Tribune
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Publié le 14 Mai 2012

A Téhéran Michel Rocard affirme qu'affaiblis par les difficultés économique les Occidentaux ne veulent pas de nouvelle crise - Ses interlocuteurs multiplient les avertissements.

Par Hélène Keller-Lind

 

Si la visite de l'ancien Premier ministre P.S. Michel Rocard à Téhéran à la mi-mai n'est pas officielle, il multiplie toutefois les rencontres de haut niveau, se faisant l'avocat « d'une compréhension bénéfique pour tous ». D'autant que, selon lui, les Occidentaux, affaiblis par les difficultés économiques ne voudraient pas de nouvelle crise. Ses interlocuteurs réclament la levée des sanctions et lancent des avertissements en cas d'échec des négociations de Bagdad à venir. A Paris l'entourage de François Hollande souligne qu'il n'a été chargé d'aucune mission.

Arrivé dans la capitale iranienne le 12 mai pour une visite non officielle, l'ancien Premier ministre Michel Rocard « n'a été chargé d'aucune mission et n'est porteur d'aucun message » du Président élu, nous apprennent des médias hexagonaux, citant une dépêche de l'AFP. Michel Rocard n'est pourtant pas reçu en visiteur privé et a d'ores et déjà rencontré des personnages clés du régime iranien. Ce qui a été l'occasion pour lui comme pour eux de multiplier des déclarations qui ne sont pas anodines à quelques jours de la prochaine rencontre de Bagdad, nouvelle étape dans la récente reprise des négociations entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU - États-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne- plus l'Allemagne et l'Iran.

 

Akbar Salehi, ministre des Affaires étrangères iranien a été le premier à recevoir Michel Rocard le 13 mai. Selon l'agence de presse iranienne, Fars News, le ministre iranien « a félicité le peuple français pour l'élection de [ François ] Hollande et dit souhaiter que son élection mène à un accroissement des relations bilatérales dans tous les domaines, relations fondées sur un respect mutuel ». L'ancien Premier ministre socialiste ayant « souligné l'importance du statut de l'Iran, disait espérer qu'un climat de respect mutuel serait créé entre l'Iran et les pays européens pour que tout problème éventuel puisse être résolu dans le respect des intérêts des deux parties afin de renforcer la paix et la stabilité globale et régionale ».  http://english.farsnews.com/newstext.php?nn=9102111774

 

Michel Rocard : les dirigeants occidentaux ne sont pas prêts à affronter une nouvelle crise. Le régime iranien veut une levée des sanctions

 

Après le ministre des Affaires étrangères, Michel Rocard a rencontré le négociateur iranien pour le nucléaire, appelant à une entente mutuelle et à de la « compréhension » dans l'intérêt de tous tandis que Saaed Jalili, lui, tenait un discours plus musclé, avertissant que « l'époque de la stratégie des pressions est terminée ». Il ajoutait que « toute erreur de calcul de la part de l'Occident fera échouer ces conversations. A Bagdad nous voulons que des mesures soient prises pour restaurer la confiance de la nation iranienne ». Saaed Jalili, qui est également Secrétaire du Conseil Suprême National de Sécurité de l'Iran, précisait que « la levée des sanctions contre l'Iran devrait être au centre de toute conversation future sur la coopération entre l'Iran et les grands pouvoirs ». Un discours qu'il avait déjà tenu lors de la conférence de presse donnée après la seconde rencontre d'Istanbul, rappelle l'agence Fars. Le régime iranien appelant alors à des « gestes de bonne volonté réciproques ». http://english.farsnews.com/newstext.php?nn=9102111893

 

Le même jour Michel Rocard prenait ensuite la parole devant « la Faculté pour les Relations Internationales du ministère des Affaires étrangères iranien ». Pour tancer et expliquer à la fois le comportement des occidentaux jugé  « inapproprié ». Il déclarait, en effet, que « compte tenu des conditions critiques qui prévalent dans les pays occidentaux, la question du nucléaire iranien est traitée avec colère plutôt que normalement ». Selon l'agence Fars il lançait cet avertissement : « toute action irréfléchie et toute provocation sera dangereuse et aura des conséquences désastreuses », estimant que « les dirigeants mondiaux ne sont pas prêts pour une nouvelle crise ».

 

Déclarations de Michel Rocard qui permettaient à  l'agence Fars de titrer ainsi sa dépêche « Les puissances mondiales ne veulent pas devoir être confrontées à une nouvelle crise compte tenu de la débâcle économique globale actuelle et de leurs nombreux problèmes économiques a dit l'ancien Premier ministre français... »http://english.farsnews.com/newstext.php?nn=9102111887

 

Rien de nouveau à Téhéran : Israël est une tumeur cancéreuse qui sera coupée

 

Il n'est guère anodin de savoir ce qui se passe par ailleurs à Téhéran alors même que Michel Rocard est reçu par les autorités iraniennes et multiplie les déclarations. En effet, le même jour le Secrétaire du Conseil National Suprême à la Sécurité de l'Iran, Saeed Jalili, recevait également, à une autre occasion, le « ministre des Affaires étrangères du Hamas, Mohamed Awad » et déclarait alors que « le régime sioniste s'est affaibli et est plus isolé que jamais et ses plaintes ressemblent aux derniers gémissements d'une personne qui agonise ». Thème qu'il développait.

 

D'ailleurs, selon Saeed Jalili, « la victoire du peuple palestinien est proche ». Fustigeant « les pays qui gardent le silence quant à cette question [ la situation à Gaza] » il les déclarait coupables de ce crime contre l'humanité ». Et avertissait : « la Palestine appartient au monde de l'Islam tout entier et devrait être libérée ». http://english.farsnews.com/newstext.php?nn=9102111778

 

Mohamed Awad répondait en fustigeant « le soutien des gouvernements occidentaux et de l'administration américaine pour le régime sioniste ». Quant à l'agence iranienne, elle n'hésite pas à désinformer en rendant Israël responsable du blocus de Gaza à sa frontière avec l'Égypte. http://english.farsnews.com/newstext.php?nn=9102111881

 

Le 14 mai, le Président du Parlement iranien, Ali Larijani recevait le « ministre des Affaires étrangères du Hamas » déclarant que « dans le cadre de sa politique de soutien à tous ceux qui opposent le régime sioniste... soutenir les Palestiniens et les aider à parvenir à leurs fins est un élément central de la politique étrangère iranienne ». On se souviendra, à cet égard, que selon sa Charte, le but du Hamas est de rayer Israël de la carte.

 

Par ailleurs, Fars News rappelle qu'exprimant son soutien aux Palestiniens, l'Ayatollah Khamenei, Guide Suprême de la Révolution Islamique, déclarait récemment devant des millions de personnes, lors des prières  sur le campus de l’université de Téhéran, que « le régime sioniste est une véritable tumeur cancéreuse qui devrait être coupée et sera coupée, si Dieu le veut ».http://english.farsnews.com/newstext.php?nn=9102111937

 

On pourrait ainsi multiplier les exemples de l'état d'esprit des dirigeants iraniens en cette mi-mai 2012 alors qu'ils parlent d'un nécessaire « respect mutuel » entre l'Iran et l'Occident.Il est clair que pour eux Israël est exclu de l'équation...