Le billet d'Édouard Harari – Un an après, nous vivrons, encore et toujours

01 Octobre 2024 | 83 vue(s)
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365 jours se sont écoulés mais c’est comme si le temps s’était arrêté depuis ce jour qui a tout changé pour les Juifs du monde entier.

On peut se dire qu’un an s’est écoulé mais on a l’impression de se mentir à soi-même. On a compté les jours passer, on savait que ce jour arriverait mais le cerveau refuse d'ingérer l’information. Comment peut s'être écoulé un an quand le 7 Octobre 2023 est encore si présent dans nos mémoires, comme si la sidération ne datait que d’hier ?

Depuis ce jour désormais gravé dans notre mémoire collective, la vie des Juifs en France a été profondément bouleversée. 365 jours se sont écoulés mais le traumatisme des événements perdure. Cette date a rejoint les dates d’autres attentats terroristes si horribles dans leur ampleur que chacun se souvient d’où il était ce jour-là.

Cette date marque le plus grand massacre de Juifs depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus de 1 200 personnes, des femmes, vieillards, enfants, ont été massacrés. Dans ce bilan, 42 victimes françaises dont parmi elles, Orion Hernandez Radoux et Eliya Toledano, morts en captivité à Gaza, et Celine Ben David-Nagar, une jeune femme assassinée au festival Nova, qui venait d’accoucher de son premier enfant.

La sidération continue de manière diffuse quand on pense aux 101 otages encore à Gaza, sans espoir crédible de les récupérer dans un futur proche. Parmi ces personnes, deux Français, Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi, dont nous sommes sans nouvelles, et la famille Bibas : les parents, Shir et Yarden, et leurs deux fils, Ariel, 4 ans, et Kfir, qui avait 9 mois lors de son enlèvement, et qui a maintenant passé la majorité de sa vie en captivité.

Dès le 8 octobre, le Hezbollah a fait pleuvoir des roquettes sur le nord d'Israël, forçant des milliers de personnes à abandonner leurs maisons qu’elles n’ont toujours pas retrouvées. Le front du nord d'Israël prend désormais le premier rang du focus militaire, au précipice d’un embrasement régional.

En France, tous les efforts pour éviter l’importation du conflit ont très vite été rendus caduques, en grande partie à cause de leaders politiques irresponsables venant de La France insoumise. En parallèle, une véritable explosion du nombre d’actes antisémites : 1676 actes en 2023 contre 436 en 2022, + 1 000 % après le 7 Octobre jusqu’à la fin de l’année 2023[1], une hausse de 300 % des actes antisémites au premier trimestre 2024 par rapport à la même période en 2023[2]. Les amalgames et fausses mises en équivalence faits par les politiques et dans les manifestations anti-israéliennes éloignent les Israéliens et Palestiniens, premiers concernés, d’un espoir de renouveler un dialogue.

Porter un regard rétrospectif sur l’année écoulée fait surtout remonter, au-delà des faits, des sentiments paradoxaux qui nous traversent de manière continue depuis le 7 Octobre :
 

●   Un sentiment d’injustice et d’incompréhension constant face à des standards que personne n'appliquerait à un autre pays dans des circonstances similaires ;

●   Une paranoïa poussée à l’extrême dans le métro, au travail, dans des soirées, à attendre que quelqu’un dérape et répète tous les amalgames entendues dans les manifestations anti-israéliennes ;

●   Une grande solitude, la majorité de l’opinion nous soutient mais reste silencieuse et nous donne l’impression d’être seul et incompris ;

●   Le sentiment qu’on nous force à rentrer dans des cases, comme si parler du sort des otages voulait dire que nous sommes indifférents à la souffrance des femmes et enfants palestiniens victimes collatérales de cette guerre également ;

●   Le sentiment d’être désabusé face à des figures de mouvements progressistes et féministes qui ont fait honte à leurs causes par leur silence et mépris pour les victimes depuis le 7 Octobre et la surprise quand on trouve des personnes de ces mouvements qui osent encore braver la doxa et la meute pour rappeler les faits qui dérangent ;

●   Une dissonance cognitive permanente, le sentiment qu’on doit souffrir seul et isolé alors que toute la société devrait pouvoir s’unir autour de valeurs communes contre la violence sur les innocents ;

●   Un besoin de se déconnecter des réseaux sociaux pour éviter de s’infliger un déferlement de haine mais qui résulte comme une mise à l’écart forcée du débat public ;

●   Une tristesse face à l’évidence qu’il est devenu difficile, voire impossible d’avoir des conversations nuancées et objectives sur le sujet qui laisse place à la complexité ;

●   Une désensibilisation dictée par l’instinct de survie, le fait qu’on essaie de ne pas se laisser affecter par la répétition des épisodes de violence antisémite (le viol d’une fillette de douze ans parce que juive à Courbevoie, l’incendie de la synagogue de La Grande-Motte, les incidents de chants antisémites dans le métro parisien, pour ne citer que quelques exemples) mais qui forcément nous affectent ;

●   Une incapacité à goûter à la vie, mêmes les plus grandes joies ont perdu de leur saveur car nos cœurs sont en otage à Gaza, et de l’autre côté, une obligation de profiter de la vie pour ne pas laisser les terroristes nous défaire ;

●   Le sentiment malsain, à cause du temps qui passe, de s’être habitué à vivre dans cette réalité, l’instinct humain qui cherche irrémédiablement à passer à autre chose alors que le traumatisme perdure et que 101 innocents restent otages à Gaza dans des conditions inhumaines.

Face à ce bilan dramatique de l’année écoulée et de la situation toujours en cours, sans horizon de résolution proche, comment avance-t-on ? Comment agit-on ?

Comme nous aimons les paradoxes, face à ces sentiments et ce traumatisme collectif, nous sommes obligés de trouver de l’optimisme pour avancer, comme toutes les générations du peuple juif ont fait avant nous face à l’adversité. Nous avons également le devoir de ne pas nous perdre dans une haine aveuglante, de nous battre pour préserver notre moralité et notre humanité face au barbarisme.

Nous devons nous mettre en action, appeler à la libération des otages retenus par le Hamas, tous les jours jusqu’à leur libération. Nous devons renforcer les voix qui appellent réellement pour la paix et la coexistence et condamner toujours avec la même ferveur les acteurs politiques qui attisent la haine et l’antagonisme. Un an s’est écoulé depuis le 7 Octobre et nous marquerons ce jour chaque année à présent, mais notre résolution à nous battre renaît tous les jours.

 

Édouard Harari

Édouard Harari est membre du réseau des diplomates juifs (Jewish Diplomatic Corps) du Congrès juif mondial (World Jewish Congress). Ce réseau international réunit des leaders juifs dans leurs efforts pour soutenir et défendre les communautés juives du monde entier.

 

 

Notes : 
 

 

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