Actualités
|
Publié le 19 Février 2014

« L’islam et les musulmans ne sont pas un fait exclusif d’immigration. Ils ont répondu aux appels les plus dramatiques de l’histoire de France »

Discours du Recteur de l’Institut Musulman Dalil Boubakeur, lors de l’inauguration, par le  Président de la République François Hollande, du Mémorial du Soldat Musulman à la Mosquée de Paris, mardi 18 février 2014

 

C’est un immense honneur Monsieur le  Président de la République, que vous faites aux musulmans de France en inaugurant aujourd’hui à la Mosquée de Paris le Mémorial consacré à tous les soldats musulmans morts pour la France durant les deux guerres mondiales. Votre geste historique en cette année du Centenaire de la Première Guerre mondiale rejoint celui de vos grands prédécesseurs qui inaugurèrent la Mosquée de Paris en 1926, exprimant-là une volonté nationale de rendre hommage aux centaines de milliers de musulmans morts durant les grandes guerres du XIX° siècle et du XX° siècle qui meurtrirent la France. 

La construction de cette mosquée, se voulait être un signe de reconnaissance envers les milliers de musulmans tombés sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Édouard Herriot, Raymond Poincaré, Paul Deschanel, Alexandre Millerand et le Maréchal Lyautey ont honoré ce lieu avec la volonté d’associer les musulmans à la mémoire de toute la Nation.

 

Le  Président Herriot disait : « Si la guerre a scellé sur les champs de bataille la fraternité franco-musulmane et si plus de 100.000 de nos soldats musulmans sont morts au service d’une patrie désormais commune, cette patrie doit tenir à honneur de marquer au plus tôt, et par des actes, sa reconnaissance et son souvenir ». Aujourd’hui, Monsieur le  Président de la République, vous parachevez l’œuvre de ces grands hommes d'État en dotant la Mosquée de Paris de ce Mémorial, lieu de symbole et de souvenir. Ce lieu de mémoire sera doté d'un afficheur numérique, permettant ainsi à toutes les familles musulmanes qui le désireront de trouver un nom, un lieu, une tombe. Un décor de marbre achèvera l’ensemble.

 

Grâce à vous Monsieur le  Président de la République, ces soldats ne resteront plus dans l’anonymat des archives ou de l’oubli. À tous ces valeureux soldats, la Mosquée de Paris leur fût dédiée par une loi d’État.

 

Tous ces jeunes musulmans engagés, Maghrébins ou Africains venus de leurs douars ou de leurs montagnes, servirent la lointaine métropole sans la connaître contre un ennemi dont ils ne savaient rien.

 

L’incorporation des zouaves et des troupes de tirailleurs avait commencé dès 1833. Toutes ces troupes musulmanes étaient liées, au début, par un engagement volontaire.

 

Dès 1912, la conscription rendue obligatoire en Algérie allait fournir le contingent des soldats constituant « les troupes indigènes » qui serviront l’Armée d’Afrique. La Grande Guerre allait transformer ces tirailleurs musulmans en valeureux combattants. La fraternité d’armes avec les soldats métropolitains et l’accueil de la population stimulera leur patriotisme et leur combativité jusqu’au sacrifice suprême.

 

Cette Armée d’Afrique se distingua notamment à la bataille de Verdun. Une bataille sacrée où se joua le destin de la France et qui rassembla du 21 février à fin octobre 1916 le plus immense rassemblement de troupes françaises et allemandes. Elle restera dans l’histoire la bataille des 300 jours et des 300 nuits. Les musulmans d’Algérie, du Maroc, de la Tunisie, du Sénégal et d’autres territoires de l’Afrique Équatoriale Française comptèrent 50 à 70.000 victimes et disparus. Cette déterminante victoire de Verdun fut parfois comparée par son importance à celle de Stalingrad en 1943.

 

Durant la Deuxième Guerre mondiale, la mobilisation des soldats musulmans en 1940 atteignit rapidement 14 divisions, soit 340.000 hommes. Près de 60.000 soldats prisonniers algériens furent internés dès 1940 en zone occupée par les Allemands.

 

Après le Débarquement anglo-américain de 1942 en Afrique du Nord, la mobilisation permit d’aligner plus de 70.000 soldats maghrébins répartis en plusieurs unités de fantassins parmi les 120.000 hommes mobilisés par la première Armée française libre reconstituée aux côtés des Alliés.

 

Au total, plus de 300.000 hommes furent mobilisés au Maghreb, dont 150.000 Algériens et un fort contingent marocain. À la fin de la Guerre, près de 85.000 furent tués au combat et 120.000 blessés.

 

Les soldats musulmans se sont battus avec bravoure et loyauté. Engagé en Italie dans la 3ème division d’infanterie algérienne, Ahmed Ben Bella, futur premier  Président de l’Algérie indépendante, rapporte dans ses souvenirs de combats à Monte-Cassino : « Nous assurions l’élément permanent du front, et l’action la plus mordante, la plus expérimentée. Notre action était déployée avec éclat sur le terrain, et les Alliés nous recherchaient volontiers sur le front et aux points les plus risqués ». Fin de citation.

 

À partir du débarquement de Provence de 1944, ces valeureux combattants firent face à d'âpres et terribles combats pour libérer des villes comme Marseille, Lyon, Belfort, Strasbourg, Metz et Mulhouse.

 

Le Général Jean De Lattre de Tassigny fit remarquer la surexploitation et la sollicitation intensive de ces soldats musulmans en Métropole. Cela faisait du reste l’objet de la part des concernés de revendications en matière de promotions, de grades et de reconnaissance militaire très souvent limités à leur endroit.

 

Soyez remercié, Monsieur le  Président de la République, pour le geste historique dont vous honorez aujourd'hui la Mosquée de Paris et tous les musulmans de France en rendant un hommage solennel à tous ces soldats qui ont offert leur vie pour que la France demeure libre et victorieuse.

 

La Mosquée de Paris tient ici à rappeler aux jeunes et moins jeunes générations que l'Islam et les Musulmans ne sont pas un fait exclusif d’immigration. Mais ils ont répondu aux appels les plus dramatiques de l’histoire de France.

 

Ce devoir de mémoire, Monsieur le  Président de la République, est une nécessité dans ce lieu mémoriel qui attache si fort les musulmans à la France. Un lieu de fidélité et d’espérance. Espérance que la citoyenneté des musulmans méritée de par le sang versé leur permette une vie sereine et protégée contre tous les facteurs qui mènent au mépris, à la haine et à la discrimination.

 

Tous nos espoirs et toute notre reconnaissance vont vers vous, Monsieur le  Président de la République, de permettre par votre geste, de confirmer le caractère national de l’Islam de France et sa compatibilité historique avec les valeurs de la République.

 

Et qu’il nous soit permis enfin de remercier tous ceux qui sous la direction du Ministre des Anciens combattants, ont activement participé à la réalisation de ce Mémorial digne de la France.

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance