Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Le billet de Richard Prasquier - Sur des amis douteux et des ennemis habituels

16 Octobre 2023 | 156 vue(s)
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Actualité

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Israël

Chronique de Bruno Halioua, diffusée sur Radio J, lundi 12 février à 9h20.

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Ceci est une histoire vraie. Je crains que ce soit une histoire banale. Je pense que c’est une histoire qui fait réfléchir.

Une jeune fille, Française juive, effectue depuis un an ses études universitaires à Madrid. Elle s’y est fait un entourage chaleureux d’amis étudiants, avec lesquels les relations sont d’autant plus étroites que chacun est un expatrié. Parmi eux, plusieurs musulmans, originaires du Maroc ou d’Égypte.

L’histoire des conflits au Moyen-Orient, la question d’Israël et des Palestiniens, celle de l’antisémitisme et de l’islamisme radical, tout cela ne faisait pas vraiment partie de leurs conversations. Ils parlaient de la vie des jeunes en général, et celle des jeunes en Israël était discutée avec sympathie.

Des amis, en fait des amis proches…

Le lundi 9 octobre cette jeune fille lit sur leurs comptes des déclarations telles que : Israël se conduit en nazi, il masque ses propres crimes en trafiquant des images, il cherche à anéantir les Palestiniens, le combat du Hamas est un combat juste et glorieux, etc.

Choc psychologique, fin de l’amitié, retour en France pour souffler. Impression aussi que tout débat serait inutile devant la déferlante des accusations, car les informations véhiculées par les médias « mainstream » seraient rejetées puisque ces médias sont « aux mains des sionistes ». 

On sait, et l’historien Georges Bensoussan insiste là-dessus, que l’action génocidaire est accompagnée ou suivie d’une démarche négationniste : « Ces événements ne se sont pas produits et ceux qui disent qu’ils ont eu lieu (les Juifs, les sionistes, les impérialistes, etc.) et osent en accuser des innocents (les palestiniens, les musulmans, etc.), confirment par là-même qu’ils sont racistes et islamophobes et qu’ils ne reculent devant aucun mensonge ».

Une autre ligne de défense est celle du renversement de causalité : « Il y a bien eu quelques regrettables excès, mais ils ont été engendrés par le trop plein de désespoir provoqué par une situation épouvantable, dont les victimes étaient malgré tout, d’une certaine façon, des co-responsables ». Cette ligne-là, plus attirante pour qui se targue de respecter la vérité factuelle, est largement fréquentée par les bonnes âmes humanistes.

Une situation inédite est celle où les assassins, tortureurs, violeurs, décapiteurs se vantent de leurs actions et les dévoilent au monde grâce aux moyens modernes de diffusion. Cela implique une jouissance qui s’allie mal avec un soi-disant acte de désespoir.

On pourrait donc penser que dans un cas aussi patent que les atrocités commises par le Hamas, d’une part le négationnisme serait impossible et d’autre part que l’individu normal répugnerait à manifester une solidarité avec des monstres.

Il n’en est rien.

D’abord, il est facile de cantonner ces crimes à quelques individus « non représentatifs ». Le fait que ces assassinats étaient planifiés, comme on l’a découvert à la lecture d’instructions retrouvées sur un cadavre d’un membre du Hamas, n’affleurera pas la conscience. Impressionnante par ailleurs a été la liesse des foules dans le monde musulman, y compris dans des pays qui sont loin de l’épicentre palestinien avec, pour le moins, une large indifférence pour les atrocités commises par l’organisation terroriste palestinienne.

Cela n’empêche pas que le discours irénique sur des populations palestiniennes et arabes entièrement pacifiques, défendues par des mouvements légitimes de libération nationale comme le Hamas, dépeint comme opposé aux exactions, continue d’exalter certains militants d’extrême gauche. Pourquoi ne pas croire un Salah Arouri, un des chefs du Hamas, posté au Qatar, qui déclare à une télévision britannique : « Hamas n’attaque jamais des civils » en omettant de préciser que, pour lui, il n’existe pas de « civil » israélien…

Pour maintenir une telle position, il faut ensuite ne pas tenir compte des images postées par les assassins eux-mêmes.

C’est aujourd’hui facile.

La civilisation de l’image est devenue celle de la falsification de l’image. Rien de plus simple que de rejeter des images dans un monde où certains pensent que la terre est plate, que l’homme n’a jamais mis les pieds sur la Lune et que le 11 septembre est une fiction.

Il suffit de dire que ces images ont été falsifiées : le négationniste esquive ainsi le test de vérité qu’était censée apporter la preuve visuelle des faits. La technique autorise aujourd’hui toutes les manipulations, et la victime devient le coupable, soit qu’on la transforme en auteur des faits reportés, soit qu’on en fasse le fabricant de faits inexistants. Il n’y aurait donc jamais eu d’enfants décapités et ceux qui veulent le faire croire sont d’ignobles menteurs…

Mais il reste finalement la principale question, comment des élucubrations aussi grotesques peuvent-elles être reprises par des individus sensés ? Comment des étudiants musulmans plutôt ouverts au dialogue peuvent-ils, contre toute vraisemblance, accuser Israël d’être responsable d’atrocités alors même qu’ils gomment de leur discours et probablement de leur esprit toute référence aux atrocités malheureusement bien réelles commises par le Hamas ? Antisémitisme jusque-là refoulé ? Je ne crois pas que cette réponse suffise, ni même qu’elle soit toujours pertinente.

L’invraisemblable crédulité de certains individus, et/ou leur réticence à se désolidariser avec des criminels, ne sont pas des réactions psychologiques bien explorées. Elles méritent de l’être, car elles pèsent sur l’économie mentale de l’homme en société.

Peut-être la jeune fille étudiante de Madrid pourra-t-elle alors renouer un jour avec ses anciens amis. 

Mais cela vaut pour le futur. Pour l’instant, pour Israël, c’est la guerre, et pour nous, la déception de voir que certains que nous considérions comme nos amis soient absents au rendez-vous de la vérité, de l’effroi et de l’empathie.

Heureusement, il y a les autres… Merci à eux…

 

Richard Prasquier, Président d’honneur du Crif

 

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