Tribune
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Publié le 18 Novembre 2005

Rabin, ce symbole de la paix

Vieille photographie que j'aime souvent contempler : les fondateurs de l'Etat d'Israël, autour de Ben Gourion comme autour d'un affectueux patriarche, se rassemblent pour la postérité. Dans un costume de soldat, Itzhak Rabin a le regard fier et direct, où se promènent pourtant les nuages de l'Histoire. Hiératique, le regard bleu, profond et tendre à la fois, Itzhak Rabin était un soldat. Cet homme est désormais le symbole de la paix, lui qui fit la guerre. Nulle contradiction dans ce destin. Itzhak Rabin se serait bien passé des armes. Hélas entouré de nations qui juraient sa perte, Israël a lutté contre la haine par les armes, avant que de saisir les signes de la paix qui se présentaient, depuis l'Egypte ou la Jordanie. La poignée de main qu'il accorda à Yasser Arafat, sur la pelouse de la Maison Blanche, paraissait éclairée : l'Homme était animé d'une authentique fraternité. "Je dois faire la paix en oubliant que je conduis la guerre, je fais la guerre en oubliant que je construis la paix". Les extrémistes de son propre pays en ont décidé autrement, qui défilaient dans les rues, multipliant les injures et proférant les cris de haine - dans quel pays du Proche Orient une telle liberté d'expression est-elle concevable ? Itzhak Rabin est mort au nom de son désir de paix. Je me souviens de la ferveur populaire qui l'entourait, lors de la grande manifestation organisée en faveur de son action. Je me souviens de la douleur de son peuple quand, avec Pierre Mauroy, Président de l’International Socialiste, je me suis rendu à ses funérailles pour accompagner à sa dernière demeure celui qui fut son vice-président. Il n'est rien de plus atroce que la tragédie de l'Histoire. Aussitôt rentré à Paris, notre Municipalité au grand complet avec à sa tête le Sénateur-Maire Michel Charzat, a planté un arbre square Edouard Vaillant en mémoire de ce héros de la guerre et de la paix. En présence de Didier Bariani président du groupe d'amitié parlementaire France-Israël, à la fidélité de qui je veux ici rendre hommage, par delà nos divergences politiques, mais aussi en présence de l'homme qui était ambassadeur d'Israël en France, son excellence Avi Pazner, aujourd'hui porte parole d'Ariel Sharon.



Je me souviens de ce lundi 6 novembre 1995. Sous un ciel trop bleu l’atmosphère était chargée et les visages tristes. Dans les rues presque tous les israéliens que l’on croisait étaient encore sous le choc.

Au cours des discussions que j’ai pu avoir avec des citoyens de ce pays qui pour la plupart n’étaient pas en responsabilité, il ressortait que, des mots, un harcèlement de slogans, d’affiches avaient fini par se concrétiser par un assassinat.

Si certains en Israël, à New-York, à Paris aussi eurent l’indécence de danser – les démocraties du monde et la paix perdaient un de leurs principaux alliés, visionnaire et pragmatique, qui nous manque toujours.

Pour ce dixième triste anniversaire le Maire de Paris a rendu un hommage digne de ce que fut ce Premier Ministre dont la vie fut volée, victime d’un fanatique aveugle dont le geste ne fut hélas pas le fait d’un acte isolé.

Le nom d’Itzhak Rabbin devra être inscrit en lettres d’or aux côtés d’hommes comme Ghandi, Kennedy, Martin Luther King, Anouar El Sadate.

Le souvenir de ce Général devra être marqué avec respect et dignité.

Je crois en la force de la pensée et à quelque place que nous soyons, plus que jamais la mémoire et la vigilance seront présents tels un flambeau afin d’éclairer l’avenir.


Jean-Michel Rosenfeld

(Adjoint au maire du 20e arrondissement ; allocution prononcée au cours de l’hommage à Itzhak Rabin, mercredi 16 novembre 2005 à Paris)