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Publié le 29 Septembre 2020

Monde - Yom Kippour : comprendre la fête juive en quatre points

La fête de Yom Kippour se caractérise par un jeûne de vingt-cinq heures, censé accompagner le fidèle dans l’expiation de ses fautes.

Publié le 27 septembre 2020 dans Le Monde

La plus solennelle des fêtes juives, Yom Kippour, a lieu le 10 du mois de Tichri, c’est-à-dire dix jours après le nouvel an juif, Roch Hachana (« la tête de l’année »). Cette période est désignée comme celle des « jours redoutables », les yamim noraim. C’est à ce moment de l’année que les hommes se demandent pardon entre eux et implorent Dieu de leur accorder le Sien.

Yom Kippour est le point culminant de ces jours de pénitence, au terme desquels hommes et femmes – qui espèrent avoir été lavés de leurs péchés et inscrits dans le Livre divin de la Vie –, pourront entamer les réjouissances de Souccot ou « fête des cabanes ».

  • Un mot : le pardon

La fête de Yom Kippour est instituée dans le Pentateuque, qui parle de « jour des Pardons », ou de « shabbat des shabbat ». En effet, la totalité des trente-neuf travaux traditionnellement prohibés à shabbat le sont également à Yom Kippour.

Mais il s’y ajoute cinq interdictions au caractère très spécifique : le jeûne total pendant 25 heures (du coucher du soleil à la tombée de la nuit le lendemain, durant lequel il est prohibé de boire comme de manger), l’interdiction des relations sexuelles, celle de se parfumer ou d’utiliser des crèmes, celle de se laver (sauf les mains), l’obligation enfin d’enfiler des chaussures dépourvues de semelles de cuir, en signe d’humilité.

Ces cinq commandements ont un caractère mortifiant inhabituel dans les rites juifs. Leur objectif est d’accompagner le fidèle dans la reconnaissance de ses transgressions, la confession de ses fautes, son expiation devant Dieu.

A ces commandements s’ajoutent différents rituels. Le soir précédant la fête et le jeûne se tient un repas familial, puis on allume une « bougie du souvenir » en mémoire des morts, et deux bougies pour célébrer l’entrée dans le sacré de la fête. On se rend ensuite à la synagogue pour l’office.

Les oraisons se poursuivent toute la journée du lendemain, alternant prières de confession, du souvenir dans certaines communautés, et lectures des rouleaux de la Torah. Certaines communautés gardent la coutume, devenue rare, d’effectuer la veille de Yom Kippour des kapparot. Il s’agit d’un transfert symbolique des fautes de la personne sur un poulet que l’on fait tourner au-dessus de sa tête avant de l’abattre pour le manger ou le donner à une œuvre charitable.

Le pardon des humains, lui, doit être obtenu en le demandant directement aux intéressés et en réparant ses méfaits lorsque c’est possible. Enfin, il est interdit de commettre des fautes pendant l’année en prévoyant de se les faire pardonner à Yom Kippour.

  • Un symbole : le shofar

Le shofar est une corne de bélier. Ce très ancien instrument émet une sonnerie spéciale, que l’on fait retentir à Roch Hachana et à la toute fin de Yom Kippour. Ce son reste pour certains le dernier lien à la synagogue, l’unique moment religieux de l’année.

Selon Maïmonide, talmudiste né à Cordoue au XIIe siècle et l’une des plus grandes autorités rabbiniques du judaïsme, le shofar doit « tirer [les fidèles] de leur somnolence », les amener à « analyser [leur] conduite, [eux qui] s’égarent toute l’année dans la vanité et les futilités, afin d’améliorer [leur] conduite et [leurs] actions » (Mishne Torah).

Shofar provenant du Yémen.

Shofar provenant du Yémen. Wikipedia / Olve Utne

Le son de la corne de bélier appelle donc à un réveil spirituel et moral. Son origine rappelle également l’épisode dit de « la ligature d’Isaac » : alors qu’Abraham allait sacrifier son fils à Dieu, il fut arrêté dans son geste par un envoyé divin et substitua un bélier à son enfant. Cet épisode institue l’interdiction des sacrifices humains et l’obligation de choisir la vie devant Dieu, et non la mort.

  • Une blague : la trêve était de courte durée

La veille de Yom Kippour, deux voisins qui se détestent et ont passé l’année à se faire des mauvais coups, tombent dans les bras l’un de l’autre ; ils se demandent pardon pour leurs offenses et s’embrassent dans des larmes de repentir et de miséricorde. La soirée et la journée suivante se passent en prière.

A la fin de la fête, à la sortie de la synagogue, comme le veut la coutume, les deux hommes se présentent leurs vœux. « − Mon cher voisin, je te souhaite tout ce que tu me souhaites ! » « − Quoi ! Yom Kippour est à peine passé, et déjà tu recommences ! »

  • Une lecture : le Livre de Jonas

Au cours de l’après-midi de Yom Kippour, on lit les quatre chapitres de l’histoire du prophète Jonas. Celui-ci est mandaté par Dieu pour annoncer aux habitants de la grande ville assyrienne de Ninive le châtiment divin de leur mauvaise conduite. Contre toute attente, les habitants de cette capitale incroyante se repentent et Dieu leur pardonne immédiatement, au grand dam de Jonas. Amer, ce dernier s’installe sur une colline voisine, où Dieu fait pousser un ricin qui lui donne une ombre agréable, mais se dessèche bientôt.

Jonas, accablé par le soleil, « se souhaite la mort à lui-même » et se plaint à Dieu qui lui répond : « Quoi ! Tu as souci de ce ricin qui ne t’a coûté aucune peine, que tu n’as point fait pousser, qu’une nuit a vu naître, qu’une nuit a vu périr : et moi je n’épargnerais pas Ninive, cette grande ville, qui renferme plus de douze myriades d’êtres humains, incapables de distinguer leur main droite de leur main gauche, et un bétail considérable ! » (Jonas 4, 8-11).

Le commentateur du XXe siècle Yeshayahou Leibowitz note le caractère paradoxal de cette conclusion : « Le fait du repentir de la population de la grande ville, qui nous semblait la cause décisive, n’est pas du tout mentionné dans les paroles de Dieu à Jonas. […] Dieu épargne l’homme et la bête, autrement dit l’homme comme la bête […]. En d’autres termes, la miséricorde de Dieu et Sa bonté ne dépendent pas du tout de l’homme et de ses actions. » (Les Fêtes juives, réflexions sur les solennités du judaïsme, Cerf, 2008).

 

 

 

 

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