Editorial du président
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Publié le 20 Décembre 2011

Salah Hamouri et Gilad Shalit, un éditorial de Richard Prasquier

«Ovadia Yosef mérite la mort». Telles furent les premières déclarations de Salah Hamouri à l’agence Reuters le lendemain de sa libération du18 décembre où 550 palestiniens ont été libérés dans le cadre de la deuxième partie de l’engagement des israéliens de relâcher 1027 prisonniers en échange du seul Gilad Shalit. La plupart, mais pas Salah Hamouri, sont des membres du Fatah qui n’avaient pas de sang sur les mains, contrairement à ceux du premier groupe, provenant en majorité du Hamas.



A ma connaissance, parmi ces prisonniers, Salah Hamouri est le seul à s’être exprimé publiquement, et à avoir immédiatement violé l’engagement qu’il avait signé avant sa libération, à savoir de renoncer à la violence.



Il est aussi le seul en faveur duquel une campagne internationale, c’est-à-dire française, s’était exercée pour obtenir une libération anticipée. Lui-même estime avec une étonnante arrogance que la mobilisation en sa faveur a été trop faible. Mais personne n’ignore que le Président de la République était intervenu pour que Salah Hamouri fît partie du groupe de libérés et que le Rabbin Ovadia Yosef a été directement sollicité. C’est d’ailleurs son accord qui a facilité la décision des autorités israéliennes.



Au moins, les paroles de Salah Hamouri après sa libération ont-elles le mérite de la clarté : oui, il était bien un militant du FPLP, comme le confirme le communiqué de l’AFP signalant l’omniprésence des symboles de cette organisation au domicile de sa famille, des résidents de Jérusalem Est. Autrement dit, sa mère avait menti en prétendant que son fils n’avait pas d’activité politique particulière et qu’il n’était qu’un étudiant en sociologie souffrant de l’injustice faite aux Palestiniens. Pour mémoire, le FPLP dont les gens de ma génération ont beaucoup entendu parler, est un des mouvements palestiniens les plus violents, peut-être le plus violent, responsable d’innombrables attentats terroristes. Il est moins souvent à la une des journaux, car, d’obédience marxiste, il n’entre pas dans le moule islamiste radical, d’autant que ses fondateurs, comme le Dr Habache, étaient des chrétiens.



Au moins aussi connaît-on maintenant les sentiments de Salah Hamouri vis-à-vis de Ovadia Yosef. Lui, dont ses soutiens disaient qu’il n’avait fait que passer par hasard en voiture devant la résidence de l’ancien Grand Rabbin d’Israël, justifie a priori le meurtre de celui-ci. Certains disent que son dossier était vide et que la reconnaissance de sa culpabilité ne voulait rien dire, qu’il s’agissait d’un chantage auquel il avait dû se plier pour obtenir une peine moins lourde. Et de mettre en cause la justice israélienne, comme si le « plea bargaining » n’avait pas fait son apparition dans la législation française elle-même et comme si la justice israélienne, civile ou dans le cas présent, militaire, était celle d’une dictature totalitaire. Je ne suis pas capable de juger des pièces d’un dossier que je ne connais pas dans ses détails. Mais voici un homme qui fait partie d’un groupe terroriste particulièrement dangereux (Salah Hamouri serait l’un des chefs d’une cellule importante du FPLP de Jérusalem), qui est venu à plusieurs reprises, accompagné de militants de ce parti, tourner autour de la résidence d’une personne dont il souhaite publiquement la mort, et qui passe ensuite des aveux, une fois le dossier bouclé ; avouons que la suspicion d’innocence n’est pas évidente. Et si cela avait été le cas on peut faire supposer que son avocate, militante célèbre de la cause palestinienne, aurait brandi cette affaire il y a longtemps devant l’opinion internationale, s’agissant, qui plus est, d’un citoyen français.



Or, alors que Salah Hamouri a été arrêté en 2005, ce n’est que bien plus tard, vers 2009, que son cas a été porté par des comités de soutien. Comme si jusque-là on avait admis qu’il n’y avait pas d’élément anormal dans son dossier juridique. Et on ne peut pas s’empêcher de penser que c’est la comparaison avec Gilad Shalit qui est à l’origine de cette réactivation. La mère de Salah Hamouri, suivie par d’autres, a continuellement joué de cette analogie. Elle a été jusqu’à dire tout récemment que son seul espoir résidait dans un échange de prisonniers. « Seul espoir ? », alors que son fils devait de toute façon être libéré dans quelques mois une fois sa peine purgée…



Et c’est dans cette comparaison entre le sort de Salah Hamouri et celui de Gilad Shalit que réside l’ignominie à laquelle quelques medias et quelques hommes politiques (pas tous heureusement, même parmi ceux qui ont demandé la libération de Salah Hamouri) ont trop complaisamment succombé.



L’un a été kidnappé au cours d’une opération sanglante en territoire israélien, alors qu’il faisait son simple travail de soldat, l’autre a été condamné régulièrement pour tentative d’assassinat par un tribunal où les droits de la défense ont pu s’exercer sans entraves. L’un a été maintenu isolé, sans voir la lumière, sans le moindre contact avec l’extérieur, sans aucune nouvelle. L’autre a donné dans sa prison des cours de français, a été visité régulièrement et fréquemment par sa famille et les organismes internationaux. L’un ne savait pas quand et comment son calvaire prendrait fin ; l’autre connaissait la date limite de sa libération. L’un essaie de se reconstituer et est trop faible pour pouvoir, deux mois plus tard, remercier en personne ceux qui ont milité en sa faveur. L’autre ne rêve, le lendemain de sa libération, que d’aller le plus vite possible en France poursuivre sa propagande.



L’un, parmi les premiers mots qu’il a prononcés à sa libération a parlé de paix entre les Israéliens et les Palestiniens, l’autre a parlé de meurtre.



Nous serons durablement scandalisés par ceux qui rendront les honneurs à Salah Hamouri quand il viendra en France.



Richard Prasquier
Président du CRIF



Photo : © 2011 Alain Azria