Billet de Jeanne Bloch – Quand Wikipédia devient un terrain de propagande mondiale

10 Novembre 2025 | 171 vue(s)
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Antisémitisme

Le 30 novembre, l’État d’Israël et les communautés juives du monde entier commémorent la Journée dédiée au souvenir de l'expulsion des Juifs des pays arabes et de l’Iran. A cette occasion, nous vous proposons la lecture de ce texte de Jean-Pierre Allali, vice-président de la JJAC (Justice for Jews from Arab Countries).

Par Nicolas Bedos

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Israël

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La page Wikipédia « Génocide à Gaza » écrite en 45 langues est symptomatique des fragilités de Wikipédia et de la campagne de désinformation anti israélienne et antisémite qui s’y déploie. Celle-ci s’est particulièrement intensifiée depuis le 7-Octobre sans que personne n’en assume la responsabilité. 
Jeanne Bloch, spécialiste de la lutte contre la désinformation dans les environnements numériques décentralisés, animera un atelier sur Wikipédia à la 15e convention du Crif, le 23 novembre 2025.

 

En août dernier, les républicains de la Chambre des représentants américaine ont lancé une enquête sur la Fondation Wikimédia et Wikipédia, réclamant l'accès à des données internes. En cause : des accusations de partialité coordonnée, notamment sur les dossiers israélien et ukrainien, ainsi que des soupçons d'influences étrangères. Cet été également, la Wikimédia Foundation, sous pression médiatique, a écarté in extremis la candidate irakienne Ravan Jaafar Al-Taie alors qu’elle s’apprêtait à être élue au conseil d'administration de la Fondation-mère. En cause : la découverte de tweets niant les viols du 7-Octobre et accusant Israël de génocides multiples.

S'y ajoutent le lancement de Grokipédia et la baisse de fréquentation de Wikipédia. Si les lecteurs retrouvent bien les contenus via les IA, le problème est ailleurs : moins de visiteurs signifie moins de contributeurs potentiels. Car ce sont les lecteurs qui deviennent éditeurs – vous y compris !

Dans ce contexte, Jimmy Wales, le co-fondateur et président émérite de la Wikimédia Foundation, a enfin reconnu le problème, non seulement dans une récente interview à CNN, mais également en se fendant le 2 novembre 2025 d’un commentaire sur la page de discussion de « Génocide à Gaza », c’est à dire l’onglet où les différents contributeurs argumentent dans le but de trouver un consensus neutre : oui, la page ne reflète pas les normes de « neutralité de point de vue » qu’exige Wikipédia. Oui, la question de la neutralité dans Wikipédia est en ce moment examinée par un groupe de travail interne à travers de nombreux domaines thématiques, dont le « sionisme ». Oui, « il reste encore beaucoup à faire »...  (et c’est un euphémisme).

En attendant, la guerre des narratifs se poursuit, à la suite même de son message ! Certains Wikipédiens des premiers temps se disent écoeurés car ils observent la violence, voire la mauvaise foi des contributions et quittent le bateau.

N’empêche, il suffit de peu, c'est-à-dire de nouveaux contributeurs soucieux d’une information fiable, pour pouvoir rétablir un minimum de neutralité sur cette encyclopédie dont l’influence est tellement sous-estimée.

 

Alors comment l'instrumentalisation des règles éditoriales de Wikipedia par certains contributeurs impose-t-elle des points de vue biaisés, au détriment de la neutralité et de la pluralité des perspectives ?

Les manifestations sont multiples : surexploitation des arguments anti-israéliens tandis que l'idéologie du Hamas est occultée, simplification du débat juridique complexe sur le génocide à Gaza, invisibilisation du caractère controversé de certaines sources (rapport Albanese, statistiques du Hamas), disqualification systématique des sources pro-israéliennes. Les règles éditoriales sont ainsi détournées pour verrouiller le contenu.

En comparant les versions française, anglaise, espagnole, turque, arabe, néerlandaise, on découvre partout la même structure : citations d'officiels israéliens comme preuves d'intention génocidaire, destruction à Gaza présentée comme démonstration du crime, CIJ réinterprétée comme ayant confirmé le génocide (alors qu'elle n'a jugé que l'accusation plausible), complicité occidentale mentionnée comme un fait. Les mêmes sources se répètent : quelques ONG, universitaires militants, communiqués identiques.

Avec la version espagnole, la version française est la plus activiste : elle ne décrit pas le conflit, elle y ajoute intentions, idéologies et coupables collectifs. Dès la première phrase, elle affirme que le génocide « est perpétré depuis octobre 2023 par l'armée israélienne » et lui prête des motivations idéologiques : Grand Israël, racisme anti-palestinien, sionisme. L'infoboîte mentionne un « châtiment collectif pour les attaques du Hamas ».

Exactement ce que Jimmy Wales a dénoncé comme un échec flagrant de neutralité.

Face à ceux qui utilisent Wikipédia pour imposer leur récit, la meilleure réponse est de s’y engager soi-même, calmement et rigoureusement. Il suffit de créer un compte et de contribuer, même modestement : corriger une phrase justifiée par une source, signaler un déséquilibre sur la page de discussion. Chaque contribution honnête réduit l’espace laissé aux campagnes coordonnées et aux manipulations idéologiques.

 

Pour en savoir plus, écrire à signalement@crif.org

 

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