Bruno Halioua

Président de la Commission Souvenir du Crif

Blog du Crif - Le jour où Jean Ferrat a vu son père porter l'étoile jaune

09 June 2020 | 1190 vue(s)
Catégorie(s) :
France

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Antisémitisme

Vendredi 9 août 2024, s'est tenue la cérémonie en hommage aux victimes de l'attentat terroriste de la rue des Rosiers, organisée par le Crif en collaboration avec la Mairie de Paris. La cérémonie s'est tenue devant l'ancien restaurant Jo Goldenberg, au 7 rue des Rosiers. À cette occasion, le Président du Crif a prononcé un discours fort et engagé dans la lutte contre l'antisémitisme sous toutes ses formes, en dénonçant notamment celle qui se cache derrière la détestation de l'Etat d'Israël.

À l'occasion des 80 ans du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), les membres du Crif ont été reçus à l'Élysée par le Président de la République, Emmanuel Macron, et Madame Brigitte Macron, lundi 18 mars 2024. Le Président du Crif, Yonathan Arfi, a prononcé un discours à cette occasion. 

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Il y a 80 ans, le 7 juin 1942, la législation instaurant l'étoile jaune était mise en place. À cette occasion, découvrez 4 articles sur la façon dont Serge Gainsbourg, Jean Ferrat, Sacha Distel et Marcel Gotlib ont vécu le port de l'étoile jaune.

Ces articles sont proposés par Bruno Halioua, et issus de son livre «Leur Seconde Guerre Mondiale», (édition Buchet Chastel - 2020). Dans ce livre, il s'intéresse à la façon dont certaines personnes célèbres ont vécu les événements marquants de la Seconde Guerre Mondiale.

Le jour où Jean Ferrat a vu son père porter l'étoile jaune : "Marqué ! Comme une bête !"

 

Le soir du 6 juin 1942, le jeune Jean Tenenbaum  âgé de 11 ans  qui habite avec ses parents à Versailles assiste impuissant à l’arrivée de son père avec son paquet d’étoiles jaunes qu’il est obligé coudre sur ses vêtements, son pardessus et sa veste. Celui qui deviendra célèbre sous le nom de Jean Ferrat est révolté par cette mesure injuste qui stigmatise son père aux yeux des autres « Marqué ! Comme une bête ! Mais ce que l'on ne savait pas, c'est que c'était comme une bête qui part à l'abattoir »

Jean Ferrat n’est pas astreint à porter l’étoile jaune car sa mère n’est pas Juive. Il avait appris deux ans auparavant à l’occasion du recensement des Juifs la judéité de son père Mnacha Tenenbaum installé en France depuis plus de trente cinq ans et qui avait toujours voulu ardemment s’intégrer dans la société française. Jean Tenenbaum avait subitement son altérité «J’ai appris que je n'étais pas comme les autres!».

Le futur chanteur engagé rappellera par la suite son ressenti face à cette injustice. « Ce fut d'abord une blessure, ensuite une révolte ». Comme la majorité des Juifs le père de Jean Ferrat avait obéit docilement à cette législation car il avait considèré qu’il était très important d’être en conformité avec les lois en vigueur dans le pays qu'il avait choisi sans se douter des conséquences tragiques de sa démarche. Par la suite, Jean Ferrat reprochera à son père son excès d’optimisme « Contrairement à d'autres qui voient le mal partout, il ne le voyait nulle part et c'est cela d'ailleurs qui a causé sa perte ».  

Quelques semaines plus tard , le père de Jean Ferrat sera arrêté puis déporté le 30 septembre 1942 tandis que le jeune Jean Ferrat et son frère seront obligé de se cacher à Perrier, une commune du Puy-de-Dôme puis à Font-Romeu, dans les Pyrénées-Orientales. Comme la majorité des Juifs déportés, Mnacha Tenenbaum n’est jamais revenu.  Jean Ferrat restera toute sa vie marquée par la mort de son « Ce manque, cette absence reste indélébile. La mort de mon père a certainement été un des éléments clés de ma création future ».

Il évoquera en 1963 la Shoah dans sa chanson Nuit et brouillard mais il a fallu attendre 1991 pour qu’il rappelle dans une chanson le drame douloureux de la perte de son père Nul ne guérit de son enfance, dans laquelle il chante : « Celui qui vient à disparaître. Pourquoi l'a-t-on quitté des yeux ? On fait un signe à la fenêtre sans savoir que c'est un adieu ».

Jean Ferrat a également évoqué cette période douloureuse de son enfance et les conséquences qu’elle a entrainé sur son engagement de chanteur : « On porte son enfance toute sa vie. Je ne suis pas un cas unique, mais cette période a été très dramatique pour ma famille, pour moi et pour la France aussi. Il y a une partie de moi qui est devenue adulte très vite ».

 

Dr Bruno Halioua, Président de la Commission Souvenirs du Crif

Cet article est extrait de « Leur Seconde Guerre Mondiale », le prochain livre de Bruno Halioua. (A paraître édition Buchet Chastel en octobre 2020). Dans ce livre, Bruno Halioua s'intéresse à la façon dont certaines personnes célèbres ont vécu les événements marquants de la Seconde Guerre Mondiale.