Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Blog du Crif - Un voyage au Costa Rica

20 Janvier 2022 | 125 vue(s)
Catégorie(s) :
Actualité

Pages

Opinion

Pages

Avec les sapajous capucins, avec les coatis, ces ratons-laveurs à queue de marsupilami, avec les toucans et les aras rouges, les iguanes du fond des âges, les escouades à la queue leu-leu de fourmis coupe-feuilles, avec les tarentules et les caïmans impassibles dans les mangroves, avec les forêts primaires, les plages sur les deux océans, les lignes géométriques de ses volcans pas toujours endormis, le Costa Rica est le paradis d’une nature sauvage mais d’accès facile pour des urbains en mal de ressourcement; je vais l’évoquer dans cette première chronique de l’année avant de revenir un autre jeudi sur notre quotidien, notamment les maladies virales de l’époque, Covid, islamisme, réseaux sociaux, politique spectacle et israélophobie.

Le plus petit des pays d’Amérique Centrale, le Salvador, a la même superficie que l’Etat d’Israël. Le Costa Rica en a deux fois et demi la taille pour seulement cinq millions d’habitants dont 3 autour de la capitale San José. Quand l’Amérique latine est devenue indépendante, il fallait plusieurs semaines pour parcourir cette région reculée qu’on appelait la capitainerie générale du Guatémala et celle-ci s’est scindée en six pays différents, ou plutôt cinq, car le Panama est une création des Etats -Unis qui ont organisé en 1903 la sécession de cette province colombienne pour sécuriser le canal qu’ils voulaient construire.

Là ne s’est pas arrêtée leur influence. Au nom de la doctrine Monroe, réitérée par Théodore Roosevelt, les Etats Unis ont dominé ces économies fondées sur des cultures d’exportation, café puis bananes. Un journaliste a parlé de républiques bananières tant la puissance de l’United Fruit Company pesait lourd. Encore après la dernière guerre mondiale, le puissant secrétaire d’Etat américain Foster Dulles était l’avocat de l’entreprise et, sous prétexte de lutte contre la subversion communiste, a engagé le Guatémala dans une longue guerre civile qui a fait des centaines de milliers de victimes dans la population indienne du pays. Mais la crise économique des années 30 avait déjà déclenché des massacres au Salvador, et au Nicaragua la révolte des paysans avait été durement réprimée par la dictature des Somoza.  Les sandinistes aujourd’hui au pouvoir gardent dans ce pays en désarroi économique une rhétorique anti-impérialiste qui favorise l’infiltration de  la Chine de Pékin et un antisionisme virulent. Les plus anciens se souviennent de l’aberrante affaire des Contras à l’époque de Reagan où Israël s’était retrouvé dans le même camp que l’Iran de Khomeini.

Mais le Costa Rica a été épargné par l’histoire. Peut-être l’absence de peuplement indien a-t-elle réduit les violences féodales à l’oeuvre dans les pays voisins. Mais pourquoi n’y a-t-il plus d’Indiens ? La variole n’explique pas tout. Les massacres ne laissent pas de mémoire quand il n’y a pas de survivants.

Après un dictateur d’opérette qui avait écoeuré les habitants de tout régime militaire, et après une brève guerre civile, un nouveau Président, José Figueres, que les Costariciens appellent affectueusement Don Pepe, a tout simplement aboli l’armée, pour orienter les ressources vers l’éducation et la santé. Il a interdit les mandats présidentiels consécutifs pour empêcher les tentations autocratiques. C’était en 1948.

Bizarrement, ces réformes ont tenu. Depuis lors, le Costa Rica est devenu la Suisse de l’Amérique Centrale, sauf que la Suisse, elle, a une armée et qu’elle est beaucoup, beaucoup plus riche…

Au fait, 1948, c’était aussi l’année de la création d’un pays cher à notre coeur, Israël, qui n’a certainement pas l’intention de supprimer son armée. Rappelons que c’est en grande partie le revirement de certains pays d’Amérique latine qui a permis au plan de partage d’être adopté le 29 novembre 1947 à l’ONU.

La petite communauté juive du Costa Rica est bien insérée dans la vie du pays. D’ailleurs, une récente première Dame, épouse du très pro-israélien président Luis Alberto Monge, s’appelait Mme Doris Yankelewitz.

Oui, je sais, ce n’est pas un nom très espagnol. Peut-être parce qu’elle ne connaissait pas bien cette histoire, elle avait accepté d’être décorée de l’ordre d’Isabelle la Catholique.