Le CRIF en action
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Publié le 16 Décembre 2013

Le président du CRIF s’inquiète d’un climat général propice à l’antisémitisme en France

Propos recueillis par Henri Vernet, pour le Parisien du 16 décembre 2013

 

Le Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF), créé en 1943 dans la clandestinité sous l'Occupation, célèbre son 70e anniversaire. François Hollande reçoit aujourd’hui à l'Elysée une délégation du CRIF, conduite par son Président, Roger Cukierman, réélu en mai pour un troisième mandat (il en avait effectue deux autres entre 2001 et 2007). 

Nous courrons des risques que ne courent pas les autres citoyens français

Vous vous inquiétez d'une remontée de l’antisémitisme ?

 

Roger Cukierman : Oui. La situation s'est aggravée en quelques années. Cela n'apparait pas forcement dans les statistiques, mais il y a un climat, un ressenti. C'est d'abord la progression spectaculaire de l’extrême droite, même si Marine Le Pen est attentive à ne pas apparaitre comme antisémite. Mats nous savons bien qu’il y a, derrière elle, des antisémites et des négationnistes au Front national. C’est leur refuge naturel. Mme Le Pen en a certes exclu certains, mais nous ressentons la montée du FN avec inquiétude.

 

Faut-il prendre des mesures ?

 

Non, puisque contrairement à Jean-Marie Le Pen elle dent un discours limpide et châtié.

 

Vous parlez d'un climat général ?

 

J'y inclus l'antisionisme cultivé par l'extrême gauche. S'il n'est pas élégant d'être antisémite quand on est de gauche, il est en revanche de bon ton d'être opposé à l'Etat. Cela se traduit par l'encouragement, de la part de gens comme Besancenot, Mélenchon et certains Verts, aux actions de boycott des produits israéliens - pourtant interdites par la loi. Cela contribue à un climat désagréable, propice à l’épanouissement de personnages comme Dieudonné, qui propage clairement l’antisémitisme.

 

Mais cela n'est pas nouveau...

 

Je vois une troisieme source d'inquiétude, les violences commises par des jeunes issus de l’immigration, dans les quartiers difficiles de banlieue ou a Paris (XIXe), contre ceux qui ont les signes apparents de la judaïté : quand on porte la kippa ou qu'on sort d'une synagogue, on court le danger d'être agresse physiquement Si l'on prend l’ensemble des actes de violence raciste recensés en France — de 100 A 200 par an —, la moitie vise des Juifs. Or, nous représentons moins de 1% de la population nationale ! Nous courrons des risques que ne courent pas les autres citoyens français.

 

Vous pensez à l'affaire Merah ?

 

Le ministre de l'Intérieur nous dit qu'il y aurait 500 Merah en puissance, 500 salafistes français partis combattre en Syrie, au Mali ou ailleurs et que d'autres sont dormants sur le territoire français. Ils pourraient se réveiller, spontanément ou sur ordre : c'est évidemment inquiétant Mais ce n'est pas tout : au sommet, II y a aussi des signaux alarmants.

 

Lesquels ?

 

Je pense a ces parlementaires européens du Conseil de l'Europe — polonais, allemands ou français — qui s'attaquent à la circoncision ou à l’abattage rituel. Et ils ont, hélas, des relais parmi certains sénateurs français. Tout ceci finit par être franchement déplaisant quand on est juif en France. Je suis frappé de voir beaucoup de mères juives envoyer leurs enfants dans des écoles privées, juives ou chrétiennes d'ailleurs. Le CRIF doit éviter la fatalité de ce piège de la division en communautés. Il faut apprendre à vivre ensemble, c'est l’avenir de la France qui est en jeu. Si j'avais un message à l'adresse du Président Francois Hollande, ce serait d'ériger la lutte contre le racisme et l’antisémitisme en grande cause nationale. Qu'est-ce que cela impliquerait ? De faire des efforts dans ce sens dans l’Education nationale mais aussi dans l’éducation des parents, et dans toutes les religions. Je ne crois pas que les imams prêchent la haine des juifs, mais beaucoup de musulmans trouvent dans le Coran des éléments d'une telle haine.

 

Vous dénoncez l’influence du Qatar en France ?

 

Ce pays est en train de prendre une place inquiétante dans l’économie de notre pays. Il a des participations dans de nombreuses sociétés (Total, Vinci, Veolia...), et notamment dans Lagardère, qui contrôle à son tour Europe 1 et Paris Match. Il a aussi acheté le PSG, ce qui lui donne une belle popularité dans l’opinion, renforcée par ses chaines sportives et Al-Jazeera. Tous ces investissements ont été faits avec des avantages fiscaux dont ne bénéficient pas les capitalistes français. Certes, le Qatar ne semble pas vouloir, pour l’instant, tenter d'influencer la politique de notre gouvernement Mais doit-on oublier que ce pays appuie le mouvement des Frères musulmans en Tunisie, en Egypte et a Gaza?