Tribune
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Publié le 19 Février 2015

Contre Daesh ? Les Kurdes

Des alliés avec lesquels – et c’est si rare! – on partage non seulement des buts de guerre, mais des valeurs.
 

Par Bernard-Henri Levy, publié dans la Règle du Jeu le 18 février 2015
Erbil, capitale du Kurdistan d’Irak. Sortir d’Erbil et, par la route du Sud, prendre la direction de Mossoul.
Et là, dans un paysage de collines verdoyantes, mais nues, la ligne de front où les Peshmergas du général Barzani font face aux combattants de Daesh.
«Nous manquons de tout, me dit le jeune général, debout au milieu de ses hommes dans le dernier fortin de pierres sèches en surplomb de la vallée du Tigre. Nos soldats sont braves. Ils sont expérimentés. Ce sont, souvent, de vieux Peshmergas qui, face à cette nouvelle guerre, ont repris du service…»
La moyenne d’âge, sur les remparts de terre où les hommes sont postés tous les trois mètres, doit être, en effet, supérieure à 40 ans. Et certains, comme «Mike», le Juif kurde qui, au bivouac, évoquera la présence millénaire de sa famille sur cette terre, ont plus de 60 ans.
«Nos hommes sont braves, oui, continue le général. Mais ils n’ont rien. Ni armes de longue portée, ni lunettes à vision nocturne, ni matériel de déminage. Regardez ce Milan, par exemple, que nous a livré l’Allemagne…»
Je vois, posé sur le remblai, le tube du missile filoguidé qui a déjà, me dit-il, repoussé deux assauts.
«J’en ai deux comme cela dans mon secteur. Et les sept autres commandants qui, avec moi, couvrent les 1 000 kilomètres du front n’en ont pas davantage.»
Il s’interrompt pour donner un ordre à un septuagénaire, rescapé des massacres au gaz de Saddam Hussein il y a vingt ans, et resté l’un des meilleurs tireurs de la compagnie. Puis reprend.
«L’ennemi, face à nous, est surarmé. Il s’est emparé des arsenaux abandonnés par l’armée irakienne, l’été dernier, dans sa déroute à Mossoul. Mais nous n’avons, nous, pour l’essentiel, que des armes individuelles et des Douchka. Que fait l’Occident? Qu’attendent nos amis? Nous nous battons pour eux et eux nous livrent au compte-gouttes.»
Ce discours, combien de fois ne l’ai-je pas entendu?
Ce «notre combat est votre combat – en défendant notre pays nous défendons aussi le vôtre» n’est-il pas un classique de toutes les guerres de résistance et de libération que j’ai couvertes depuis quarante ans?
Sans doute.
Sauf qu’il y a, ici, une différence – ou plutôt deux.
D’abord, c’est plus vrai que ce ne le fut jamais. C’est littéralement, concrètement, techniquement vrai. Les commanditaires de l’exécution de l’équipe de Charlie, ceux du massacre de Bruxelles et de l’Hyper Cacher, les inspirateurs de la double fusillade de Copenhague, les égorgeurs de Coptes en Libye, c’est ici qu’on les affronte, ici qu’on les contient et ici que l’on pourrait, si l’on en avait les moyens, commencer de les défaire.
Et puis, surtout, on a là des alliés avec lesquels – et c’est si rare! – on partage non seulement des buts de guerre, mais des valeurs. Laïcité… Respect des femmes… Pluralisme politique et religieux… Chrétiens et yazidis se battant au coude-à-coude avec leurs camarades Munsulmans… Lire l’intégralité.
 

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