Tribune
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Publié le 8 Mars 2013

Soixante-dix camions chargés de vivres et produits divers bloqués par le Hamas au passage de Kerem Shalom

 

Par Hélène Keller-Lind

 

La réconciliation tant de fois annoncée entre Autorité palestinienne et Hamas ne s'est toujours pas concrétisée et, au-delà des effets d'annonce, une guerre larvée persiste. Un des derniers épisodes en date en a été la fermeture du Passage Kerem Shalom par le Hamas, passage par où entrent au quotidien, depuis Israël, des tonnes de vivres et biens divers dans la Bande de Gaza. L'occasion, d'ailleurs, d'évoquer le travail crucial, mais trop peu connu du Coordonnateur des Activités Gouvernementales dans les Territoires – COGAT – en coopération avec l'Administration palestinienne des Territoires. Ce qui permet aux Gazaouis de ne manquer de rien d'essentiel, voire même de superflu. 

 

Toile de fond : une « réconciliation » Hamas Fatah lettre morte

 

Cela fait des mois qu'est annoncée une réconciliation entre des factions palestiniennes qui se sont entredéchirées, parfois à mort, lors de la prise du pouvoir par le Hamas dans la Bande de Gaza en 2007. Sans qu'il y ait la tenue d'élections depuis, ni à Gaza, ni dans les Territoires gérés par l'Autorité palestinienne. Jusqu'ici cette réconciliation ne s'est guère matérialisée et les arrestations des membres de la faction adverse continuent de part et d'autre.

 

Le Hamas bloque l'entrée de vivres et produits divers dans la Bande de Gaza

 

C'est sur cette toile de fond que vient de se produire une première en la matière. En effet, le Coordonnateur des Activités Gouvernementales dans les Territoires -COGAT- l'organisme gouvernemental israélien peu connu, mais qui fait un travail remarquable de transfert aux Palestiniens de tonnes de produits et vivres essentiels au quotidien, annonce dans un communiqué la fermeture du Passage Kerem Shalom par le Hamas le 4 mars dernier. Alors que c'est l'Autorité palestinienne qui gère le passage avec COGAT. Passage qui sert de cordon ombilical pour les Gazaouis étant donné que des tonnes de marchandises y passent chaque jour. Cette fermeture est relatée en ces termes :

 

«  Plus de 70 camions chargés de vivres et autres produits sont actuellement bloqués du côté israélien du passage de Kerem Shalom, en attente de leurs homologues palestiniens.

 

Si ce passage ne fonctionne pas actuellement c'est que l'entrepreneur palestinien responsable pour la partie palestinienne a décidé de ne pas l'ouvrir aujourd'hui. Sa décision est due aux tentatives du Hamas de remplacer l'entrepreneur actuel par un entrepreneur de son choix. Le Hamas s'efforçant activement de faire partir l'Autorité palestinienne pour prendre le contrôle de la gestion de Kerem Shalom, afin de pouvoir percevoir des recettes fiscales sur les biens qui entrent dans la Bande de Gaza.

 

Ces mesures prises par le Hamas représentent un danger par rapport aux mesures de sécurité actuelles, remettant en cause la capacité de fonctionnement du passage. Le Coordonnateur des Activités Gouvernementales dans les Territoires, le Général Eitan Dangot, s'est entretenu ce matin avec de hauts fonctionnaires de l'Autorité palestinienne pour les tenir informés des événements qui se déroulent et souligner qu'Israël ne peut pas permettre l'exploitation du passage dans de telles conditions, compte tenu des risques sécuritaires.

 

C'est par le Passage de Kerem Shalom qu'entrent pour l'essentiel les biens commerciaux dans la bande de Gaza et il remplit donc une fonction vitale pour la population civile qui y vit. Il est situé à la frontière sud entre Israël et la Bande de Gaza et une moyenne de 300 camions y transfèrent de la nourriture et d'autres produits essentiels quotidiennement. Ce passage a été le théâtre de nombreuses attaques terroristes par le passé, obligeant à le fermer temporairement. Les événements d'aujourd'hui cependant sont une première, le Hamas ayant fermé Kerem Shalom de cette façon » http://www.mfa.gov.il/MFA/HumanitarianAid/Palestinians/Hamas_closes_Kerem_Shalom_crossing_4-Mar-2013.htm?utm_medium=twitter&utm_source=twitterfeed.

 

Retour à la normale pour des importations et exportations cruciales mises en place par COGAT dont on ne parle que trop peu

 

Le 5 mars, suite à l'intervention de COGAT auprès de l'Autorité palestinienne, la situation avait été réglée car COGAT annonçait que ce jour-là « 328 camions contenant divers produits et 173 tonnes de gaz avaient été livrées dans la Bande de Gaza, par le Passage de Keren Shalom en coordination avec l'Administration de la Coordination et de la Liaison de Gaza » http://www.cogat.idf.il/994-9653-en/Cogat.aspx

 

Cet incident permet de mettre en lumière le travail colossal accompli par Israël par le biais de cet organisme qui gère tout ce qui entre et sort légalement des Territoires palestiniens depuis Israël, grâce à une coopération quotidienne avec les autorités palestiniennes. On ne parle pas ici des tunnels de contrebande entre la Bande de Gaza et l’Égypte ni de Rafah, passage terrestre entre l’Égypte et Gaza, dont l'ouverture ou la fermeture dépend des Égyptiens.

 

On peut d'ailleurs suivre sur le site de COGAT le volume et la fréquence des importations et des exportations gazaouies, notamment grâce à des rapports détaillés hebdomadaires. Ainsi y apprend-on que le jour où le contenu de 328 camions et 173 tonnes de gaz avaient été transférés depuis Israël dans la Bande de Gaza, 144.310 fleurs transportées par huit camions avaient été exportées depuis la Bande de Gaza par ce même Passage http://www.cogat.idf.il/994-10652-en/Cogat.aspx. Le 7 mars 60 tonnes de nourriture et de biens divers offerts par la Turquie entraient dans la Bande de Gaza par ce Passage. Et le 21 février quarante fermiers et marchands gazaouis avaient effectué un voyage d'information d'une journée en Israël grâce à la coopération de COGAT et de l'organisation palestinienne, son homologue http://www.cogat.idf.il/901-10765-en/Cogat.aspx.

 

Trop de voitures à Gaza, selon le ministère des Transports gazaoui...

 

Le 6 mars une information donnée par l'agence de presse palestinienne semi-officielle Ma'an News était très significative à cet égard. On y apprenait, en effet, que « le gouvernement de Gaza va réduire l'importation de voitures pour cause d'excédents ». Selon un responsable chargé des importations du ministère des Transports du « gouvernement de Gaza », « le nombre de voitures transférées dans la Bande de Gaza a été bien moins élevé que dans les trois mois précédents ». Ce qu'il explique ainsi : « nous avons importé 63 voitures d’Égypte et 242 voitures d'Israël, ce qui est peu ». - on notera au passage que quatre fois plus de voitures entrent d'Israël - parce que, ajoutait-il, « si les gens ne commandent pas plus de voitures, cela veut dire qu'il y en a déjà assez à Gaza.. ». Il déplorait toutefois l'embargo sur les taxis et véhicules commerciaux http://www.maannews.net/eng/ViewDetails.aspx?ID=572088 . On rappellera ici qu'Israël impose des restrictions sur tout ce qui peut être utilisé à des fins militaires, ce qui est des plus légitimes au vu des milliers de missiles et roquettes lancées sur Israël depuis Gaza. Restrictions levées toutefois pour les demandes présentées par des organismes internationaux garantissant la bonne utilisation des importations.

 

Ainsi des tonnes de matériaux sont entrées dans la Bande de Gaza pour la construction du nouveau centre culturel français qui est en cours de construction pour ce qui était estimé en 2012 à un coût d'environ un million d'Euros http://www.consulfrance-jerusalem.org/Nouveau-CCF-de-Gaza-premier-convoi Ce CCF – seul centre culturel étranger dans la Bande de Gaza, les autres ayant dû fermer – a d'ailleurs des allures pharaoniques à en croire sa maquette. Tout ce qui est nécessaire pour sa construction a été autorisé par Israël http://www.consulfrance-jerusalem.org/Lancement-du-chantier-du-nouveau Il abritera également une antenne consulaire française. L'agent consulaire français étant proche de tous à Gaza, Hamas y compris, http://www.desinfos.com/spip.php?page=article&id_article=26743 on comprend que ces constructions aient été autorisées côté palestinien et l'antenne consulaire maintenue.

 

Pour la petite histoire, et bien que ce produit soit entré dans la Bande de Gaza par des tunnels de contrebande, contrôlés par le Hamas qui perçoit des droits d'entrée, il faut savoir qu'en octobre dernier l'iPhone 5 d'Apple s'arrachait en dépit de son prix très élevé – entre 1170 $ et 1480 $ - et y avait été commercialisé avant de l'être en Israël, un sujet de fierté pour les Gazaouis...http://macdailynews.com/2012/10/15/apples-new-iphone-5-snapped-up-in-gaza-strip-despite-high-prices/

 

On est bien loin, on le voit, de l'image d’Épinal mensongère qui fait de la Bande de Gaza « une prison à ciel ouvert », voire pire...

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