Bruno Benjamin

Président du Crif Marseille Provence

Le billet de Bruno Benjamin - Le virus de l'antisémitisme sur les réseaux sociaux

01 Février 2021 | 318 vue(s)
Catégorie(s) :
France

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Antisémitisme

Vendredi 9 août 2024, s'est tenue la cérémonie en hommage aux victimes de l'attentat terroriste de la rue des Rosiers, organisée par le Crif en collaboration avec la Mairie de Paris. La cérémonie s'est tenue devant l'ancien restaurant Jo Goldenberg, au 7 rue des Rosiers. À cette occasion, le Président du Crif a prononcé un discours fort et engagé dans la lutte contre l'antisémitisme sous toutes ses formes, en dénonçant notamment celle qui se cache derrière la détestation de l'Etat d'Israël.

À l'occasion des 80 ans du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), les membres du Crif ont été reçus à l'Élysée par le Président de la République, Emmanuel Macron, et Madame Brigitte Macron, lundi 18 mars 2024. Le Président du Crif, Yonathan Arfi, a prononcé un discours à cette occasion. 

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Dernièrement, nous avons évidemment énormément évoqués cet antisémitisme primaire et odieux qui a visé April Benayoun.

Parce qu’on était en direct, que l’évènement était suivi par des millions de personnes et parce que la presse s’est emparée de l’affaire, le retentissement médiatique a été à la hauteur du mélange de lâcheté, de bassesse, de bêtise, de haine mais au-delà du sort réservé sur les réseaux sociaux à cette jeune femme résume parfaitement un phénomène plus global celui de l’antisémitisme,  du racisme et de toutes les haines qui circulent sur ces réseaux.

Le racisme et l’antisémitisme sont des invariables. Leur nature est différente, mais ils forment cette double haine structurante. Ne nous y trompons pas : la haine continue de s’abreuver du même poison : les préjugés, un complotisme délirant, la recherche des boucs  émissaires. Or, à chaque fois, la violence antisémite franchit des seuils. Toutes les cases de l’aversion profonde sont cochées :

  • la violence verbale sans fard,
  • un grand nombre de rédacteurs qui s’échauffent, s’emballent, s’engrènent, un effet de groupe,
  • l’anonymat, l’arme des faibles, le paravent de la haine ordinaire,
  • une cible, le plus souvent une communauté, mais d’autres fois simplement une différence,
  • l’impossibilité ou la peur de celui qui est visé de répondre,
  • l’impunité de ceux qui insultent.

Donc, de cette affaire, je retiens le caractère abject mais aussi un exemple parmi d’autres d’un phénomène qui s’est installé de façon inquiétante dans nos sociétés.

 

Toute agression contre un Juif est une attaque contre la République. Intégrés à celle-ci, imprégnés de ses valeurs universelles, nous y sommes profondément attachés. Cela m’autorise à demander aux autorités, car l’urgence s’impose, un retour de la République partout, sur l’ensemble du territoire, à commencer par les zones ghettoïsées où la mixité sociale a quasiment disparu.  D’autant que les soldats de l’islamisme radical vont continuer de raffiner dans l’inattendu, l’imprévisible. C’est une forme de guerre de l’ombre, silencieuse, qui nous est déclarée. Il faut y faire face en mobilisant toutes les énergies.

L’accoutumance progressive à la diffamation des Juifs se retrouve chez les islamo-gauchistes. Leur cible, c’est l’Etat d’Israël en butte à de multiples critiques et tentatives de déstabilisation. Leur antisionisme est un avatar du palestino-progressisme des années 70 qui consiste, par principe, à présenter les Palestiniens comme un peuple brimé, maltraité, volontairement maintenu dans le sous-développement. C’est  toute une école de pensée articulée autour de cette idée : Israël, je te reconnais le droit à l’existence mais dénie toute légitimité à ce qui te fonde ! Pour d’autres, je ne te reconnais aucuns droits, aucune légitimité. Mais ces esprits tordus, promoteurs du boycott économique, politique et culturel, ne trompent que ceux qui veulent bien l’être. Leur combat en faveur des Palestiniens est un leurre. Il ne s’agit en fait que d’un anti sionisme avéré.

 

Si le harcèlement est compris comme une attaque, une insulte, une menace,  répétée dans la durée, contre une personne que ce soit sur les réseaux sociaux ou par tout autre canal, la justice doit relever la garde et sévir, son rôle est de garantir la sécurité et de prendre toutes les mesures adéquates qui éviteraient la récidive.

 

Souhaitons qu’il y ait peut-être aussi quelques signaux forts que les tribunaux ont adressés à ces séides qui profèrent ces propos inacceptables.

L’exemple de ce jeune algérien qui travaillait chez Deliveroo et qui refusa de livrer des plats à des clients juifs. La justice a été expéditive, elle l’a condamné à 4 mois de prison ferme et à son expulsion vers son pays d’origine.

En d’autres termes quand le fait antisémite est avéré et que la sanction est rapide et proportionnée, on peut imaginer que ça marque les esprits les plus faibles.

 

Comment lutter contre le harcèlement et plus généralement la haine qui se déverse sur les réseaux sociaux ?

Je milite depuis plusieurs mois pour la mise en place d’une sorte d’HADOPI de l’antisémitisme, on sanctionne le téléchargement clandestin, on doit pouvoir déceler et sanctionner les propos antisémites et racistes sur la toile en général et les réseaux en particulier. Donald Trump a vu ses comptes bloqués quand il a harangué ses partisans pour les inciter à l’action dans le Capitole.

Ce qui est possible pour le président des Etats-Unis doit être possible pour un individu lambda.

Mais ce qui se passe sur les réseaux sociaux pose aussi la question de l’anonymat. Je considère qu’on ne peut plus faire l’économie d’un débat sur l’anonymat.

D’une manière contraire, s’exprimer derrière le paravent d’un pseudonyme peut être vu comme une réelle liberté certes ; « je peux enfin dire ce que je pense sans prendre le risque d’être pénalisé par exemple par ma hiérarchie, je peux même dénoncer des comportements délictueux sans crainte d’être rattrapé par les auteurs de ces faits ».

Mais attention, dans l’agora de la toile je peux aussi transgresser tous les interdits, divulguer les idées les plus nauséabondes, les plus viles sans être identifié.

 

La loi sanctionne ces propos et ces comportements s’ils sont prononcés dans les médias traditionnels, dans la rue, à l’école, dans l’entreprise. Mais nous avons le sentiment que sur les réseaux sociaux parce que nous pouvons avancer masqués, nous bénéficions d’une impunité totale.

La démocratie a créé ses anticorps, ce sont les lois qui sanctionnent l’antisémitisme, sur la toile il faudrait un vaccin et ce vaccin, il faut peut-être le chercher en levant l’anonymat, c’est un débat qui doit être mené.

 

Jean Paul Sartre constatait : « Il suffit qu’un seul homme en haïsse un autre pour que la haine gagne de proche en proche l’humanité entière ».

Nous ne resterons ni spectateurs, ni avec les bras croisés, ni avec les yeux mi-clos, devant cette époque où les dangers se mêlent aux peurs et à la malveillance, ou la bataille contre le mal n’est jamais gagnée d’avance. Elle implique un engagement, une attention soutenue de tous les instants car pour certains il existe un antisémitisme banal, ordinaire, comme ils pensent qu’il existe une relativité dans le mal, et j’ajoute, ce combat les hommes le gagneront car notre société contemporaine est ordonnée à une fin : LA PAIX.