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Publié le 29 Août 2019

Mémoire - "Ces ventes forcées doivent être reconnues" : la justice va trancher un litige entre les héritiers d’un galeriste juif spolié et des musées

Selon ses descendants, le galeriste aurait été obligé de vendre des toiles au rabais pendant l'Occupation.

Publié le 29 août dans FranceInfo

La justice française doit désigner jeudi 29 août, les légitimes propriétaires de trois toiles du peintre fauviste André Derain, mettant fin à un litige qui oppose les héritiers d'un collectionneur d'art juif spolié et les musées qui exposent depuis des années ces tableaux. Plus de 75 ans après l'Occupation, les descendants du grand galeriste parisien René Gimpel attendent encore de récupérer l'ensemble des oeuvres spoliées ou disparues dans le tumulte de la guerre. Après des années d'enquête, ils affirment avoir retrouvé trois Derain, acquis par leur aïeul en 1921 à Paris. Des toiles peintes entre 1907 et 1910 : Paysage à Cassis, La Chapelle-sous-Crécy et Pinède, Cassis, exposées depuis des années à Troyes et Marseille.

Un galeriste obligé de vendre des toiles au rabais

Selon les descendants de René Gimpel, ces toiles auraient été acquises pendant l'Occupation. Le galeriste, résistant, juif, aurait été obligé de les vendre au rabais pour survivre et s'enfuir, affirment ses descendants. "Comment voulez-vous qu'on apporte une facture d'une vente qui s'est faite sous le manteau ?", justifie Claire, la petite-fille de René Gimpel. "C'est bien comme ça qu'il fallait faire puisque les Juifs étaient considérés comme des incapables, des mineurs, sans le droit d'avoir même un compte en banque."

"Je voudrais que ces ventes forcées soient reconnues. Je voudrais que ça puisse participer à ce que les musées fassent des recherches de provenance sur les acquisitions entre 1933 et 1945. Je voudrais que les familles qui ont été spoliées de cette façon puissent bénéficier d'un meilleur accueil. Je voudrais que ça serve." Claire Gimpel, petite-fille de René Gimpelfranceinfo

Les proches réclament au ministère de la Culture la restitution de ces toiles et dénoncent l'inertie de la France, pourtant signataire de l'accord de Washington de 1998 sur l'indemnisation des spoliations. De leur côté, les musées affirment avoir acquis ces toiles en toute légalité et se fondent sur une ordonnance d'avril 1945 sur la nullité des actes de spoliation.

Ces oeuvres ont voyagé, changé de nom, parfois été rentoilées

Lors de l'audience, le 25 juin 2019, les avocats du ministère et des musées avaient mis en doute la concordance entre les œuvres réclamées et celles acquises par René Gimpel. Pour l'avocat du ministère de la Culture, Me Aurélien Burel, les pièces fournies par la famille ne permettent pas de se forger "une certitude". Il a affirmé que le "livre de stock" présenté par la famille Gimpel n'était en fait "qu'un livre de mouvements" des oeuvres entre Paris et New York. Les avocats des musées ont aussi défendu la légalité de leurs acquisitions, doutant qu'on puisse qualifier de "vente forcée" celle de Pinède, Cassis, orchestrée par des résistants et proches de Gimpel.

Il y a quelques mois, la justice française a confirmé, en appel, la restitution à ses descendants d'une gouache de Pissarro, La Cueillette, détenue par des Américains qui l'avaient achetée légalement aux enchères. Ces derniers se sont pourvus en cassation.