Le CRIF en action
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Publié le 22 Janvier 2013

70e anniversaire des rafles du vieux port à Marseille

 

Dimanche 20 janvier 2013, le 70e anniversaire des rafles du vieux port à Marseille a donné lieu à une commémoration d'une ampleur sans précédent. Celle-ci, organisée par la mairie de Marseille et le CRIF Marseille Provence s'est tenue en présence de monsieur Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants accompagné de madame Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires sociales et de la Santé. L'assistance nombreuse et très émue a assisté aux témoignages des anciens déportés et d'enfants de déportés.

Ils vérifiaient les papiers de tous les passagers à la descente du train. Mon accompagnatrice m'a serré la main très fort. Elle m'a dit: « Je t’en prie, ne me laisse pas »

 

Monsieur Kader Arif a rappelé que lors de son discours pour l'anniversaire de la rafle du vélodrome le président de la république, François Hollande avait évoqué les rafles de Marseille. Les discours de monsieur José Allegrini, adjoint au Maire et de madame Michèle Teboul, présidente du CRIF Marseille Provence, ont souligné l'importance de l'engagement de l'État aux côtés de tous ceux qui œuvrent pour le travail de mémoire.

 

Le témoignage de Charles Chouraqui, dont les parents et les deux sœurs sont morts en déportation, alors qu'il n’avait que 11 ans, « Le 22 janvier l'atmosphère était sereine ; nous n'avons rien vu venir » :

 

Enfant de l'Opéra, Charles Chouraqui doit sans doute à son indiscipline de jeune adolescent et sa soif irrépressible de liberté d'avoir échappé aux nombreuses rafles qui se sont succédées à Marseille tout au long de l'année 1943. Mais depuis soixante dix ans, pour ce grand-père aujourd'hui très entouré, chaque nouvelle journée de vie sauve s'ouvre inexorablement dans le souvenir de quatre êtres chers: son papa Élie, sa maman Mélanie et ses deux sœurs, Solange, 14 ans et Jeanine, 4 ans. Tous arrêtés par la police française, remis à la Gestapo et déportés dans les camps d'extermination nazis où leur disparition, comme celle de millions d'autres juifs, était depuis longtemps programmée.

 

« Le plus terrible, c'est que nous n'avons rien vu venir. Malgré la guerre et l’occupation, l'ambiance était restée sereine dans ce quartier de Marseille. Nous habitions au 55 de la rue Francis Davso qui à l'époque s'appelait rue de la Darse. Nous entretenions d'excellentes relations avec tous nos voisins. De plus, mon père était français de naissance. Employé de mairie, il avait fait la bataille de Verdun où il avait obtenu une médaille pour son comportement exemplaire. Jamais nous n'aurions pu imaginer ce qui allait arriver. »

 

Ce vendredi 22 janvier 1943, soir de Shabbat, Élie Chouraqui est arrêté à son domicile et emmené vers une destination inconnue sous les yeux des siens. Il a été dénoncé. Un choc terrible pour Charles, qui n'a que 11 ans.

 

« L'atmosphère a alors changé radicalement. Nous nous méfions de tout. Je me souviens qu'un jour, à l’école municipale, deux hommes que je n'avais jamais vus sont entrés dans la classe. J’ai compris qu'ils faisaient du repérage. Je ne suis plus jamais retourné en cours. De même, un samedi, à la synagogue, j'ai remarqué deux autres hommes qui se tenaient un peu en retrait. Ils n'avaient pas la tête couverte et fumaient cigarette sur cigarette. Là encore, j'ai compris qu'ils n'étaient pas là par hasard et j'ai décidé que je n'assisterai plus à aucun office. »

 

Mais la Gestapo redouble d'imagination pour traquer ceux qui lui ont encore échappé. Elle a notamment mis en place des points de ravitaillement réservés aux Juifs, rue de la République. Parties y chercher un peu de nourriture, la maman de Charles et ses deux filles tombent dans le piège. Quand il rentre chez lui, le jeune garçon trouve porte close. Elle le restera définitivement. Désormais seul et totalement livré à lui-même, le jeune garçon doit trouver le moyen de survivre dans cette ville immense, devenue hostile.

 

« Je vivais dans la rue, me débrouillant pour subsister. Je chapardais ça et là. Jusqu'au jour où une mère de famille juive m'a recueilli. Elle m'a expliqué que nous devions quitter Marseille au plus vite pour rejoindre Nice où nous serions davantage en sécurité, car la région était tenue par les Italiens. Elle ignorait que les Allemands en avaient déjà pris le contrôle. »

 

Et une fois encore, le jeune Charles va bénéficier de l'un de ces coups du destin qui font basculer une existence.

 

« Ils vérifiaient les papiers de tous les passagers à la descente du train. Mon accompagnatrice m'a serré la main très fort. Elle m'a dit: « Je t’en prie, ne me laisse pas ». Mais ce jour-là, les Allemands n'ont contrôlé que les hommes adultes... »

 

Dans la vidéo ci-dessous, sont présents selon l'ordre d'apparition:

- José Allegrini Député Maire de Marseille

- Michèle Teboul Présidente du CRIF Marseille Provence

- Kader Arif Ministre délégué des anciens combattants