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Publié le 21 décembre dans Le Figaro
C’est hélas une confirmation plus qu’une surprise: le poison de l’antisémitisme circule dans la société française, entretenu et amplifié par les réseaux sociaux. Les insultes visant April Benayoum, représentant la Provence à la cérémonie de Miss France, ont suscité l’indignation de nombreux politiques. Celle-ci est bienvenue comme est nécessaire l’enquête ouverte par le parquet de Paris pour «injures à caractère raciste et provocation à la haine raciale». Les mots et l’arsenal du droit ne suffiront cependant pas à endiguer les flots charriés par les vecteurs de communication les plus récents.
Le bras de fer, incroyablement déséquilibré, entre les nouvelles puissances numériques et les modes traditionnels de régulation - étatiques, éthiques ou juridiques - n’est pas uniquement commercial et financier ; il est aussi et éminemment moral. Tout n’est pas permis dès lors que la dignité d’une personne est en jeu. Il est ainsi insupportable que Twitter se permette de suspendre des comptes de parlementaires nationaux, ou même censure un président américain en exercice, pour des propos relevant de la seule liberté d’opinion, et laisse se déverser sans réagir la haine antisémite. Le débat sur la préservation de l’anonymat est ouvert ; il n’est toutefois qu’annexe au regard de la question centrale de la responsabilité des plateformes en ligne qui ont accès à l’identité réelle de ceux qui utilisent leurs réseaux. Elles ne pourront pas indéfiniment invoquer une neutralité à géométrie variable.
Il est frappant de constater que cette haine idéologique s’est exprimée à la faveur d’une émission de divertissement tout public et, en principe, étrangère à tout enjeu politique
Les insultes contre Miss Provence incitent aussi à regarder en face la nature nouvelle de l’antisémitisme en France qui, tel un virus, a muté. Quelques voix de gauche ont paresseusement montré du doigt les «fachos». La filiation avec l’extrême droite des années 1930 est pourtant plus que résiduelle. L’antisémitisme est aujourd’hui entretenu dans le terreau du séparatisme islamiste. C’est cette tendance-là, à laquelle le projet de loi «renforçant les valeurs de la République» entend s’attaquer, qui refuse, entre autres, que l’on parle de la Shoah à l’école. C’est la mouvance islamo-gauchiste qui entretient un antisionisme qui flirte souvent avec l’antisémitisme. Cette confusion-là est délibérée qui fait de tout musulman un opprimé et donc de tout juif un coupable et un complice d’une oppression blanche et occidentale.
Il est encore frappant de constater que cette haine idéologique s’est exprimée à la faveur d’une émission de divertissement tout public et, en principe, étrangère à tout enjeu politique. Il y a une semaine, vainqueur d’un autre divertissement, «La France a un incroyable talent», la famille Lefèvre était vilipendée sur les réseaux sociaux parce que catholique. Cette fois, c’est une jeune femme qui est attaquée parce que son père est italo-israélien. Comme si pour les praticiens de l’exclusion, personne n’avait le droit d’être applaudi pour ce qu’il offre à tous. Mais qu’eux pouvaient s’arroger le droit de condamner quelqu’un pour ce qu’il est. Samedi, le poison de l’antisémitisme s’est greffé sur celui du séparatisme.