Journaliste-Blogueuse
Vendredi soir en l'espace de moins d'une heure, la France a connu le plus grave attentat jamais perpétré sur son territoire. En l’espace d’une trentaine de minutes, des terroristes ont attaqué la capitale à 7 endroits avec une minutie et une détermination macabres. 129 morts, 350 blessés dont 100 dans un état très grave. Les chiffres donnent le tournis. Moins de 48 heures après cette nuit d’horreur, n’en déplaise à certains, il est juste le temps de pleurer.
Les réseaux sociaux ont, pendant et après, de cette soirée sanglante joué pleinement leurs rôles. Les hashtag #PortesOuvertes #ParisRecherche mais aussi le bouton « Safe », lancé par Facebook. Et puis hier soir, alors que le temps de la sidération n’était pas encore passé, j’ai vu fleurir sur ces mêmes réseaux sociaux des réactions cyniques, moqueuses. Des petites phrases sibyllines, pas insultantes mais qui dégoulinent de ce petit ton narquois avec un « je vous l’avais bien dit ». Ces statuts qui, à contre-courant de l’empathie générale, font des rapprochements hasardeux et malhonnêtes intellectuellement.
Quand je lis ces commentaires, je ne peux m’empêcher de penser à ce passage de l’Ecclésiaste. « Il y a un moment pour tout et un temps pour toute activité sous le ciel. Un temps pour naître et un temps pour mourir, un temps pour planter et un temps pour arracher ce qui a été planté, un temps pour tuer et un temps pour guérir, un temps pour démolir et un temps pour construire, un temps pour pleurer et un temps pour rire, un temps pour se lamenter et un temps pour danser, un temps pour danser, un temps pour lancer des pierres et un temps pour en ramasser, un temps pour embrasser et un temps pour s’éloigner des embrassades, un temps pour chercher et un temps pour perdre, un temps pour garder et un temps pour jeter, un temps pour déchirer et un temps pour coudre, un temps pour se taire et un temps pour parler, un temps pour aimer et un temps pour détester, un temps pour la guerre et un temps pour la paix ». Il faut lire et relire le texte cité d’ailleurs par Ytshak Rabin lors de la signature des accords d’Oslo.
J’avoue ne pas comprendre comment des juifs - aussi peu nombreux soient-ils - peuvent se réjouir de ce qui se passe en France et trouver dans le drame de vendredi soir « un juste retour des choses » pour ce pays. Dire à la France « C’est bien fait pour toi », c’est comme danser sur le corps d’un ancien amour qui vous aurait quitté. Cette attitude est détestable. En être le témoin est insupportable. Ils sont minoritaires mais je veux leur dire combien cette attitude ne les honore pas. A l’heure où le sang macule encore les trottoirs de Paris, où des gens cherchent, photos à la main, dans les couloirs des hôpitaux leurs proches dont ils sont sans nouvelle, où plus d’une centaine de personnes blessées luttent pour la vie, il n’est que le temps de pleurer et de se recueillir. Les polémiques et les questions viendront bien assez tôt.
Je ne minimise pas la situation. J’ai quitté la France pour des raisons tangibles mais j’avoue – est-ce une faute – je continue de l’aimer, d’écouter ses chanteurs, de lire ses auteurs, de suivre son actualité. La France est en moi. Elle fait partie de mon histoire. Sa langue m’a structurée. Je l’aime malgré ses errements, en dépit des ses renoncements. Oui, j’écarquille les yeux devant ma télé quand je vois le président iranien Rohani reçu avec tous les honneurs. Oui, je suis en colère quand je vois que les produits venant de Judée-Samarie seront étiquetés. Oui, je suis outrée quand je vois Anne Hidalgo, Maire de Paris, décorer Mahmoud Abbas. Chacun de ses événements me fait sortir de mes gonds mais tout ça ne pourra jamais me rendre indifférente au sort de civils qui, vendredi soir, ont été massacrés alors qu’ils sortaient après une semaine de travail.
Quand je vois le Kotel arborer le drapeau tricolore, je suis fière de voir combien Israël est solidaire de la France même si la réciproque n’est pas toujours vraie. Et je crois que fondamentalement cette attitude d’indifférence et de cynisme n’est tout simplement pas juive.