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Publié le 9 Juillet 2021

Actu - Agression et séquestration d'une famille juive, le caractère antisémite reconnu par la Cour

La Cour d’Assises de Bobigny a reconnu le caractère antisémite de la séquestration subie par Roger, Mireille et David Pinto en 2017 dans leur maison de Livry-Gargan. Justice leur a été rendue.

La Cour d’Assises de Bobigny a jugé du 22 juin au 2 juillet dernier les neufs agresseurs et complices ayant participé à la séquestration antisémite de Roger Pinto, Président de l’association SIONA, ancien Vice-Président du Crif, ancien Vice-Président du consistoire central, de son épouse Mireille et de leur fils David, dans leur pavillon de la commune de Livry-Gargan.

Nous avons défendu leurs intérêts devant la Cour d’Assises de Bobigny et avons obtenu que l’intégralité des accusés soient condamnés à de justes peines pour les crimes qu’ils ont commis avec toutes les circonstances aggravantes, dont celle tenant au caractère antisémite de l’agression.

La famille Pinto a en effet subi un véritable calvaire le 8 septembre 2017 au matin quand trois hommes sont entrés dans leur domicile par un soupirail, les ont séquestrés, violentés, leurs ont volé l’intégralité de leurs objets de valeurs, puis ont passé deux heures à saccager toute la maison pour tenter de trouver le coffre-fort qu’ils avaient nécessairement car « les juifs sont tous riches », les ont forcés en les menaçant de mort à leurs remettre leurs cartes bleus et les codes de celles-ci.

Ils les ont ensuite attachés et enfermés dans leur chambre en leur indiquant que si les codes n’étaient pas les bons ils reviendraient les tuer.

Les agresseurs leur ont pendant la séquestration explicitement indiqué qu’ils les séquestraient et les volaient parce qu’ils étaient juifs. 

Ils ont notamment indiqué qu’ils étaient « les Robin des bois » et leur ont dit pendant la séquestration : « Vous êtes juifs, vous êtes riches, nous prenons aux juifs pour donner aux pauvres ».

Mireille Pinto leur a alors répondu avec courage que son mari et elles n’avaient jamais rien volé de leurs vies, que tout ce qu’ils avaient ils l’avaient obtenu par leur travail, ce qui n’a bien évidemment et malheureusement pas suffi à arrêter leurs agresseurs.

Après le départ des agresseurs, Mireille Pinto a pu appeler les secours et les services de police sont venus les délivrer.

Le Ministre de l’intérieur de l’époque s’est immédiatement ému de cette affaire, la qualifiant d’acte antisémite, ce qui a entrainé la désignation d’un service de police de grande qualité pour mener l’enquête, la sureté départementale de la Seine-Saint-Denis.

Ce service a mené une enquête d’excellence, réussissant à identifier les trois agresseurs, le commanditaire de l’agression, deux complices ainsi que trois personnes ayant recelé les objets volés et ayant tenté de les vendre en Allemagne, lesquels ont été arrêtés et placés en détention.

Le juge d’instruction les a tous interrogés et les a mis en examen pour séquestration en bande organisée avec arme mais a dans un premier temps refusé de reconnaitre le caractère antisémite du crime subi par les membres de la famille PINTO, considérant les agresseurs comme « trop bête pour être antisémites ».

Nous avons donc été contraint de mener un véritable combat procédural et de faire œuvre de pédagogie pour faire comprendre au juge d’instruction que le cliché antisémite explicitement indiqué par les agresseurs relevait de l’antisémitisme crasse et bête qui ne nécessite ni intelligence ni réflexion.

Nous lui avons également indiqué que ce cliché avait eu par le passé des conséquences dramatiques pour Ilan HALIMI, qui en est mort, ou pour un couple séquestré et volé à Créteil car « les juifs ça ne met pas son argent à la banque ».

Nous avons ainsi été contraint de mener une véritable « guérilla procédurale » avec ce juge, laquelle a payé car après deux ans d’instruction et de lutte il a reconnu le caractère antisémite de la séquestration et a renvoyé les neuf personnes ayant contribué à ce crime devant la Cour d’Assises de Bobigny, avec cette circonstance aggravante.

Traumatisée, la famille Pinto a dû quitter quant à elle après cette agression la maison dans laquelle elle habitait depuis trente-cinq ans, ne pouvant plus supporter de vivre compte tenu des crimes qu’ils y ont subis.

Elle souffre depuis septembre 2017 de nombreux traumatismes et attendait avec impatience mais appréhension que les agresseurs et leur complice soient jugés pour que Justice lui soit rendue.

C’est ainsi que, du 22 juin 2021 au 2 juillet 2021, le procès de leurs agresseurs s’est tenu et que nous avons porté leur parole devant la Cour d’Assises de Bobigny pour décrire leurs traumatismes, faire condamner les neufs accusés à de justes peines et faire reconnaitre le caractère antisémite des crimes dont Roger, Mireille et David Pinto ont été victimes.

Nous avons constaté au cours du procès que :

  • Plusieurs agresseurs continuaient à prétendre qu’ils n’avaient pas participé à la séquestration de la famille PINTO, malgré les nombreuses preuves de leurs participations ;
  • Ceux qui reconnaissaient leur participation la minimisait et prétendaient que la famille PINTO n’avait pas été choisie parce que juive et prétendaient qu’aucun propos antisémites n’avaient été tenus, prétendant même ne pas savoir ce qu’était l’antisémitisme !
  • Deux femmes ayant participé à la séquestration confirmaient quant à elle la participation de tous les accusés et le prononcé de paroles antisémites ;

De leur côté, Roger, Mirelle et David Pinto ont confirmé devant la Cour d’Assises, comme ils l’avaient fait devant les policiers, puis devant le Juge d’instruction, les propos qui avaient été prononcés, à savoir que les agresseurs les séquestraient et les volaient parce qu’ils sont juifs.

Au cours de ces audiences longues et éprouvantes, les membres de la Cour d’assises ont pu constater le courage et la dignité de Roger, de Mireille et de David Pinto.

Nous avons au cours de ces audiences longuement interrogé l’ensemble des accusés pour démontrer leurs culpabilités et le caractère antisémite de cette agression.

Nous avons ensuite plaidé au nom de la famille Pinto pour décrire avec précision la violence des subis et les traumatismes qui en résultent, notamment le fait qu’en les agressants, en les séquestrant, en les violentant, leurs agresseurs ont rendu impossible leur maintien dans la maison dans laquelle ils habitaient depuis 35 ans et leurs ont ainsi volé la vieillesse paisible à laquelle ils avaient droits.

Concernant le caractère antisémite nous avons démontré que les propos tenus constituaient un préjugé extrêmement négatif qui à ce titre a porté atteinte à la considération des membres de la famille Pinto et de la communauté juive, et qui est constitutif à ce titre de la circonstance aggravante d’antisémitisme.

Nous avons également plaidé au nom du BNVCA (Bureau National de Vigilance Contre l’Antisémitisme) de Sammy Ghozlan.

Les avocats de la LICRA et du MRAP étaient également présents et ont demandé à la Cour de retenir le caractère antisémite des crimes subis par la famille Pinto.

Le Procureur de la République à quant à lui demandé la condamnation de tous les accusés pour tous les crimes et circonstances aggravantes reprochés.

En ce qui concerne la circonstance aggravante d’antisémitisme, le Procureur de la République a été exemplaire en demandant à la Cour de confirmer que les propos tenus sont antisémites et ont nécessairement porté atteinte à la considération de la famille Pinto.

Les avocats des accusés se sont ensuite exprimés pour demander pour certains leurs acquittements, pour d’autres qu’ils soient condamnés à une peine juste.

Les jurés ont entendu ces différentes plaidoiries et après neuf heures de délibéré ont déclaré coupables l’intégralité des accusés avec toutes les circonstances aggravantes et les ont condamnés à des peines allant de 3 ans (pour l’un de receleurs) à 12 ans de réclusion criminelle (pour le principal agresseur).

La Cour a confirmé à l’unanimité de ses membres le caractère antisémite de la séquestration subie par la famille Pinto indiquant dans la motivation de la décision rendue que « dans la mesure où ils impliquent un préjugé péjoratif, ces propos […] portent atteinte à la considération d’un groupe de personne dont font partie les victimes, à raison de leur appartenance à la religion juive. »

La Cour confirme ainsi que l’expression d’un préjugé péjoratif visant les « juifs » constitue un acte antisémite répréhensible en tant que circonstance aggravante d’un crime.

Elle a de plus déclaré tous les participants à la séquestration coupables d’un crime antisémite et ce peu importe lequel d’entre eux a prononcé les propos antisémites.

La cour a ainsi appliqué un principe de responsabilité collective des crimes antisémites, qui frappe tous les participants à ce crime du sceau de l’infamie.

La Cour a également pris le temps de saluer la dignité et le courage de Mireille, Roger et David Pinto, lesquels ont exprimé leurs souffrances, leurs traumatismes liés à cette agression, tout en ne réclamant par vengeance mais simplement Justice. 

Ils ont été pleinement entendus par la Cour d’Assises de Seine-Saint-Denis.

Nous tenons à signaler qu’il s’agit une décision d’espoir pour la lutte contre l’antisémitisme, notamment celui tenant aux préjugés.

En effet, le combat judiciaire que nous avons mené pour la famille Pinto a entrainé la reconnaissance de la circonstance aggravante d’antisémitisme au stade de l’instruction, puis au stade du procès.

Cela démontre que la Justice française est encore capable dans certains cas de comprendre les attaques spécifiques subies par la communauté juive de France, et d’en tirer les conséquences qui s’imposent. 

Cela nous oblige à ne pas totalement désespérer de la Justice française.

La famille Pinto et nous-même en sommes pleinement satisfaits.

 

Maîtres Marc et Julien Bensimhon, Avocats de la famille Pinto et du BNVCA