Tribune
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Publié le 13 Octobre 2014

Etat islamique, Qatar et alliés: de lourdes ambivalences

Par Haoues Seniguer, Chercheur au Groupe de Recherches et d'Études sur la Méditerranée et le Moyen Orient (GREMMO) et enseignant à l'IEP de Lyon, publié dans le Huffington Post le 16 septembre 2014

Jusqu'à présent, le Qatar s'est montré très complaisant, et il l'est encore à bien des égards au niveau doctrinal, vis-à-vis des Frères musulmans et des mouvements islamistes sunnites. 

L'émirat a, de longue date, fondé sa politique sur la duplicité, l'ambivalence ou l'ambiguïté, notamment au niveau de sa diplomatie. L'émirat a pour habitude de donner d'un main ce qu'il reprend aussitôt de l'autre. Il s'est ainsi toujours agi de donner des gages de soutien aussi bien aux acteurs de l'islam politique, des plus violents aux plus légalistes, qu'aux partenaires occidentaux, dont la tradition démocratique est historique, malgré leurs propres vicissitudes et errements sur les questions liées au monde arabe et à l'islam.

L'attitude du Qatar, aujourd'hui, est autant le résultat de l'idéologie de ses dirigeants, schizoïdes d'une certaine manière, que des rapports de force au sommet du pouvoir, entre les tenants de l'ouverture à l'Occident et les partisans d'une vision culturaliste et très exclusiviste de l'islam. À cette aune, l'expulsion récente de septs dirigeants des Frères musulmans peut s'interpréter de deux façons: d'une part, par l'enlisement de l'opposition syrienne et le fait qu'elle ait été à présent supplantée sur le terrain par des organisations islamistes extrêmement violentes, que l'émirat a favorisées d'une manière ou d'une autre, incapables cependant de venir à bout du régime autoritaire et répressif de Bachar al-Assad; et d'autre part, par la montée en puissance de l'État islamique et l'inquiétude qu'il suscite dans certaines chancelleries occidentales et arabes, avec la crainte qu'il ne déstabilise durablement la région avec son cortège de malheurs, comme l'atteinte à l'intégrité morale et physique des chrétiens d'Orient.

Qatar veut de la sorte ennoblir son image, se racheter après avoir nourri la bête à laquelle se heurtent lui et ses amis en Occident. L'émirat semble vouloir se détacher de l'image qui lui colle à la peau, à savoir être le sponsor des organisations et personnalités associées à la nébuleuse idéologique des Frères musulmans dont les dispositifs théoriques sont, à peu de choses près (seuls les modes d'action changent), les mêmes que ceux de l'État islamique, n'en déplaise à leurs thuriféraires de France et de Navarre. D'ailleurs, en expulsant certains dirigeants Frères musulmans, le régime qatari semble non seulement donner quitus à au président Abdel Fattah al-Sissi dans sa stratégie d'éradication des islamistes égyptiens mais également autoriser l'idée qu'il existe une passerelle idéologique hautement probable entre appartenance à l'idéologie des Frères musulmans et passages à l'acte violent au nom de valeurs supérieures puisées en un corpus sacré ou sacralisé… Lire la suite

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