Tribune
|
Publié le 11 Septembre 2013

Des logiciels anti-FN caducs

Par Guillaume Tabard

 

La date - ce dimanche à Marseille - est tardive pour une rentrée politique. Mais Marine Le Pen savoure ses longues vacances. «Ça ne servait à rien de parler, ils parlaient tous pour moi», dit-elle en souriant. «Tous», ce sont les dirigeants du PS et de l'UMP, plus que jamais hantés par le Front national au point de sembler en faire leur unique préoccupation, comme le prouve la nouvelle polémique provoquée par les propos de François Fillon. C'est un fait: plus le PS et l'UMP parlent du Front national, et plus il monte.

Cet échec est lié à un décalage entre l'évolution du discours et de l'électorat du Front national d'une part, et l'évolution du regard de ses opposants sur lui d'autre part. Tous ont, certes, adapté leur discours à la progression arithmétique du FN. À droite, Nicolas Sarkozy fut le premier à assumer vouloir séduire les électeurs partis chez Le Pen. Et à réussir à le faire une fois, en 2007. À gauche, François Hollande fut le premier à dire explicitement, entre les deux tours de la dernière présidentielle, qu'il lui revenait de «convaincre les électeurs du FN».

 

«Sur les 6,4 millions d'électeurs de Marine Le Pen, combien se sentent liés à l'idéologie du groupuscule d'extrême droite des années 1970 ?»

 

Mais, de part et d'autre, cette forme de «dédiabolisation» des électeurs du Front national est allée de pair avec le maintien d'une «diabolisation» du parti lui-même et de ses dirigeants. Or, plus il grossit numériquement et plus le FN s'éloigne de sa réalité d'origine, et plus les motivations de vote se sont élargies. Sur les 6,4 millions d'électeurs de Marine Le Pen, combien se sentent liés à l'idéologie du groupuscule d'extrême droite des années 1970? Pourtant, l'argumentaire anti-FN continue de tourner autour de la dénonciation d'un parti «non républicain». Un argumentaire qui crée un cercle vicieux. Car les citoyens tentés par un vote FN en raison d'un sentiment, justifié ou non, de déclassement social, de perte d'identité, de crainte des conséquences de l'immigration ou de la mondialisation, d'abandon de territoires défavorisés, du chômage… reprochent aux partis qui se succèdent au pouvoir d'être plus obsédés par la perte de parts de marché électorales que par les angoisses qu'ils expriment. Et, privé à ce jour de toute responsabilité exécutive, le FN profite de la position confortable de pouvoir critiquer la gestion des autres sans avoir à rendre compte de la sienne.

 

Marine Le Pen profite enfin des erreurs de ses concurrents. Du PS, qui croit embarrasser la droite sans voir que le FN s'attaque désormais à son propre électorat. De l'UMP, qui semble se complaire dans des débats tactiques et sémantiques que ses électeurs ne comprennent pas.