Tribune
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Publié le 31 Janvier 2013

Soudan : il est révoltant qu'Angela Merkel puisse apporter son soutien à ce pays

 

Par Jacky Mamou

Président du collectif Urgence Darfour

 

Mardi 29 janvier 2013, s'est ouverte une conférence à Berlin visant à trouver des investisseurs potentiels pour le Soudan. Si le pays traverse une grave crise économique due à son instabilité, l'Allemagne doit veiller au message qu'il envoie en organisant cet événement. Point de vue du Dr Jacky Mamou, président du collectif Urgence Darfour.

 

L’Allemagne a organisé, mardi 29 janvier, une conférence d’investisseurs pour le Soudan. Ce pays est montré du doigt par la communauté internationale pour ses violations massives des droits de l’homme. L’essentiel du budget de l'État est consacré à l’effort de guerre et de répression contre ses propres populations.

 

Le président soudanais Omar el-Béchir est recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, commis au Darfour sous ses ordres. D’autres dirigeants sont aussi poursuivis pour les mêmes raisons. Tout cela est connu d'Angela Merkel et de ses ministres, car l’Allemagne a des soldats de la Bundeswher sous mandat des Nations unies dans la Mission conjointe des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour (MINUAD) et dans la MINUSS (Mission des Nations unies au Soudan du Sud).

 

Tartuferie

 

D’autre part, en novembre dernier, les autorités allemandes ont engagé une coopération avec le gouvernement de Khartoum pour "un programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration". C’est une vraie tartuferie puisque ce régime ne cesse de lever des milices et de les armer pour continuer la guerre contre ses propres populations. Le ministère des Affaires étrangères allemand prétend mettre comme condition à toute coopération bilatérale, "une meilleure disposition du gouvernement soudanais à collaborer avec la communauté internationale".

 

Or Khartoum refuse de livrer à la CPI le président Omar el-Béchir, son ministre de la défense Abdelrahim Mohammed Hussein, le gouverneur du Sud-Kordofan Ahmed Haroun, tous poursuivis pour les horreurs commises sous leurs ordres au Darfour. Or Khartoum refuse toujours l’accès humanitaire pour civils du Sud-Kordofan et du Nil Bleu malgré l’accord signé entre l’ONU, l’Union africaine et la Ligue arabe en février 2012. Or Khartoum continue à bombarder les villages en violation de la résolution 2046 du Conseil de Sécurité.

 

Une réflexion indispensable

 

Le ministre lui-même, Guido Westerwelle, à l’occasion de la présentation de la stratégie du gouvernement fédéral pour l’Afrique, le 15 juin 2011 à Berlin, déclarait : "nous voulons encourager la naissance et le développement de sociétés ouvertes en créant un lien entre l’engagement en faveur des droits de l’homme et de la démocratie et nos approches en matière d’économie et de développement."

 

Or Khartoum a expulsé de très nombreuses ONG du Darfour qui apportaient une aide essentielle aux populations. Or Khartoum harcèle les journalistes, ferme les quotidiens critiques, arrête les défenseurs des droits de l’homme. Des manifestations pacifiques ont été réprimées dans le sang comme celle de Nyala en juillet 2012.

 

Il est donc absolument révoltant que l’Allemagne puisse apporter son soutien pour financer des milices qui vont assassiner des enfants, violer des femmes, détruire des villages. C’est donner une bouffée d’oxygène à des dirigeants qui bombardent leurs propres populations, arrêtent et torturent leurs opposants pacifiques. L'Allemagne démocratique a fait des efforts reconnus par tous pour revoir son passé. Elle gâcherait ce capital d’estime en aidant à financer le gouvernement soudanais qui commet quotidiennement des atrocités, y compris des crimes de génocide. Angela Merkel ferait bien d’y réfléchir.

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