Jean Pierre Allali

Membre du Bureau Exécutif du CRIF, Jean-Pierre Allali préside la Commission des Relations avec les Syndicats, les ONG et le Monde Associatif.

Lectures de Jean-Pierre Allali - Le fantôme d’Odessa, par Camille De Toledo et Alexander Pavlenko

21 Juin 2022 | 301 vue(s)
Catégorie(s) :
Opinion

Comme chaque été, de nombreux juifs ont décidé de quitter la France pour s’installer en Israël. On parle de 8000 à 10 000 pour l’ensemble de l’année 2015. J’ai moi-même fait ce choix en 2013  et pourtant j’ai, plus que jamais, envie de parler de ceux qui restent. 

Dov Maimon rejoint les auteurs du Blog du Crif !

Ce dernier détaille ici les multiples racines de l’antisémitisme, qui a explosé en France à partir de l’année 2000 et la première « intifada ». Et qui s’est fortement aggravé tout au long de l’année dernière. Marc Knobel évoque notamment l’origine idéologique – soulignée et étudiée par le philosophe et chercheur Pierre-André Tagguief – d’un antisémitisme qui découle d’un antisionisme extrême, lui-même alimenté depuis longtemps par les tenants de l’islamisme radical. Extrême gauche et extrême droite française en passant par « Dieudonné and Co » sont aussi, historiquement et actuellement, parmi les premiers diffuseurs de la haine antisémite en France. Description et analyse en huit points.

Partout en France, des crayons, des stylos et des feutres ont été brandis, les seules armes du courage et de la liberté contre d'autres armes qui tuent, qui souillent, qui meurtrissent à tout jamais.

Pages

Le fantôme d’Odessa, par Camille De Toledo et Alexander Pavlenko (*)

 

Ce n’est pas la première fois que ces deux auteurs utilisent le moyen de la bande dessinée pour nous présenter un personnage célèbre. En 2018, c’est le père du sionisme, Theodor Herzl, qui a été le héros de leurs dessins (1). Dans cette nouvelle production, « les projecteurs sont dirigés vers l’écrivain russe Isaac Babel assassiné le 27 janvier 1940 sur ordre de Staline.

À travers cette BD aux couleurs souvent sombres comme le récit qui nous est rapporté, c’est toute la vilénie, l’hypocrisie, le mensonge et la folie meurtrière d’un régime auquel, hélas, des millions de personnes avaient fait confiance.
Isaac Babel ne fut pas le seul à subir l’horreur du régime stalinien, loin s’en faut, mais sa tragique épopée est exemplaire. Natif d’Odessa, il se maria deux fois, avec Evguenia Gronfein puis avec Antonia Pirojkova et eut trois enfants : Nathalie, Lydia et Misha.

Par-delà l’épopée personnelle de Babel, nous découvrons la vie animée d’Odessa, ville turbulente, pleine de vie où sévissaient des bandits juifs avec, à leur tête, le « Roi », Bénia Krik. Un anarchiste lié aux bolchéviques qui, finalement, sera trahi par eux. Ami du grand cinéaste, S.M. Eisenstein, Babel lui avait d’ailleurs proposé un scénario sur la mafia juive. Le projet n’eut finalement pas de suite.

Nathalie et sa mère, ayant senti le vent tourner, avaient rejoint la France. C’est par les nombreuses lettres qu’il adressa discrètement à sa fille qu’on connaîtra le sort funeste de Babel, arrêté pour des motifs fantaisistes, une activité d’espionnage au profit de la France, incarcéré à la prison moscovite de la Loubianka, torturé sans relâche et finalement exécuté. Babel, avouera, dans ses lettres à sa chère Natachenka, regretter d’avoir été aveugle et de ne pas avoir, lui aussi, choisi l’exil et la liberté en Occident . « Quelle bêtise ! Quelle bêtise a poussé dans ce pays ». « La Révolution est une grande boucherie ». Ou encore : « Pourquoi, après le congrès, quand j’étais à Paris ne suis-je pas resté avec vous ? Je suis un idiot ».

En conclusion : « La Russie est une prison sous le ciel, et moi, ton père, je ne suis pas un oiseau ».

Isaac Babel, enfant, avait connu les pogromes que subissaient régulièrement les Juifs d’Union soviétique, mais, comme de nombreux coreligionnaires, il commit l’erreur de croire en la Révolution. Il le paya très cher. Longtemps, le pouvoir russe laissa croire qu’il était en vie.

Une BD surprenante. A découvrir !

 

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Denoël. Mai 2021. Suivi d’une conversation des auteurs avec Sophie Benech. 224 pages, grand format. 24,90 €.

(1) Éditions Denoël. Mars 2018. Voir notre recension dans la Newsletter en date du 3 octobre 2018.