Jean Pierre Allali

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Lectures de Jean-Pierre Allali - Les uns contre les autres - Sarcelles, du vivre-ensemble au vivre-séparé, par Noémie Halioua

19 Septembre 2023 | 127 vue(s)
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Opinion

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Les uns contre les autres, Sarcelles, du vivre-ensemble au vivre-séparé, par Noémie Halioua (*)

 

« Sarcelles ! Du béton ! », s’exclamait Michel Boujenah dans l’un de ses tous premiers sketches. Du béton, certes, mais aussi des hommes et des femmes venus de tous horizons. Aux Français de souche s’étaient ajoutés, au fil des ans, des Juifs venus essentiellement d’Afrique du Nord, des Arabes, des Asiatiques, des Chinois, des Hindous, des Pakistanais, des Arméniens, des Turcs, des Chiliens et des Brésiliens, des Chrétiens d’Orient et d’ailleurs, des Polonais, des Italiens, des Portugais…

Après Dominique Strauss-Kahn (1995-1997), François Pupponi (1997-2017), Nicolas Maccioni (2017-2018) et Annie Perronet (2018) s’étaient efforcés de maintenir une bonne entente entre les groupes humains de la cité du Val-d’Oise. Non sans une certaine réussite. À la tête de la mairie depuis 2018, Patrick Haddad rencontre plus de difficultés que ses prédécesseurs, car, hélas, comme le dit Noémie Halioua, on est passé du « Vivre ensemble » au « Vivre séparés ». À Sarcelles, désormais, c’est « Les uns contre les autres ». Noémie Halioua sait de quoi elle parle. Elle est née à Sarcelles, ville « nouvelle », bâtie, dans les années 1950, sur des champs de légumes, cité la plus communautariste de France avec ses 60 000 habitants. Sa famille y est arrivée dans les années 1990 et elle a poursuivi sa scolarité à l’école privée juive Ozar Hatorah.

« Dans les bus, se souvient Noémie Halioua, une population bigarrée déambulait le regard éteint. Des mamans en boubous et cadis et des vieux communistes, des bandes d’ados en joggings Lacoste qui ponctuaient leurs phrases de « wesh », d’autres avec des kippas noires sur la tête ». C’est donc dans une école privée pour jeunes filles juive que Noémie Halioua a passé ses jeunes années, de la primaire à la troisième, de six à quinze ans. À L’époque, un vigile camerounais filtrait avec vigilance, les entrées et les sorties. À sa majorité, elle a quitté Sarcelles et sa « bulle sociale, économique et religieuse ». Elle n’est pas la seule à partir vers d’autres cieux. Au fil des ans, nombreux sont les Juifs de la cité qui choisissent de faire leur alyah en rejoignant Israël. Ceux qui restent, contre vents et marées, vont connaître la délinquance sur fond d’antisémitisme. Noémie Halioua raconte : « Nous sommes le 29 janvier 2018. Il est environ 18h30. Sur la très centrale avenue du 8 mai, au cœur du « quartier juif », Nathan C., un garçon de huit ans qui porte une kippa sur la tête et un talit par-dessus sa veste, est attaqué alors qu’il se rend à un cours de soutien scolaire. Deux adolescents d’origine africaine, cachés derrière une poubelle, surgissent par surprise pour lui asséner plusieurs coups… ». Histoire de l’humilier et de lui faire mal. On ne peut que le constater : « Sarcelles, capitale refuge des déracinés » se transforme peu à peu en une « ghettoïsation sociale et ethnique ». C’est, nous dit Noémie Halioua, « la fin de l’âge d’or de la communauté juive ». Le docteur Marc Djebali ne peut que constater : « Par rapport, disons, aux années 1990, la communauté juive a perdu près du tiers de son effectif ». Les agressions contre les Juifs sont devenues monnaie courante. En juin 2018, une adolescente de quinze ans est agressée à l’intérieur du collège-lycée juif. En décembre de la même année, Rachel, vingt ans est attaquée par des jeunes qui lui lancent : « Alors, t’as peur, la Juive ! ». En février 2019, deux adolescents tirent à la carabine sur un quinquagénaire en kippa devant la porte de la synagogue. L’inquiétude grandit au sein de la « Petite Jérusalem ». Pour René Taïeb, Président de l’Union des Communautés Juives du Val-d’Oise, « Sarcelles, c’est la fin. Dans dix ans, ce sera terminé ». C’est un fait incontestable. Le vivre-ensemble, à Sarcelles, c’est raté. Une enquête et une analyse de la situation remarquables.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions du Cerf, mars 2022, 214 pages, 19 €

 

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