Tribune
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Publié le 24 Octobre 2005

La presse en folie : le quai d’Orsay dans la tourmente

La presse revient sur la mise en examen de deux diplomates français Jean-Bernard Mérimée, ambassadeur de France à l’ONU, et Serge Boidevaix, l’ancien secrétaire général du Quai d’Orsay. Ces deux hommes sont accusés de détournements financiers liés au programme des Nations Unies « Pétrole contre nourriture » qui permettait à Saddam Hussein de monnayer des soutiens politiques en échange de « coupons » de pétrole. Le scandale, d’après le Monde, a conduit à une sévère mise en cause de la gestion de l’ONU. Devant le juge, Serge Boidevaix affirme avoir tenu le Quai « informé ». De son côté, le Quai d’Orsay parle « d’initiatives personnelles » ne concernant pas la diplomatie.




« La diplomatie est ainsi faite. De grandes choses et de moins grandes. De secrets, essence même de toutes les négociations, mais aussi, et hélas pourrions nous ajouter, de rencontres, quelquefois entretenues et utilisées après que l'heure de la retraite a sonné et alors que l'on conserve encore tout de même quelque influence » ironise Radio France Internationale (13 octobre 2005).


« Corruption. Trafic d'influence. Deux vilains mots que l'on n'a pas l'habitude d'entendre au Quai d'Orsay. Et pourtant, depuis quelques jours, ils résonnent jusqu'au cabinet du ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy. Il y a de quoi » insiste L’Express (18 octobre 2005). Pourtant, le ministère des Affaires étrangères a affirmé avoir prévenu les deux diplomates à la retraite, en septembre 2001, des « responsabilités particulières qui leur incombaient au titre de leurs anciennes fonctions ». « Le Quai d'Orsay n'aurait donc rien à se reprocher dans ce dossier », explique La Libre Belgique (14 octobre 2005). Mais, signe de l'embarras qu'il provoque tout de même, le porte-parole a précisé qu'il n'y avait « aucun lien » entre l'affaire et « la décision de la France de ne pas participer à la guerre en Irak ». En somme, si elle ne vise officiellement que des personnes « privées », « l'affaire n'en fait pas moins du bruit au Quai d'Orsay », insiste Centrafrique Presse (13 octobre 2005). Certes. Mais, rétorque RFI (13 octobre) « On voit bien le piège dont ne veut pas s'approcher le gouvernement. Dans cette affaire, il en va tout simplement de la crédibilité du pays dans le monde. Un, parce que l'aide internationale pourrait en pâtir, ce qui serait une lourde responsabilité, notamment par rapport à ceux qui en ont besoin. Et deux, parce qu'à quelques jours du référendum Irakien sur la Constitution, certains ont tout intérêt à s'emparer de l'histoire pour fragiliser la position de la France qui, préventivement, a cru bon de rappeler que sa volonté de ne pas participer à la guerre était liée à sa conception du droit international !! Comprenez que cela n'avait rien à voir avec un quelconque soutien au régime baasiste de l'époque. Il faut se souvenir du rôle prépondérant de Dominique de Villepin dans la défense de la position française face à la question de la guerre en Irak; de son discours à l’ONU, pour comprendre l’empressement de son gouvernement à prendre ses distances. A l’Assemblée nationale hier, quelques députés UMP, ajoutaient même que « ceux qui parlent avec un sourire entendu de ce que l’on appelle communément la "politique arabe" de la France, devaient se le tenir pour dit...»


Justement, réagissant à la mise en examen de deux anciens diplomates dans l'enquête française sur d'éventuels détournements en marge du programme onusien « pétrole contre nourriture » en Irak, Dominique de Villepin a estimé que la probité du ministère des Affaires étrangères ne devait pas être remise en question. « On n'a pas le droit de salir la diplomatie aussi légèrement », a déclaré sur Europe-1 celui qui a dirigé le Quai d'Orsay de mai 2002 à mars 2004. « Les actes qui sont concernés touchent une période où les deux fonctionnaires en question n'étaient pas en activité, étaient en retraite », a-t-il souligné à l’Agence AP (14 octobre 2005). Devant la justice, les deux diplomates vont se sentir bien seuls, remarque Le nouvel observateur (13 octobre 2005).


Enfin, dans son éditorial (12 octobre 2005), Le Monde s’émeut du retentissement que pourrait avoir cette affaire sur l’image de la France : « Sans préjuger l'issue de l'instruction, ces soupçons viennent durement écorner l'image de la diplomatie française. Les plus indulgents s'interrogeront sur les dangers d'une politique pro-arabe allant parfois jusqu'à l'aveuglement. Bagdad attendait de la France et de ses plus hauts représentants qu'ils renvoient une image positive du régime irakien. En échange des services rendus, Saddam Hussein a remercié une foule de prestataires plus ou moins conscients et intéressés. »

Marc Knobel