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Publié le 23 Janvier 2024

L'entretien du Crif - François-Xavier Bellamy (LR) : accuser Israël de « génocide » est « une honte absolue »

Le député européen François-Xavier Bellamy, probable tête de liste LR aux prochaines élections européennes, évoque pour le Crif les enjeux de cette échéance majeure pour l’avenir de l’Europe, souligne l’importance de soutenir l’Ukraine face à l’agression russe et, en réponse aux questions de Jean-Philippe Moinet, évoque aussi la guerre Israël-Hamas : il précise comment son groupe au Parlement européen a permis de trouver une large majorité sur une résolution qui conditionne tout cessez-le-feu à la libération des otages et au « démantèlement » de l’organisation terroriste Hamas à Gaza : « Il nous faut soutenir ce combat pour la destruction de cette organisation islamiste de haine et de terreur, dont les Palestiniens de Gaza sont aussi les victimes ».

Le Crif : La campagne des élections européennes de juin prochain semble commencer : quel est le thème majeur que vous souhaitez porter et développer dans cette campagne ?

François-Xavier Bellamy : Alors que le monde évolue si rapidement et que les menaces s’accentuent sur les Européens, la question majeure est : est-ce que l’Europe veut se donner les moyens de maîtriser son destin ?

Répondre positivement à cette question passe d’abord par notre capacité à produire en Europe ce dont nous avons besoin ; cela implique l’affirmation d’une véritable stratégie en matière industrielle, énergétique et agricole afin de ne pas être dépendants demain dans des domaines stratégiques. L’indépendance s’impose aussi en matière migratoire, dans la mesure où la gestion des flux migratoires a trop été déléguée à des États tiers. Ces insuffisances fragilisent nos démocraties qui, pour défendre leur modèle, ne peuvent devenir les otages de puissances autoritaires qui produisent leur énergie ou instrumentalisent les flux migratoires : les pays européens deviennent trop vulnérables dans un contexte géopolitique qui ne cesse de se tendre. On l’a bien vu pendant la crise Covid, puis avec la guerre en Ukraine par la Russie.

 

Le Crif : Pour réduire cette vulnérabilité, certains – dont le Président de la République Emmanuel Macron – mettent en avant l’objectif d’une souveraineté européenne, est-ce que vous convergez sur ce point ?

François-Xavier Bellamy : Ce concept est inexact. La souveraineté, le fondement de l’exercice démocratique le plus fort, doit s’appliquer d’abord à l’échelle de nos démocraties. L’Europe, c’est son modèle singulier, n’est pas un super-État qui ferait disparaître les pays qui la composent ; cette singularité est d’ailleurs ce qui fait la richesse de l’Europe et sa force. Elle constitue une alliance de démocraties, et elle se renforcera en rendant chaque peuple européen plus capable grâce à elle de décider de son destin.

 

 

« Il est absolument fondamental de soutenir l’Ukraine car c’est notre propre sécurité qui se joue aussi en Ukraine »

 

 

Le Crif : Dans cette perspective, vous soutenez les initiatives qui visent à renforcer actuellement la défense de l’Ukraine face à l’agression russe ?

François-Xavier Bellamy : Oui bien sûr, c’est absolument fondamental car c’est notre propre sécurité qui se joue aussi, finalement, en Ukraine. Il est important que les Européens aient conscience de cet enjeu majeur. En Europe centrale et orientale, beaucoup de nos amis et partenaires sont plus lucides sur ce qui est en train de se jouer à travers ce conflit. À nous Européens, de nous organiser pour soutenir efficacement l’Ukraine dans la durée et faire face à toutes les hypothèses de défense de l’Europe.

 

Le Crif : D’un point de vue politique, entre le nationalisme d’extrême droite (Rassemblement National, Reconquête) et l’européanisme d’un centre élargi vers la droite (Renaissance), en gros entre lepénisme et macronisme, comment votre famille politique Les Républicains peut desserrer l’étau qui peut la menacer aux élections de juin ?

François-Xavier Bellamy : La question de l’étiquette n’est évidemment pas le plus important, si nous n’avions pas de raison d’être, il ne serait pas raisonnable de se lancer dans cette élection. Mais je vois à quel point le travail que nous faisons aujourd’hui au Parlement européen, personne d’autre, dans des domaines clés, ne le fait vraiment. Le Rassemblement National (RN), quel que soit son discours, ses postures et les illusions qu’il tente de faire prendre pour des réalités, est un parti totalement absent du travail européen. Ces cinq dernières années, il n’a gagné, ni même mené, aucune bataille essentielle. Il n'a aucune crédibilité, ni résultats concrets, donc aucune utilité, au Parlement européen.

Le problème de nos collègues macronistes est que derrière l’illusion du « en même temps », ils ont pendant cinq ans de manière constante contribuer à soutenir la gauche ou l’écologie politique dans son travers : la décroissance économique, qui ne peut conduire qu’au déclin social, mais aussi à la fragilisation de nos démocraties dans les confrontations géopolitiques que nous évoquions. Il nous faut renforcer, et non faire décroître par des normes et des contraintes excessives les capacités de production en France et en Europe. C’est cela l’enjeu d’avenir. Sur ce point, nous avons une divergence de fond avec les députés européens macronistes, dont beaucoup viennent de la gauche.

 

 

« Le vrai clivage qui traverse l’Europe n’est pas entre ‘’progressistes’’ et ‘’populistes’’ mais entre la droite et la gauche »

 

 

C’est pourquoi nous avons le devoir d’incarner une opposition démocratique, de faire entendre fortement une autre alternative au macronisme que celle des démagogues et des absents qui desservent la voix de la France en Europe. C’est aussi un travail essentiel pour préparer l’avenir du pays. D’ailleurs, il faut le souligner, le grand clivage qui structure la vie politique européenne n’est pas l’opposition entre « progressistes » et « populistes » contrairement à ce qui nous est trop souvent raconté en France ; le vrai clivage qui traverse l’Europe, aujourd’hui comme hier et sans doute comme demain, c’est le pluralisme démocratique qui distingue la droite et la gauche.

 

Les deux grandes forces du Parlement européen sont le parti populaire européen (PPE), groupe auquel nous appartenons, et les socialistes européens. Il ne faudrait pas que les Français se trompent à la fois de perspectives et d’élection en juin prochain. La question essentielle n’est pas de savoir qui de la liste RN ou Renaissance arrivera en tête en France ; ce serait une grave illusion d’optique sur les perspectives d’avenir et les enjeux actuels. Non, la vraie question est et sera de savoir qui représentera la France dans les deux grandes formations politiques qui structurent le Parlement européen, que sont la droite PPE et la gauche socialiste. Le reste est une diversion trompeuse et dangereuse.

 

 

« Le renversement mémoriel est révoltant. Tous les démocrates et humanistes, au-delà des clivages, doivent y mettre fin »

 

 

Le Crif : Concernant la guerre Israël-Hamas, on a vu l’Afrique du Sud attaquer l’ État d’Israël sur le thème d’un prétendu « génocide » à Gaza. Comment qualifiez-vous cette accusation ?

François-Xavier Bellamy : C’est une honte absolue ! Ce n’est pas surprenant de la part d’un pays qui est le partenaire, explicite et affiché, du Hamas. Les dignitaires de ce mouvement terroriste étaient en décembre dernier reçus et représentés en Afrique du Sud pour un événement, ce qui a bien sûr atteint gravement son sens, à savoir la commémoration de la mort de Nelson Mandela.

Cette accusation, et l’instrumentalisation du terme de « génocide », devrait être dénoncée par tous les Européens, dont l’histoire a été si tragiquement marquée par l’entreprise d’extermination des Juifs, la Shoah, crime contre l’Humanité perpétré à une échelle inégalée dans l’histoire de l’Humanité. L’Union européenne est née, précisément, sur les décombres de la Seconde Guerre mondiale et pour que notre continent ne connaisse plus jamais l’horreur absolue de la Shoah et de toute entreprise génocidaire pouvant viser un peuple ou une communauté ethnique, culturelle ou religieuse.

De ce point de vue, le plus honteux, c’est de voir aujourd’hui que des parlementaires européens d’extrême gauche – le groupe auquel appartient LFI – ont osé déposer des amendements à un texte de motion que nous avons déposé au Parlement européen concernant la guerre Israël-Hamas à Gaza, pour reprendre l’accusation de l’Afrique du Sud et ce mot de « génocide ». Ce retournement mémoriel est indécent, révoltant. Tous les Européens, démocrates et humanistes, au-delà des clivages partisans, ont le devoir moral de le dénoncer avec fermeté et d’y mettre fin.

 

Le Crif : Un vote récent et important du Parlement européen, largement majoritaire, a affirmé la volonté d’un cessez-le-feu à Gaza en le conditionnant à deux choses : la libération de tous les otages et le démantèlement du Hamas. C’est votre position ?

François-Xavier Bellamy : Oui, bien sûr, c’est même la position que nous avons réussi à imposer et qui clarifie nettement les choses pour l’Europe. Notre groupe PPE (parti populaire européen, droite/centre droit) – qui comprend les députés européens français LR – a été le groupe qui a affirmé qu’une conditionnalité absolue était le préalable indispensable à tout appel au cessez-le-feu. D’autres groupes, y compris celui de nos collègues macronistes, voulaient appeler au cessez-le-feu de manière inconditionnelle, en n’évoquant qu’un « objectif » de libération des otages, sans en faire une condition. Nous avons eu une interruption de séance au Parlement européen pour permettre d’engager une concertation avec d’autres groupes à partir de notre position, qui avait dès le début la force de la clarté. La position du groupe Renew (Renaissance) ayant été rejetée, nous avons finalement obtenu une large adhésion des parlementaires européens, cette résolution conditionnant donc le cessez-le-feu à la libération des otages et au démantèlement du Hamas. Car l’avenir de l’État d’Israël, comme celui de la bande de Gaza et des Palestiniens, ne peut se concevoir avec le maintien des violences et des menaces du terrorisme islamiste que représente le Hamas.

 

 

« Il nous faut soutenir ce combat pour la destruction [du Hamas], cette organisation islamiste de haine et de terreur, dont les Palestiniens de Gaza sont aussi les victimes »

 

 

Le Crif : Mais comment entrevoyez-vous l’avenir de Gaza dans la perspective d’un après-Hamas ?

François-Xavier Bellamy : C’est naturellement difficile à prédire. La responsabilité première incombe bien sûr à ceux qui vivent ce conflit. Pour les européens, il est important de travailler sur « l’après » ; mais dans l’immédiat, il faut surtout tout faire pour que soient atteints les objectifs prioritaires qui s’imposent, et le premier est la défaite du Hamas. Il nous faut soutenir ce combat nécessaire pour la destruction de cette organisation islamiste de haine et de terreur, dont les Palestiniens de Gaza sont aussi les victimes, depuis trop longtemps. L’urgence absolue, c’est aussi que les otages puissent revenir rapidement sains et saufs. J’ai personnellement travaillé à ce qu’une solution puisse être trouvée ces dernières semaines, en lien avec David Sprecher, avec les équipes de l’Élysée, du Quai d’Orsay, pour que des médicaments puissent être acheminés, notamment par la médiation du Qatar, vers les otages encore détenus par le Hamas qui en avaient un besoin vital. Il ne faut cesser de penser au sort des otages.

 

Le Crif : Vous soutenez et participerez à la cérémonie annoncée par le Président de la République, prévue le 7 février, pour rendre hommage à nos 41 compatriotes qui ont été assassinés par le Hamas le 7 octobre ?

François-Xavier Bellamy : Oui, bien sûr. Mon seul regret est qu’elle arrive si tard. Cela fait de longues semaines qu’avec le Président de LR, Éric Ciotti, nous demandons qu’un hommage national aux victimes de l’attaque terroriste du 7 octobre ait lieu ; je ne comprends pas les raisons qui l’ont à ce point retardée.

Cet hommage n’en reste pas moins absolument nécessaire, et je suis soulagé que le Président de la République ait finalement répondu à cette demande pour le moins légitime, pour la mémoire de ces victimes du terrorisme, leurs familles et proches ; c’est un devoir pour la République française, ses élus et ses citoyens, d’honorer cette mémoire. C’est aussi une manière de redire l’urgence du combat contre le terrorisme.

 

 

Propos recueillis par Jean-Philippe Moinet, le 22 janvier 2024

 

 

- Les opinions exprimées dans les entretiens n'engagent que leurs auteurs -

 

 

 

 

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