Lu dans la presse
|
Publié le 23 Décembre 2020

Israël - Normalisation des relations entre le Maroc et Israël : un pas décisif

Point de vue. Le 10 décembre, Donald Trump annonce que le Maroc s’engage à normaliser ses relations avec Israël, comme l’avaient déjà fait trois autres pays du monde arabe : le Soudan, Bahreïn et les Émirats arabes unis. Le Maroc obtient en contrepartie que le président Trump reconnaisse sa « souveraineté » sur le Sahara occidental. Les cartes ont bougé, selon Dominique Moïsi, conseiller spécial de l’Institut Montaigne, politologue et géopoliticien.

Publié le 23 décembre dans Ouest-France

Il y a deux lectures possibles de la normalisation qui vient d’intervenir entre le Maroc et Israël, et qui vient de se traduire par le premier vol direct de Tel-Aviv à Rabat. La première très négative consiste à dénoncer le triomphe de la diplomatie purement  transactionnelle  de Donald Trump.  Je reconnais ta souveraineté sur le Sahara Occidental et tu t’engages à normaliser pleinement tes relations diplomatiques avec Israël .

Le danger d’un conflit

Le Sahara Occidental est un territoire de la taille de la Grande-Bretagne. Il a été sous le contrôle de l’Espagne jusqu’en 1975, suivi par celui du Maroc depuis. Ce territoire désertique, mais riche en phosphates et produits miniers, a connu une guerre de seize ans, suivie par un cessez-le-feu fragile entre le Maroc et le mouvement d’indépendance du Front Polisario, soutenue par l’Algérie. En prenant parti unilatéralement pour le Maroc, l’Amérique prend le risque de renforcer les tensions dans une région, qui de la Libye au Mali, a déjà plus que son quota d’instabilité et de violence. Au pire, l’engagement des États-Unis en faveur du Maroc ne peut-il pas conduire à un conflit armé direct entre l’Algérie et le Royaume du Maroc ? Un scénario extrême, peu probable, mais que l’on ne saurait totalement exclure.

Mais au-delà de la question du Sahara Occidental, il y a celle du conflit Israël/Palestine. Pour le monde arabe, la normalisation avec Israël passait hier par la création d’un État Palestinien aux côtés d’Israël. La solution des deux États semble de fait aujourd’hui avoir été abandonnée par toutes les parties, y compris disent nombre d’observateurs de la région, par les Palestiniens eux-mêmes. Abandonnés par les États-Unis et les pays arabes, défendus mollement par l’Union européenne, les Palestiniens ne commencent-ils pas à se résigner – par un mélange de désespoir, de fatigue et de principe de réalité à la solution d’un seul état ? Pour peu bien sûr qu’ils jouissent en son sein de droits identiques à ceux des Israéliens juifs.

Mais aussi un succès incontestable

De fait il existe une deuxième lecture, plus positive celle-ci, de la normalisation entre le Maroc et Israël : après l’Égypte en 1979, la Jordanie en 1994, voici désormais les Émirats arabes unis, le Bahreïn le Soudan et maintenant le Maroc. Israël est en dépit des protestations de l’Iran, un acteur à part entière au Moyen-Orient. Le Maroc n’est certes pas encore pour Israël l’équivalent de ce que sera peut-être demain l’Arabie Saoudite. Mais la normalisation des liens entre Rabat et Tel-Aviv constitue pour la diplomatie, comme pour la société israélienne, un succès incontestable. Et ce pour des raisons aussi symboliques que réelles. Le Roi du Maroc préside cette année la Conférence sur le statut de Jérusalem. Le Royaume Chérifien possède aux yeux de sa population une légitimité religieuse. Il a encore sur son sol une communauté juive, qui rappelle qu’il est possible d’être arabe et juif à la fois. Les touristes israéliens – souvent d’origine marocaine – qui vont pouvoir se rendre ouvertement au Maroc, vont-ils perdre une partie des préjugés qu’ils peuvent avoir à l’encontre du monde arabe et vice versa ? Il ne faut pas aller trop loin sur cette voie. La société arabe prend plus au sérieux la question palestinienne que ne le fait la majorité de ses dirigeants.

Le risque de déstabilisation au Sahara mais la cause de la paix qui progresse au Moyen-Orient : pour une fois le bilan de l’action de Donald Trump n’est pas exclusivement négatif.

 

Le Crif vous propose aussi : 

 

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance