Lu dans la presse
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Publié le 27 Octobre 2021

France - Deuil-la-barre : condamnée pour avoir fait le salut nazi et hurlé "Heil Hitler" à une famille juive

Une opticienne du Val-d’Oise de 58 ans a écopé d’un an de prison avec sursis. Celle qui a déclaré s’être "égarée" devra également indemniser les victimes. L'Union des collectivités juives du Val-d'Oise (UCJ 95), représenté par son président René Taïeb était partie civile au procès. L'UCJ 95 est le représentant officiel du Crif dans le Val d'Oise.

Publié le 26 octobre dans Le Parisien

« C’était un geste de contestation… » L’explication incompréhensible de Sophie D. pouvait difficilement convaincre le tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d’Oise). Il jugeait ce mardi cette opticienne de 58 ans, poursuivie pour injures antisémites et apologie de crime contre l’humanité. La prévenue, qui a banalisé les faits, a été reconnue coupable et condamnée à un an de prison avec sursis pour avoir adressé à plusieurs reprises un salut nazi à une famille juive qu’elle ne connaissait pas, croisée par hasard, en hurlant « Heil Hitler ».

Les faits se produisent le 21 août dernier, à proximité du marché de Deuil-la-Barre. La famille E. sort de la synagogue et rentre chez elle. Au volant de sa DS 3, Sophie D. quitte le marché, à cran selon elle après avoir eu un différend avec des commerçants au sujet du prix des poissons et des pêches. Elle tend son bras gauche par la fenêtre et crie « Heil Hitler ». Au moins une dizaine de fois, selon un des fils de la famille qui relève aussi son regard « agressif ».

La conductrice quitte les lieux non sans avoir ajouté, selon les plaignants : « Sales juifs, vous êtes la honte de la France. » Le second fils de la famille a eu le temps de relever l’immatriculation de la voiture, ce qui a conduit l’opticienne, qui n’avait jamais eu affaire à la justice, en garde à vue dès le lendemain, puis, ce mardi, devant le tribunal correctionnel.

« Vous pensez que c’est un symbole de la liberté d’expression ? »

À la barre, Sophie D. reconnaît le salut nazi – qui avait été filmé par les caméras de la ville – mais conteste les injures. « Expliquez-nous comment on se retrouve à faire le salut nazi après avoir fait ses courses ? » demande la présidente qui espérait une réponse sensée. Mais la prévenue indique avoir vu un documentaire sur une manifestation contre la guerre du Viêt Nam où une croix gammée avait été montrée et avoir aussi entendu une émission de radio remettant en cause, selon elle, la liberté d’expression.

« Quel est rapport avec le salut nazi ? Vous pensez que c’est un symbole de la liberté d’expression ? » demande, abasourdie, la présidente. Sophie D. précise alors avoir été aussi énervée par le prix du poisson et des pêches pour justifier son geste. « C’était contre le pouvoir d’achat ? » questionne encore la magistrate.

L’opticienne assure aussi avoir des amis juifs. « Je n’ai aucun ressentiment négatif contre les personnes juives », insiste-t-elle. Elle relève aussi que rien n’a été trouvé chez elle en lien avec l’antisémitisme, tout en indiquant toutefois en procédure avoir demandé à son père « de ne plus se balader dans la rue avec Mein Kampf ».

Entre 400 et 800 actes antisémites chaque année en France

Elle admet cependant « s’être égarée » en faisant le salut nazi et parle de son souci du « pacifisme ». « Ce n’est pas possible de dire cela ! Vous savez ce que ce geste représente ! » rétorque la présidente. « C’est un geste de contestation », répète la prévenue. « Je ne le referai jamais. » « Il y a eu un dérapage complet, un acte complètement irréfléchi », a plaidé son avocate.

Maître Franck Serfati, l’avocat de la famille et du bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNCVA), parties civiles, la questionne à son tour : « Vous êtes allée au lycée. Le mot Shoah vous dit quelque chose ? Les six millions de juifs exterminés ? » La prévenue admet « l’horreur » mais évoque aussi les Tsiganes et les handicapés comme autres victimes des nazis, comme pour minimiser.

« Nous sommes un peu sidérés à vous entendre. Cela vous arrive souvent de faire le salut hitlérien quand vous êtes énervée ? », lui demande la procureure qui évoque dans son réquisitoire le procès du meurtre antisémite de Mireille Knoll qui s’est ouvert aux assises de Paris et précise que sont relevés entre 400 et 800 actes antisémites chaque année en France. « Dans ce dossier, c’est la France qui a honte. C’est une atteinte à toutes les valeurs de la République. »

« Je demande que la justice soit la plus ferme possible par rapport ces gestes, ces mots », a indiqué à la barre René Taïeb, au nom de l’Union des communautés juives du Val-d’Oise, précisant que les actes antisémites augmentent sans cesse. Il a réclamé et obtenu un euro symbolique. La famille E., comme stupéfaite, a renoncé à s’exprimer. Sophie D. devra indemniser les parents et leurs deux fils à hauteur de 1 000 euros chacun, tout comme le BNVCA.