Tribune
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Publié le 24 Avril 2013

L'insurrection du Ghetto de Varsovie

 

Par Annette Wieviorka, historienne

Cet article a précédemment été publié dans Les Collections de L'Histoire n°37 à la page 76 et sur le site du magazine L'Histoire

 

Dans l'histoire de la déportation et de l'extermination des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, l'épisode de l'insurrection du ghetto de Varsovie occupe une place à part. Pour la première fois, en avril 1943, quelques centaines de jeunes gens y ont résisté les armes à la main à l'armée nazie.

 

"Encerclement du ghetto à partir de 3 heures. À 6 heures, les Waffen SS au nombre de 16/850 (16 officiers, 850 soldats) effectuent un nettoyage de ce qui reste du ghetto. Les juifs et les bandits ouvrent un feu nourri et méthodique sur nos unités. Ils arrosent de cocktails Molotov notre tank et les deux engins blindés. Le tank prend feu à deux reprises. Sous la pression du feu ennemi, nous effectuons le repli de nos unités engagées. Nos pertes en cette première attaque se chiffrent à 12 hommes".

 

C'est ainsi que, dans le rapport qu'il rédige quotidiennement du 20 avril au 16 mai 1943, le général SS Stroop rend compte de l'attaque du ghetto de Varsovie. Les Allemands avaient en effet décidé d'entreprendre la liquidation totale du ghetto le 19 avril 1943, jour de la Pâque juive. Le "nettoyage" dura trois semaines. Car à Varsovie, les nazis rencontrèrent, pour la première fois, une véritable insurrection civile.

 

En septembre 1939, les troupes allemandes étaient entrées dans la ville, où habitaient quelque 393.000 juifs -un tiers de la population de la capitale polonaise. Un décret du Gouvernement général, daté du 28 novembre, décide alors de mettre en application les mesures ordonnées par Reinhardt Heydrich, chef du bureau central pour la sécurité du Reich RSHA, dans une circulaire diffusée une semaine plus tôt: "aryanisation" des entreprises, concentration des juifs dans les grandes villes, création de conseils juifs Judenräte , dont les membres sont soit désignés par les Allemands, soit issus de l'ancienne communauté Kelillah . À Varsovie, 24 notables sont chargés d'administrer la communauté juive, présidée par Adam Czerniakow, et d'appliquer les ordres des autorités allemandes qui, d'octobre 1939 à janvier 1940, édictent une série de mesures : port obligatoire, sur la manche droite, d'un brassard blanc marqué d'une étoile de David bleue; confiscation des biens; interdiction d'user des transports publics ou de posséder un poste de radio.

 

Dès octobre 1939, les hommes sont contraints au travail forcé. Les Juifs sans ressources sont désignés par le Judenrat . Mais, fin décembre, le nombre des volontaires étant insuffisant, le Judenrat recrute d'office un certain quota de travailleurs par immeuble. En janvier 1940, enfin, un ordre allemand contraint tous les hommes âgés de 12 à 60 ans à se faire enregistrer.

 

On compte alors quatorze camps de travail dans la seule région de Varsovie, où les Juifs sont occupés à paver des rues, à drainer des marécages, à construire des fortifications. Au mois de mars 1940, le quartier où résident les Juifs de Varsovie est désigné comme "zone d'épidémie ". Le Judenrat a charge d'en barrer les voies d'accès par des murs. En août 1940, la ville est officiellement divisée en trois quartiers: l'allemand, le polonais, le juif. Mais c'est le 12 octobre 1940, la veille de la fête juive de Yom Kippour le jour du Grand Pardon, que les Allemands annoncent par haut-parleurs la création, décidée le 2 octobre par Ludwig Fischer, gouverneur du district de Varsovie, de ce qu'ils appellent un "quartier juif".

 

En fait, il s'agit d'un ghetto, comme ils en ont déjà établi un à Piotrkow en octobre 1939 et à Lodz, rebaptisé Litzmannstadt, en février 1940. Dès lors, il sera interdit aux Juifs de résider ailleurs, aux "aryens" d'habiter le ghetto. La décision s'accompagne d'énormes transferts de population: 113.000 Polonais "aryens" et 138 000 Juifs selon les statistiques allemandes doivent rejoindre dans de brefs délais leurs "quartiers" respectifs. On construit alors de nouveaux murs, hauts de 3 mètres et couronnés de barbelés.

 

Le 16 novembre, le quartier est bouclé. On y installe les Juifs déportés des bourgades environnantes, puis d'Allemagne et d'Autriche. Au total, ce sont 150.000 réfugiés qui affluent. Des milliers d'entre eux errent sans abri ou s'entassent dans les immeubles. Un document allemand de 1941 précise que le quartier juif couvre 403 hectares, que sa population est de 410.000 personnes, selon un recensement effectué par le Judenrat, de 470.000 à 590.000, selon des estimations allemandes; 550.000 semble le chiffre le plus probable. Ainsi, dans chaque appartement vivaient au moins quinze personnes, soit six ou sept, probablement davantage, par pièce.

 

La faim est durement ressentie et le typhus fait rage : on compte 61 000 décès entre janvier 1941 et juillet 1942. Une minorité échappe au sort commun ; elle habite dans les quelques rues considérées comme luxueuses et fréquente certains lieux de distraction. Ce sont les membres du Service juif du maintien de l'ordre, communément appelé police juive, de riches commerçants en relations d'affaires avec les Allemands et rois du marché noir…

 

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