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Publié le 19 Février 2021

Europe - Dissous en France, le Collectif contre l'islamophobie (CCIF) se reconstitue en Belgique

Dénoncée par le gouvernement français après l'assassinat de Samuel Paty, l'association renaît en Belgique sous le nom Collectif contre l'islamophobie en Europe.

Publié le 18 février dans Le Figaro

Un refuge bruxellois. Dissous en France après l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine, le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) s'est reconstitué en Belgique, comme le signale Le Figaro. L'ASBL s'est constituée le 1er novembre 2020 mais ses statuts ont été publiés le 6 janvier dernier, sous la dénomination « Agir, défendre contre le racisme et l'islamophobie – CCIE ». CCIE, comme « Collectif contre l'islamophobie en Europe ». Le siège de la nouvelle association est installé rue du Congrès, au centre de Bruxelles, dans une société « boîte aux lettres » qui propose ses services pour 135 euros par mois. Elle compte au conseil d'administration deux anciens du CCIF : Jean-Jacques Megaïde, le président, et Fabien Clément, le secrétaire et trésorier de l'ASBL.

Dans ses statuts, l'ASBL promet de « lutter tout particulièrement, par tous les moyens prévus par la loi, pour faire reconnaître les droits des musulman(e)s, de nationalité française ou étrangère résidant en France ou ailleurs ».

Sur sa page Facebook, le Collectif annonce qu'il « a transféré ses actifs ainsi qu'une grande partie de ses propriétés intellectuelles et moyens de communication à d'autres associations, dont le CCIE, association sans but lucratif qui a été constituée en Belgique ».

Le gouvernement français avait annoncé son intention de dissoudre le CCIF après l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine du 16 octobre 2020, qui a coûté la vie à l'enseignant Samuel Paty. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait désigné l'association comme « ennemie de la République », accusée d'accointances avec l'islamisme et de minimiser le terrorisme. L'exécutif a publié le 2 décembre un décret portant dissolution du CCIF, en avançant plusieurs arguments à charge. Mais le Collectif s'était déjà auto-dissous le 29 octobre, tout en dénonçant « des éléments infondés, biaisés ou mensongers ». Le décret de dissolution est attaqué devant le Conseil d'Etat français. Toutefois, sans attendre le résultat de cette démarche, le Collectif a assuré son existence en s'installant en Belgique.

« Je trouve curieux qu'une association bannie en France, qui provoque la division de la société, des tensions de plus en plus grandes… vienne se réimplanter en Belgique », regrette le député humaniste Georges Dallemagne. « Je trouve que nous devrions mieux nous coordonner entre États membres de l'Union européenne » sur le sujet, estime ce parlementaire très mobilisé contre l'islamisme.

« Approche multiculturaliste »

« Ce qu'ils font (au CCIF) ne peut pas être criminalisé en Belgique », constate Olivier Roy, professeur à l'Institut universitaire européen de Florence et spécialiste de l'Islam politique. « D'avoir la reconnaissance d'un groupe culturel, défendre les particularismes d'un groupe dit “musulman”… est considéré en Belgique comme quelque chose de beaucoup plus acceptable. Ça leur permet, dans un environnement francophone, de continuer à publier, écrire, etc., tout en étant parfaitement légal. » Pour l'auteur de L'Europe est-elle chrétienne ? (Seuil), « le problème n'est pas de savoir si le CCIF a commis des actes illégaux, autrement ils seraient traînés au pénal depuis longtemps, c'est qu'ils défendent une thèse qui est aujourd'hui considérée comme inacceptable en France ». À savoir ? « Une mouvance Frères musulmans post-politique, c'est-à-dire qui n'est plus dans la stratégie d'états islamiques. Ils se sont lancés dans une approche multiculturaliste, où ils veulent faire reconnaître les musulmans comme une minorité. Ils sont sur ce créneau du droit des minorités. Avec une ambiguïté profonde et voulue : ne pas faire de distinction entre religion et culture. » Selon Olivier Roy, « le gouvernement français et toute une partie de l'opinion publique voit dans toute forme d'expression religieuse ou dans tout particularisme un séparatisme potentiel. C'est ça le problème. »

Cité par Le Figaro, le ministère de l'Intérieur a réagi laconiquement à l'implantation belge de l'association : « La lutte contre l'islamisme et ses officines est un travail long », dit-on au cabinet de Gérald Darmanin. Un ministre attaqué pour « diffamation » par les avocats du CCIF.