et, là aussi, on apprend que la communauté juive est sous l’autorité d’un « roi ». On verra également comment des Juifs normands vont donner naissance à la communauté juive d’Angleterre.



Jean-Pierre Allali qui prend la précaution, en préambule, de rappeler que son ouvrage est un roman, mêle des personnages réels à des héros de fiction. Le bâtiment dans lequel est installée la yeshiva que dirige Maître Qalonymos, n’est rien d’autre que la fameuse « Maison Sublime » découverte en 1976 sous la cour du Palais de Justice de Rouen. L’auteur a puisé aux meilleures sources, notamment dans les travaux savants du chercheur américain Norman Golb, les éléments qui composent la trame historique de son récit.



Près de cent cinquante ans après, en 1306, il ne restera plus aucun Juif en Normandie ni en France. Tous seront expulsés par Philippe Le Bel. Il faut être reconnaissant à Jean-Pierre Allali, de nous permettre, à travers son beau roman, de découvrir une communauté qui fut nombreuse et dynamique au Moyen-âge, celle des Juifs de Normandie.



Jean-Richard Fellus



(*) Éditions Glyphe. Septembre 2011. 196 pages. 16 euros.



Photo : D.R.
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