Tribune
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Publié le 19 Mars 2014

Pour comprendre la création du CRIF

Tribune de Serge Klarsfeld publiée dans le hors série des Études du CRIF anniversaire des 70ans du CRIF

Le CRIF a publié un recueil de textes en hommage au 70e anniversaire du CRIF, qui a été offert aux invités lors du 29e Dîner de l’institution. Ce recueil est composé de trente articles rédigés par des intellectuels, écrivains, journalistes, sociologues, philosophes... Nous reproduisons ci-après le 12ème article de ce recueil : la tribune de Serge Klarsfeld, Écrivain, Historien et Avocat, Président des Fils et Filles des Déportés Juifs de France. Nous publierons par la suite l’ensemble de ces textes.

Marc Knobel, Directeur des Études du CRIF

Pour comprendre les raisons de la création et de l’existence d’un CRIF, il faut remonter aux années de guerre et de persécutions antisémites. Le statut des Juifs du 3 octobre 1940 établi par le gouvernement de Vichy s’appliquait essentiellement aux Juifs français, qu’il réduisait à n’être que des citoyens de seconde zone. La loi du 4 octobre 1940 s’appliquait aux Juifs étrangers, environ la moitié des 320 000 Juifs vivant alors en France, et autorisait leur internement arbitraire dans des camps spéciaux. 

Quant aux Allemands, ils ne voulaient considérer pour les Juifs qu’une seule nationalité, la nationalité juive, mais ils devaient tenir compte des intérêts de la diplomatie hitlérienne, s’en prendre d’abord aux nationalités de pays occupés par l’Allemagne et concéder des exemptions provisoires à des nationalités de pays neutres ou ennemis. Les régimes au pouvoir en France, le Reich hitlérien, l’occupant, et le gouvernement de l’État français, l’occupé, ont fini par définir chacun de son côté ce qu’était un Juif et par considérer les Juifs non seulement dans leur diversité, mais dans leur unité.

Les Juifs ont fait de même ; ils ont fini par se reconnaître comme juifs dans le regard des autorités allemandes et françaises et dans les persécutions qu’elles leur infligeaient. D’autant plus qu’à la demande pressante des Allemands, soucieux d’imposer en France comme en Allemagne une représentation unifiée des Juifs auprès des pouvoirs publics, une loi française avait créé, en novembre 1941, l’Union générale des israélites de France, l’UGIF, laquelle, prudemment, ne s’était définie comme compétente que pour le domaine de l’assistance.

Au printemps 1943, au cours d’une première réunion « historique » à Grenoble entre associations juives françaises et étrangères, il est décidé de créer le Centre de documentation juive contemporaine, chargé de documenter le destin des Juifs de France et les mesures les privant de leurs droits, de leurs biens, de leur liberté, de leur dignité et de leurs vies.

Au cours d’une seconde réunion, ces associations décident de créer une UGIF correspondant à des institutions démocratiques, un Conseil représentatif des israélites de France, dont la mission après la libération serait de représenter les Juifs auprès des pouvoirs publics pour tous les problèmes urgents et à long terme concernant la reconstitution et le développement du judaïsme français.

Devenu le Conseil représentatif des institutions juives de France, le CRIF a joué un rôle de plus en plus responsable pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur les problèmes rencontrés par les Juifs dans leur vie civique et politique et dans leur attachement à la sécurité de l’État juif.

Sans le CRIF, qui rassemble presque toutes les organisations les plus représentatives de la communauté juive organisée, les Juifs de France, qui ne sont pas tous religieux ou pratiquants, ne pourraient exprimer leur volonté, leurs angoisses ou leurs espoirs que par le Président du Consistoire central ou par le grand rabbin de France, qui ne sont pas en principe les intermédiaires les plus compétents ou les mieux préparés pour jouer ce rôle.

Le CRIF lui-même ne peut représenter que la somme de tous les Juifs appartenant à cette communauté organisée qui ne réunit pas encore la majorité des Juifs vivant en France.

Mais les organisations qui en font partie sont parmi celles qui ont contribué au sauvetage des trois quarts des Juifs de France avec le concours décisif de la population française et des Églises, telle l’OSE – pour ne donner qu’un exemple – et parmi celles qui ont su reconstruire la communauté, tel le Fonds Social Juif Unifié.

Les pouvoirs publics font, à juste titre, confiance au CRIF et leur rencontre annuelle au plus haut niveau et dans l’unanimité – à l’exception des partis extrêmes – révèle le degré très élevé de confiance auquel le CRIF a su accéder dans ses rapports avec la représentation politique nationale grâce à la lucidité, à l’expérience et au bon sens de ses dirigeants successifs, en particulier tous ceux qui se sont succédé ces dernières décennies, d’Ady Steg à Roger Cukierman, en passant par Theo Klein, Jean Kahn, Henri Hajdenberg et Richard Prasquier.

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