Yonathan Arfi

Le nouveau Président du Crif, un militant juif et citoyen

Inauguration des voies Exodus et Commissaire Leboutet à Sète - Discours du Président du Crif

06 Juin 2023 | 73 vue(s)
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France

À l'occasion des 80 ans du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), les membres du Crif ont été reçus à l'Élysée par le Président de la République, Emmanuel Macron, et Madame Brigitte Macron, lundi 18 mars 2024. Le Président du Crif, Yonathan Arfi, a prononcé un discours à cette occasion. 

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Lundi 5 juin 2023, une grande cérémonie était organisée par la ville de Sète, avec le soutien du Crif Languedoc-Roussillon et de sa Présidente Perla Danan pour rendre hommage à la fois aux passagers de l'Exodus, qui quitta le port de Sète le 11 juillet 1947 avec à son bord 4 554 rescapés de la Shoah, en partance pour Haïfa, et au Commissaire de police Laurent Leboutet, dont l'action en faveur de ces réfugiés fut déterminante.

 

L’histoire de l’Exodus a tous les ingrédients d’un roman policier ou d’une série télé : on y trouve des agents secrets, des anciens de la Résistance, des responsables politiques qui protègent les activités du Mossad, des consuls qui fournissent de faux visas, des femmes, des enfants orphelins, des hommes ravagés par la guerre, un navire rafistolé, des Anglais inflexibles, la presse et le cadre idyllique du Sud de la France en toile de fond…

Mais avant tout, l’histoire de l’Exodus est une image très nette de l’Europe de l’immédiat après-guerre. Des centaines de milliers de personnes déplacées errent sur le Vieux continent. La guerre les a chassées de chez elles. Mais pour les Juifs d’Europe de l’Est, la Shoah, comme une lame de fond, a englouti tout espoir de pouvoir se reconstruire sur ces terres d’Europe où flotte encore l’odeur de la mort.

On ne sait quoi faire de ces réfugiés juifs qu’on parque dans des camps en Allemagne et en Autriche. Mais beaucoup parmi eux savent où ils veulent aller : ils rêvent de rejoindre le Yishouv en Palestine sous mandat britannique, embryon du futur État d’Israël.

L’histoire de l’Exodus, c’est l’histoire de cette espérance. Et dans la réalisation de cette espérance, la France et les Français vont être des alliés fiables et généreux. C’est à la fois au parcours épique de l’Exodus et à l’histoire de cet élan de solidarité et d’humanité que nous rendons hommage aujourd’hui.

Je veux commencer par remercier M. le Maire, François Commeinhes, de son engagement sans faille pour que Sète se souvienne que c’est d’ici qu’a démarré l’une des plus grandes épopées de la création de l’État d’Israël. Merci également à la région à et sa présidente Carole Delga sans qui ce projet n’aurait pu voir le jour.

L’humanité, le courage, la solidarité ont parfois un nom et un visage : pour les passagers de l’Exodus, ce sont ceux de Sétoises et Sétois venus leur apporter des vivres mais aussi et surtout celui du commissaire Laurent Leboutet, dont l’action courageuse et protectrice leur permettra d’embarquer sans encombre sur le bateau de leur espérance.

Laurent Leboutet s’était déjà illustré durant la guerre en faisant passer clandestinement la ligne de démarcation à des Juifs. Cet acte de bravoure lui vaudra d’être reconnu « Juste parmi les Nations », la plus haute distinction civile en Israël. Que la mémoire de Laurent Leboutet guide nos pas.

Chers amis, la question n’est pas de savoir ce que chacun de nous aurait fait à sa place, il y a 80 ans. Mais plutôt ce que chacun peut faire ici et maintenant. Et je veux me tourner notamment vers les collégiens et lycéens qui sont avec nous ce matin.

À l’heure où l’antisémitisme renaît de ses cendres, loin – heureusement – du paroxysme de la Shoah, mais loin aussi – malheureusement – de la sérénité à laquelle les Juifs de notre pays devraient pouvoir prétendre, à l’heure où les haines de toutes sortes progressent, refusons la fatalité.

Restons vigilants et combatifs face aux perversions de l’Histoire et à la concurrence victimaire qui font qu’aujourd’hui, on en arrive à reprocher aux Juifs de s’accaparer le statut de victimes… comme si la Shoah avait été un privilège.

Voilà l’Histoire qui s’écrit sous nos yeux.

Chers amis, il est une tradition juive qui dit que changer de nom, c’est changer de mazal, de « destinée ». En partant de Sète, le navire chargé de ses hommes, femmes et enfants et de leur détresse, s’appelait encore de son nom historique, le Président Warfield.

En changeant de nom quelques jours plus tard dans les eaux internationales pour s’appeler « Exodus » – en français « Exode » –, les passagers choisissaient de transformer leur détresse en espoir, en faisant écho au second livre de la Bible, chapitre V verset 1 « Laisse partir mon peuple » début du périple vers la terre promise à la sortie d’Égypte.

Cet espoir ne les quittera plus, malgré les péripéties que vous connaissez. À Port de Bouc où les bateaux cages sont amarrés, les passagers de retour en Europe refusent de descendre malgré l’asile politique qui leur est proposé par les autorités françaises : ils iront rejoindre le yishouv ou bien ils mourront là. Ils entonnent la Hatikva, le futur hymne national israélien, dont le nom veut dire « Espoir ».

Chers amis,

Le 11 juillet 1947, en permettant à des rescapés de la Shoah d'embarquer vers la terre de leur espérance, la France assumait son ambition humaniste et universaliste. Car la création de l’État d’Israël est au fond la matérialisation de l'idéal français des Lumières : le peuple juif, comme tous les autres, a le droit de disposer de lui-même.

L’amitié qui lie la France à Israël est forte de cette histoire et pérenne grâce à nos engagements partagés. Aussi, nous ne craignons pas les tentatives qui voudraient la briser. Les tentatives d’assimiler Israël à un régime colonial ou d’apartheid n’ont aucun sens pour qui connaît l’Histoire. Et en particulier, ici, à Sète, on sait que celles et ceux qui peuplent Israël n'ont pas de métropole de repli. Les Juifs qui vivent en Israël n'ont nulle part où rentrer. 

Nous souhaitons à la France et à l’État d’Israël de faire perdurer longtemps leur solide et longue amitié, dans la fidélité à la mémoire partagée.

 

Yonathan Arfi, Président du Crif

 

 

 

 

 

 

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