Lu dans la presse
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Publié le 4 Mai 2021

France - Strasbourg : "L’antisémitisme ne se négocie pas, il se combat", A. Fontanel

À la veille du conseil municipal, l’ancien premier adjoint Alain Fontanel (LaREM) revient dans une tribune sur la polémique qui a suivi le refus de la majorité écologiste d’adopter la définition de l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA) contre l’antisémitisme.

Publié le 1 mai dans Dernières Nouvelles d'Alsace

« Chaque jour plus présent, sous ses formes multiples, l’antisémitisme gangrène notre pays cherchant à se dissimuler derrière le négationnisme, le complotisme et bien sûr l’antisionisme. L’antisémitisme d’une partie de la gauche radicale vient ainsi s’ajouter au vieil antisémitisme traditionnel de l’extrême droite. La détestation d’Israël et la négation de son droit à exister servent de paravent à la haine des Juifs, antisémitisme et antisionisme partageant alors le même objectif. Cette haine antisioniste se retrouve jusque dans notre ville avec la récente agression d’un jeune Strasbourgeois parce qu’il portait un tee-shirt aux couleurs d’Israël.

« Notre réaction doit être à la hauteur des dangers qui nous guettent »

Cet antisémitisme contemporain mine notre société et se propage dans tous les “Territoires perdus de la République” comme Georges Bensoussan l’écrivait il y a déjà vingt ans. Relayé par une jeunesse en rupture, il se retrouve dans nos quartiers et dans les écoles comme dans nos prisons et sur les réseaux sociaux devenus d’effrayantes caisses de résonance pour les haines les plus lâches.

La désinhibition de la violence, verbale et physique, est venue ces dernières années renforcer et libérer ces vents mauvais.

Il faut malheureusement admettre que la situation est ici plus grave que dans bien d’autres pays européens. En France, on tue et torture des juifs parce qu’ils sont juifs comme ce fut le cas avec Ilan Halimi, Mireille Knoll ou Sarah Halimi. Ils y sont aussi les cibles privilégiées du terrorisme djihadiste comme à l’école Ozar Hatorah de Toulouse ou à l’Hyper Cacher de Paris. En Alsace, même les morts n’ont pas droit au repos avec la multiplication des profanations de sépultures dans les cimetières juifs. À Strasbourg, dans nos rues, on a pu entendre de glaçants « mort aux juifs » lors de certaines manifestations.

Notre réaction doit être à la hauteur des dangers qui nous guettent, l’histoire nous rappelle que l’antisémitisme a toujours été annonciateur de grandes catastrophes. Il accompagne le basculement des sociétés dans une culture de la violence, de l’arbitraire et de la dénonciation. Il prépare d’autres haines et discriminations, l’homophobie, le sexisme, le racisme et l’islamisme dont les premières victimes sont souvent les musulmans.

Strasbourg, où la présence de la communauté juive est quasi millénaire, a une responsabilité particulière dans ce combat essentiel. Successivement terre d’accueil et de rejet, elle connaît sans doute mieux qu’ailleurs le prix élevé de l’antisémitisme. Considérée encore aujourd’hui comme un rare havre de paix pour sa communauté juive, elle doit rassurer ses membres. Capitale européenne des droits humains, elle a enfin un devoir d’exemplarité et doit montrer la voie.

Combattre efficacement l’antisémitisme exige de reconnaître toute l’étendue et la diversité de ce mal qui ronge notre société. Strasbourg s’honorerait à enfin adopter, après tant d’États et de collectivités locales, la définition opérationnelle de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) qui permet justement de mettre des mots sur ces maux en condamnant sans ambiguïté tous les actes, les gestes et les expressions antisémites.

Si elle échouait à nouveau à le faire, lors de son prochain conseil municipal, elle tournerait au contraire le dos à ses responsabilités en renonçant à afficher sa détermination à lutter contre toutes les formes d’antisémitisme.

« L’antisémitisme n’est pas une opinion mais bien un délit »

Il faut bien nommer ce mal pour le combattre efficacement sur tous les fronts sécuritaire et judiciaire, éducatif et mémoriel. Ce combat universel c’est aussi celui de la lutte sans relâche contre toutes les formes de discrimination, sans distinction ni hiérarchie, pour que tous nos quartiers puissent reprendre espoir et que l’égalité n’y soit pas qu’un concept abstrait.

C’est une bataille idéologique, culturelle et intellectuelle qu’il faut gagner dans toute la société, dans nos centres-villes comme dans nos banlieues, à l’école et sur les réseaux sociaux en mettant enfin un terme au sentiment d’impunité qui flotte trop souvent sur ces actes.

L’antisémitisme n’est pas une opinion mais bien un délit. Il ne se négocie pas, il se combat sans compromis ni compromission. “Pour les juifs” écrivait avec force Émile Zola le 16 mai 1896 à la Une du Figaro. “Pour les juifs et la République” pourrions-nous écrire 125 ans plus tard, car l’antisémitisme n’est pas seulement l’affaire des juifs, c’est l’indispensable combat de tous les démocrates. »

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