Le CRIF en action
|
Publié le 22 Juillet 2013

Discours de Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants

Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites et d’hommage aux Justes de France

 

C’est avec une grande émotion, et un immense honneur, que je m’adresse à vous aujourd’hui. Un an après le Président de la République, qui était ici le 22 juillet dernier, pour un discours dont je sais qu’il a marqué la pensée et les consciences.

Se souvenir pour qu’une telle barbarie ne se reproduise jamais. Se souvenir pour construire ensemble un avenir meilleur. Se souvenir pour se retrouver autour d’une mémoire partagée, dans un monde apaisé

Discours lui-même dans la continuité de ce qui avait été une première étape, avec le Président François Mitterrand en 1993 et le discours du Président Jacques Chirac, qui en 1995 reconnaissait pour la première fois la responsabilité de la France.

 

Emu, honoré, mais aussi conscient de la responsabilité qui est la mienne aujourd’hui.

 

Depuis plus d’un an, je me nourris, je m’enrichis, je me façonne à l’écoute de ces hommes et de ces femmes qui ont fait notre histoire dans les moments les plus terribles qu’a connus notre pays au 20ème siècle.

 

Et permettez-moi, avant toute chose, de saluer une personne qui ne peut être parmi nous aujourd’hui, mais qui est avec nous par la pensée, c’est Simone Veil.

 

Je viens à nouveau d’entendre ces témoignages poignants, ces expressions qui traduisent l’horreur, expressions des survivants et des descendants de ceux qui ne revinrent pas.

 

Expression aussi, et j’y reviendrai, de ceux qui ont été l’honneur de la France.

 

Chacun de ces récits est unique. Chacune de ces histoires est une histoire singulière. Chacun de ces témoignages construit notre histoire collective.

 

Ce qui les réunit, c’est l’innommable. C’est la Shoah.

 

Ces récits ne nous appartiennent pas, ils appartiennent à l’humanité. Ils doivent être connus, relayés, portés, transmis. C’est pourquoi il faut redire ce qui s’est passé à cet endroit il y a 71 ans.

 

Il y a 71 ans, à quelques jours près, 13 152 hommes et femmes, dont 4 115 enfants, furent arrêtés et parqués dans le Vélodrome d’Hiver. Certains étaient malades, d’autres impotents, des femmes étaient enceintes.

 

Cris, pleurs, angoisse, douleurs de toutes natures et de tous ordres. C’est cette horreur du quotidien qui résonne encore à quelques centaines de mètres de nous, dans le vacarme de la ville.

 

Tous sentaient que le pire était à venir. Les familles séparées. Les enfants arrachés à la chaleur de la main maternelle. Ce fut ensuite la déportation, l’extermination. Ils furent moins d’une centaine à revenir vivants, aucun enfant parmi eux.

Ici, une chorégraphie macabre fut exécutée. Tout était préparé avec minutie, organisé, ordonné. Avec un seul but : la destruction de l’autre. Ceci hante encore ces lieux.

 

Le nom de code de cette rafle était « Vent printanier ». Une expression cynique, car le seul vent qui souffla ces jours-là fut celui de la haine.

 

Le drame du Vél d’Hiv est celui des 13 000 personnes raflées à Paris. Il est celui des 75 000 Juifs de France, dont 69 000 déportés à Auschwitz, entre 1941 et 1944. Il est celui des Tsiganes arrêtés et déportés en Europe.

 

Mais il est aussi le drame de millions d’hommes, de femmes et d’enfants, de toutes nationalités et de toutes origines, qui n’avaient qu’un seul point commun, celui d’être considéré comme différent.

 

Condamnés au pire non pas pour ce qu’ils avaient fait mais pour ce qu’ils étaient.

L’aboutissement d’une politique antisémite longuement réfléchie, sur des critères reflets de la folie humaine, à l’image de cette haine qui animait les architectes de la solution finale.

 

Ceci dans le silence d’une Europe asservie, d’une France asservie.

 

Ce qui nous réunit aujourd’hui, c’est la nécessité de rappeler la vérité. Car lorsqu’une Nation occulte son passé, voire l’oublie, nous sommes dans l’inacceptable. Car rien n’est pire que l’oubli. L’oubli c’est le déni des souffrances, le déni de l’existence, le déni de l’autre.

 

Le Président de la République François Hollande le rappelait dans son discours le 22 juillet 2012, et je reprends ses mots : « il ne peut y avoir, et il n’y aura pas, dans la République française, de mémoire perdue. »

Dire la vérité ce n’est pas seulement revenir sur le passé. Dire la vérité c’est aussi se saisir du présent et se montrer intraitable avec ceux qui nourrissent le racisme et l’antisémitisme.

 

C’est cette œuvre de transmission que Monsieur Schwartz vient de réaliser en affrontant la douleur de ses souvenirs, pour les porter jusqu’à nous, et je tenais à l’en remercier.

 

Face à ces récits troublants, déchirants, difficilement supportables encore aujourd’hui, nous avons besoin de rappeler aussi les parcours de ceux qui furent des héros.

 

Les Justes de France. Juste. Un mot venu du Talmud. Nous n’avons même pas besoin d’en comprendre la définition. Le mot seul, par sa sonorité, porte la grandeur de ces femmes et de ces hommes connus aujourd’hui ou restés anonymes, qui sont honorés.

 

J’ai pu quant à moi les découvrir au mémorial de Yad Vashem, au sommet de cette colline où sont répertoriés les noms des « Justes parmi les Nations ». Ceux qui permirent de sortir de l’obscurité pour aller vers la lumière.

 

Ces Justes de France à qui nous rendons hommage. Ces hommes et ces femmes dont l’amour et le respect d’autrui furent plus fort que la peur et l’endoctrinement.

 

Ils ne voyaient en chaque enfant qu’un enfant. En chaque être humain qu’un être humain. L’autre était partie d’eux-mêmes.

 

Ils étaient prêts à donner leur vie pour préserver celle d’un autre. Les Justes de France ont résisté avec pour seules armes leur conscience, leur cœur et leur humanité. Nous ne rendrons jamais assez hommage à leur courage et à leurs actions.

 

C’est aussi à travers ces héros que le souvenir de la Shoah doit être transmis, vous l’avez rappelé Mme Gagnier, et vos grands-parents sont de ces héros. Grâce aux Justes, en France et ailleurs, des milliers de vies furent sauvées.

 

En sauvant les Juifs, ils sauvèrent l’Humanité.

 

Puis si vous me le permettez, en cette année d’hommage à la résistance, je voudrais rappeler, car cela a été trop souvent occulté, ce qui a été l’engagement, le courage, l’honneur des Juifs dans la Résistance.

 

Denise Verney, qui nous a quittés cette année. Raymond Aubrac, Daniel Mayer, Leo Hamon, Jean-Pierre Levy, Joseph Epstein, ou encore Georges Loinger, aujourd’hui âgé de 102 ans.

 

 

Je viens d’évoquer devant vous quelques noms connus, mais l’homme du sud-ouest que je suis ne peut oublier la résistance militaire qui s’organisa sur des terres qui me sont chères.

 

Avec Jacques Lazarus autour de l’Armée juive qui devint à la libération l’Organisation Juive de Combat, qui prit le maquis dans la Montagne Noire près de Castres.

 

Mais aussi Robert Gamzon, fondateur des Eclaireurs israélites de France. Ou encore Marcel Langer, ancien commandant des FFI de la région de Toulouse et compagnon de la Libération.

 

Ces hommes et ces femmes sont la fierté de la France, des combattants de la République, des défenseurs peut-être plus que tout autre des valeurs qui furent notre force, notre cohésion et notre unité.

 

Je tiens à terminer mon propos par un remerciement, adressé à vous tous, porteurs de la mémoire de la Shoah.

 

Votre mission est essentielle : elle traduit au quotidien notre promesse collective, celle d'entretenir le souvenir de ces familles déportées qui ne sont pas revenues, de rendre hommage aux Justes de la Nation qui ont sauvé tant de vies, d'inscrire dans notre mémoire les noms de tous ceux qui ont été victimes de la barbarie de leurs semblables.

 

Se souvenir pour ne pas oublier. Se souvenir pour éveiller les consciences citoyennes. Se souvenir pour qu’une telle barbarie ne se reproduise jamais. Se souvenir pour construire ensemble un avenir meilleur. Se souvenir pour se retrouver autour d’une mémoire partagée, dans un monde apaisé.

 

Vive la République. Vive la France.