Lu dans la presse
|
Publié le 27 Novembre 2019

Europe - Antisémitisme : une enquête ouverte à la suite d’un salut nazi dans un ancien camp de concentration belge

L’auteur du geste dans le Mémorial national du Fort de Breendonk est un sympathisant du parti d’extrême droite Vlaams Belang, qui réfute tout lien.

Publié le 24 novembre dans Le Monde

Le parti d’extrême droite Vlaams Belang (18,5 % des voix en Flandre en mai) est éclaboussé par un scandale à cause de l’un de ses sympathisants, qui a été vu en train d’effectuer le salut nazi dans le Mémorial national du Fort de Breendonk, qui servit de camp de détention et de concentration à l’occupant allemand durant la seconde guerre mondiale. Le parquet de la ville de Malines a ouvert une enquête et le descendant d’un résistant juif a déposé une plainte. La direction du Mémorial, elle, dit s’y refuser pour ne pas offrir davantage de publicité à des extrémistes.

La chaîne publique flamande VRT et le quotidien De Morgen ont révélé durant le week-end des documents datant d’août et montrant un groupe de huit hommes dans une salle baptisée « le Casino », qui était le restaurant des SS allemands et flamands lorsqu’ils dirigeaient le camp de Breendonk. Quelques 3 600 résistants et prisonniers politiques ont été détenus dans cet ancien bâtiment de l’armée belge, 300 y sont morts. Quelque 500 Juifs ont également été enfermés dans le camp. Le Casino était aussi le théâtre de procès fictifs organisés par les SS.

Breendonk, lieu de mémoire proche d’Anvers, est l’un des camps nazis les mieux préservés d’Europe. On y a gardé une partie des symboles de l’époque dont, dans l’ancien réfectoire, une grande croix gammée surmontée d’un aigle et accompagnée de la devise de la Schutzstaffel (SS)« Mon honneur s’appelle fidélité ». C’est sous ce slogan que posait G. V., le bras levé.

Cet homme est un membre de la branche flamande de Right Wing Resistance (RWR), une organisation néonazie créée en 2009 à Christchurch, la ville de Nouvelle-Zélande endeuillée en mars par des attentats commis par l’extrémiste australien Brenton Tarrant. Visant deux mosquées, il avait tué 51 personnes et blessé 49 autres.

G. V., membre d’une famille liée à la collaboration et à l’extrême droite nationaliste, serait un membre actif de l’organisation. En juillet, il était présent dans un café d’Anvers pour célébrer le rapprochement de son mouvement avec les Nationalistes autonomes de Flandre (ANV), un groupuscule identitaire, et l’Union du peuple néerlandais (N V-U), un parti néonazi néerlandais. Certains des militants présents furent arrêtés pour avoir fait le salut nazi et crié des slogans racistes.

« Moralement condamnable »

Selon le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, le parti avait déjà dans le passé pris ses distances avec G. V., désormais décrit comme le membre d’un groupe d’« idiots ». Des images d’archives indiquent pourtant sa présence lors de récents meetings de la formation d’extrême droite. On le voit notamment tenir un drapeau ou poser en compagnie de personnalités. Parmi celle-ci, Dries Van Langenhove, membre du mouvement ultranationaliste et identitaire Schild & Vriend (« bouclier et ami »), dénoncé en 2018 comme raciste, antisémite, sexiste et violent par un reportage de la chaîne VRT. Un de ses journalistes avait eu accès aux échanges secrets entre les membres du groupe.

M. Van Langenhove, suspendu par l’Université de Gand, où il était délégué étudiant, a fait l’objet d’une enquête judiciaire. Elu député en mai, il bénéficie toutefois désormais d’une immunité parlementaire.

Après les informations relatives à ce qui s’était déroulé à Breendonk, M. Van Langenhove a jugé que ces faits étaient « moralement condamnables ». Selon lui, l’attitude des intéressés est tellement incompréhensible « que l’on pourrait presque penser que la sûreté de l’Etat [les services de renseignement] ou les médias ont payé ces idiots pour discréditer la droite ». Cette tactique a, selon le député, « été souvent utilisée ». « Suspect », a-t-il donc conclu dans un tweet.

En 2018, quand a été révélée la vraie nature de Schild & Vriend, M. Van Langenhove avait déjà montré la sûreté de l’Etat du doigt et parlé d’un complot. Le service de renseignement avait démenti avoir infiltré Schild & Vriend, tout en expliquant que le groupe faisait l’objet d’une surveillance en raison de son idéologie.