Tribune
|
Publié le 29 Novembre 2005

Chambres à gaz : Le Pen persiste et signe

Le président du Front national a maintenu le lundi 28 novembre 2005, dans un entretien télévisé à la BBC, ses déclarations sur les chambres à gaz qui lui avaient valu une condamnation par la justice française. « Je vais vous dire exactement ce que j'ai dit : les chambres à gaz sont un détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale », a déclaré Jean-Marie Le Pen, alors que le journaliste de la BBC venait de lui rappeler de manière incomplète les propos qu'il avait tenus en 1987. Il invoque même le général de Gaulle : « C'est si vrai, d'ailleurs, qu'aucun des chefs de guerre, ni Churchill, ni Staline, ni Roosevelt, ni de Gaulle, aucun d'entre eux n'a jamais cité les chambres à gaz dans ses mémoires », a ajouté le président du parti d'extrême droite. A la BBC, le patron du FN a expliqué qu'il trouvait « assez douteux, assez suspect » qu'il ait pu faire l'objet d'une condamnation judiciaire pour ces propos (sic).




Rappel des propos de Le Pen :


Le 13 septembre 1987, au cours du Grand Jury RTL Le Monde, le président du Front National affirme que les chambres à gaz ne sont qu’un « point de détail de l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale ». En relativisant les crimes nazis, Jean-Marie Le Pen soulève un tollé. Les magistrats avaient alors jugé qu’une telle déclaration était de « nature à remettre en cause, à banaliser ou, pour le moins, rendre spécifiquement moins dramatiques les persécutions et les souffrances infligées aux déportés, et plus particulièrement aux juifs et aux Tziganes, par les nazis ». La condamnation en dommages et intérêts d’alors avait été aggravée en appel et confirmée en Cassation.


Le 5 décembre 1997 à Munich, lors d’une réunion publique de soutien à l’ancien Waffen SS Franz Schoenhuber, qui venait d’écrire un livre sur la Seconde Guerre mondiale, Le Pen avait parlé des camps de concentration hitlériens et de leurs chambres à gaz comme d’un « détail » en appréciant le fait que son ami de longue date n’avait guère consacré que deux pages sur mille aux premiers et dix lignes aux secondes. Des associations de déportés et des mouvements de lutte contre le racisme avaient assigné Le Pen en référé comme responsable d’« un trouble manifestement illicite ». Le tribunal de grande instance de Nanterre avait sanctionné Le Pen : « En réitérant (ces) propos à Munich et alors que se déroulait en France devant la cour d’assises de la Gironde un procès pour complicité de crimes contre l’humanité intenté à Maurice Papon pour des faits de déportation d’hommes, de femmes et d’enfants juifs quand celui-ci était secrétaire général de la préfecture pendant l’Occupation, M. Le Pen, homme politique rompu au discours public, ne peut sérieusement soutenir s’il poursuivait simplement à l’égard de ses concitoyens une démarche en quelque sorte pédagogique, tendant par la répétition de sa parole, à leur faire comprendre le sens du mot détail... » Pour le tribunal, « la réitération réfléchie » de tels propos ne fait au contraire qu’en « aggraver » la portée. Les associations plaignantes et leurs avocats se sont félicités de ce jugement.


Rappelon enfin que, le 7 janvier 2005, dans un entretien à l'hebdomadaire d'extrême droite Rivarol, le président du FN a affirmé que «l'occupation allemande n'a pas été particulièrement inhumaine même s'il y a eu des bavures inévitables dans un pays de 550 000 km2 ». Il a ajouté que, « si les Allemands avaient multiplié les exécutions massives dans tous les coins comme l'affirme la vulgate, il n'y aurait pas eu besoin de camps de concentration pour les déportés politiques ». Dans le même entretien, Jean-Marie Le Pen met également en doute la véracité des récits du massacre d'Oradour-sur-Glane, village martyr du Limousin où la 2ème division SS Das Reich, le 10 juin 1944, massacra 642 civils, dont 246 femmes et 207 enfants, en mettant le feu à la grange et à l'église du village où elle les avait enfermés.

Marc Knobel