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Publié le 19 Mars 2013

Discours d’hommage aux victimes des attentats de Toulouse et Montauban

 

Texte intégral du discours du Président de la République, 17 mars 2013

 

Monsieur le maire de Toulouse, je vous remercie d’avoir organisé cette cérémonie.

 

Je veux saluer toutes les hautes personnalités qui sont ici présentes, le président du Sénat, mais également mesdames et messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les parlementaires élus de la région, monsieur le Défenseur des droits, mesdames et messieurs les représentants des cultes, vous avez tenu à être ici, à Toulouse, aujourd’hui. Car il y a un an, l’équipée meurtrière d’un homme inspiré par la haine saisissait d’effroi la France entière. Cette équipée commençait le 11 mars ici, à Toulouse.

 

Imad Ibn Ziaten, le maréchal des logis-chef du 1er régiment du train parachutiste était froidement abattu, après être tombé dans un piège diabolique.

 

4 jours plus tard, le 15 mars à Montauban, Abel Chennouf et Mohamed Legouad, 2 militaires du 17e régiment du génie parachutiste étaient lâchement assassinés.

 

Le caporal-chef Loïc Libert échappait comme par miracle à la mort, mais il reste aujourd’hui gravement handicapé.

 

Le 19 mars, l’horreur frappait à la porte de l’école Ozar Hatorah de Toulouse. Le rabbin Jonathan Sandler, ses 2 fils, Gabriel 3 ans, Arieh 6 ans ainsi que Myriam Monsonego 8 ans, la fille du directeur de l’école, étaient massacrés. Bryan Bijaoui 15 ans, en voulant protéger la petite Myriam, était lui grièvement blessé.

 

En cet instant solennel encore douloureux, je veux dire aux familles endeuillées que la France est toujours et encore à leurs côtés, qu’elle est rassemblée au-delà des différences comme elle l’était déjà il y a un an autour du président Sarkozy. Nous étions alors en pleine campagne présidentielle. Elle s’était arrêtée. Toutes les sensibilités politiques républicaines, toutes les confessions religieuses, toutes les écoles de pensée s’étaient alors retrouvées pour exprimer leur compassion, mais aussi leur détermination face au terrorisme.

 

Encore aujourd’hui, un an plus tard, les mêmes sont là pour témoigner de leur solidarité et de leur unité. Car c’est la meilleure des réponses, la plus forte, la plus solide face au terrorisme. Car à Montauban, à Toulouse, c’est la France qui a été agressée. En tuant des soldats, en s’en prenant à des enfants dans une école, c’est la République que l’on a voulu frapper en son cœur.

 

La République, elle a tenu bon et la France, elle a surmonté l’épreuve, car la démocratie, elle, est toujours plus forte que le fanatisme et nos valeurs ne plient jamais devant le malheur, et c’est ce que les familles ont démontré.

 

Je pense d’abord à madame Ibn Ziaten qui, depuis la mort de son fils avec une force d’âme remarquable, sillonne les quartiers de nos cités à la rencontre des jeunes. Elle leur transmet, avec ses mots, un message de confiance et de dignité.

 

Je salue aussi le combat des familles Chennouf et Legouad pour que les soldats victimes du terrorisme puissent être reconnus comme morts pour le service de la nation. Ce qui fut fait avec la loi du 21 décembre 2012. Elle permettra l’inscription de leurs noms sur les monuments des communes choisies par leur famille, pour que jamais la France ne les oublie.

 

Cette semaine encore, ces 3 militaires ont été décorés à titre posthume de la Légion d’honneur, j’y ai veillé tout particulièrement. Et Loïc Libert s’est vu décerner la médaille militaire.

 

Je veux aussi repenser à ces parents de l’école Ohr Torah. J’y étais revenu le 1er novembre en compagnie du Premier ministre israélien, pour dire combien nous étions encore et toujours endeuillés ; et en même temps que nous considérions que la réponse des parents était la plus belle qui soit en mémoire des enfants disparus, de faire encore confiance à l’école pour qu’elle poursuive son œuvre et pour que le renoncement ne soit pas la victoire posthume du terroriste. Merci aux parents de faire confiance en l’école et, donc, en la France.

 

Ce qui a frappé à Toulouse, c’est un mal terrible, il a un nom et il doit être prononcé, c’est l’antisémitisme, ce fléau qui remonte à loin, qui s’est toujours nourri du mensonge et qui a conduit – il y a 70 ans, c’est hier – au pire de tous les crimes commis par l’humanité contre elle-même, la Shoah. Cet immense cataclysme aurait dû anéantir, non pas les victimes, mais l’antisémitisme, le rendre impossible, inconcevable, inexplicable à tout jamais. Et pourtant, on a recommencé à tuer des juifs parce que juifs, car les enfants de Toulouse sont morts pour la même raison que ceux du Vel’ d’Hiv ou de Drancy parce qu’ils étaient juifs. Les paroles et les actes antisémites auraient pu cesser depuis Toulouse, et pourtant nous en faisons le constat et il est cruel, il y en a encore et même de plus en plus nombreux. Et chaque fait est encore plus odieux, plus scandaleux, chaque fois qu’un juif est insulté, c’est un outrage qui est fait à tout notre pays.

 

J’ai demandé au Premier ministre de réunir le mois dernier un comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, pour marquer notre détermination et surtout affirmer que l’État sera vigilant et la justice implacable par rapport à ces faits. Rien ne doit être considéré en cette matière comme anodin ou insignifiant. J’ai donc voulu que des mesures soient prises pour lutter contre la diffusion des messages de haine sur internet, en particulier sur les réseaux sociaux. Les tribunaux les ont condamnés à transmettre les données permettant l’identification des auteurs de messages antisémites. Et je veillerai à les contraindre – ces réseaux – à fournir ces noms pour qu’il y ait dissuasion et répression. L’espace de liberté qu’est internet ne doit en aucun cas être utilisé à des fins de propagande de haine.

 

À Montauban, à Toulouse il y a un an, c’est le terrorisme qui a montré son visage, le terrorisme, cette brutalité lâche qui s’en prend toujours aux plus faibles ; le terrorisme, cette violence aveugle qui tue toujours des innocents ; le terrorisme, cette froide ignominie qui sacrifie toujours des enfants. La lutte contre le terrorisme ne suppose aucun relâchement, aucune faiblesse, aucune négligence. Je sais la question qui a été posée au lendemain de Toulouse, cette tragédie aurait-elle pu être évitée ? Merah a-t-il agi seul ou était-il membre d’un réseau plus vaste ? Cette question, cette interrogation continue d’être posée. Et la réponse, nous ne la devons pas seulement aux familles, mais à la France tout entière. Cette réponse leur sera donnée. Je m’en porte garant.

 

Une enquête est aujourd’hui conduite par la justice pour connaître exactement les faits, déterminer les responsabilités, rechercher les éventuelles complicités. Les magistrats mènent de nombreuses investigations avec diligence, car nous devons savoir qui a financé les voyages de Merah, qui a contrôlé sa formation et avec quelle influence exacte il est arrivé à ces actes criminels. Les pouvoirs publics apporteront tout leur concours à cette instruction. De même nous devons tout savoir des éventuels dysfonctionnements des services concernés dans cette période.

 

Avec le ministre de l’Intérieur, j’ai voulu procéder aux premières corrections. Une réorganisation interne du Renseignement a été mise en œuvre. L’objectif est de renforcer le lien entre tous les services, services territoriaux, services centraux, l’information sera croisée, recoupée autant qu’il sera nécessaire, partagée. La relation entre la justice et la police sera simplifiée, coordonnée. Aucune information ne doit être perdue, aucune piste ne doit être écartée, aucune surveillance ne doit être oubliée.

 

Ces dispositions que je rappelle ne remettent nullement en cause la qualité, le dévouement des fonctionnaires qui agissent pour la sécurité de nos concitoyens, au contraire : elles doivent leur permettre d’accroître encore l’efficacité de leurs services. Mais nous devons également réfléchir aux mutations, aux évolutions, aux formes nouvelles du terrorisme. Le parcours du tueur est une succession dramatique de rencontres avec l’islamisme radical, à l’étranger, sur internet, et en prison. Et c’est pourquoi le gouvernement a présenté un projet de loi, qui est maintenant devenu la loi de la République, adoptée, je le signale, à l’unanimité du Parlement, pour renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste. Cette loi permet maintenant de poursuivre et de faire condamner les ressortissants français qui participent, à travers le monde, à un acte terroriste ou à une association de malfaiteurs, même s’ils n’ont pas commis de délit ou de crime en France. Ils seront jugés et condamnés.

 

La loi prolonge l’accès des services de renseignements à toutes les données techniques recueillies lors de l’accès à internet, car nous devons maintenant, je le disais, lutter contre cette forme de cyber-terrorisme. Mais, Mesdames et Messieurs, tirer les leçons de Toulouse, de Montauban, ce n’est pas seulement connaître la vérité, poser de nouvelles règles, voter de nouvelles lois ; tirer les leçons, c’est agir. Depuis un an, des individus cherchant à rejoindre des zones de combat ont été interpellés dans notre pays. Des prêcheurs qui appelaient au fondamentalisme ont été expulsés, leurs avoirs financiers gelés. Plusieurs cellules terroristes ont été démantelées, sous l’autorité de la justice. L’automne dernier, après un attentat à Sarcelles, un groupe a été mis hors d’état de nuire. La semaine dernière, à Marignane, une sinistre équipe qui préparait des attentats imminents sur le sol français, a été également arrêtée.

 

Les services de renseignements, les forces de police font preuve d’un savoir-faire remarquable. Et je tiens à leur exprimer ici, en votre nom, toute notre gratitude. Cette lutte de tous les jours, nous la mènerons conformément à nos valeurs : celles de la République. Et au premier rang desquelles – le maire de Toulouse y revenait – la laïcité, qui est, je le rappelle, le respect des croyances, de toutes les croyances. Et je salue une nouvelle fois tous les représentants des cultes qui sont ici, solidaires, unis, pour défendre la laïcité et le respect des croyances, ensemble ! Et en aucun cas, nos compatriotes musulmans ne doivent être confondus avec ceux qui caricaturent l’islam, en développant une lecture radicale. Dans cet esprit, l’effort doit être commun : celui de la Nation, à travers l’éducation, la transmission de l’histoire, celle des civilisations, celle des religions. Et ce sera l’objet de la loi sur la refondation de l’école, parce que nous devons permettre à nos jeunes concitoyens de se sentir pleinement français, et de leur dire que leur pays a besoin d’eux !

 

Mais nous devons aussi mobiliser toutes les forces spirituelles, les forces vives de la Nation, parce que chacun, chacune, a à faire un effort de compréhension, de lucidité, mais également de combat contre les thèses du fondamentalisme, ou de l’islamisme radical, ou de tout autre extrémisme qui vient à développer le langage de la haine, et à considérer que l’autre serait un danger, au sein même de la République. Et contre ceux qui par la force veulent nous agresser, et il y en a – et, c’est cruel de le dire, ici même –, les démocraties doivent savoir utiliser leurs propres forces, sur notre sol, mais aussi partout dans le monde. Car la lutte contre le terrorisme est globale.

 

C’est la raison pour laquelle la France fait son devoir au Mali, au nom de la communauté internationale, en engageant son armée, à côté des troupes africaines, pour combattre les groupes terroristes qui menacent l’ensemble du pays, le Mali, mais également l’Afrique de l’Ouest, et au-delà de l’Afrique de l’Ouest, l’Europe tout entière ! Laisser le Mali tomber dans les mains de ces groupes, c’était ouvrir de nouvelles filières de recrutement, comme il en existe en Afghanistan, au Pakistan, et même en Syrie. C’était laisser s’organiser un sanctuaire terroriste, laisser soumettre un peuple, asservir des femmes, détruire des édifices inscrits au Patrimoine de l’Humanité. C’était exposer notre pays, aussi, sur notre propre sol.

 

Cette lutte est menée avec courage par l’armée française. Elle en paye un lourd tribut. Hier, un cinquième soldat français est mort. Il mérite, comme ses camarades, l’hommage de toute la Nation, car il défendait non seulement l’idéal qui est le nôtre, mais participait à la libération d’un pays ami, et à la lutte pour une cause qui est celle de toute la communauté internationale. Je pense à sa famille, et notamment à sa conjointe, enceinte.

 

Ce matin, à Toulouse, nous ne faisons pas seulement preuve de fidélité : fidélité aux victimes, fidélité aux familles, fidélité aux villes endeuillées. Non, nous faisons bien plus que cela. J’en remercie les enfants et ceux qui ont marché. Nous faisons un acte de volonté : volonté de répondre, volonté de comprendre comment un Français – oui, un Français –, né ici, qui a grandi ici, a pu devenir un terroriste capable de tuer d’autres Français, et même des enfants. Oui, nous voulons comprendre, pour éradiquer ce mal terrible ! Volonté de surmonter aussi l’épreuve, ensemble, tous ensemble, en sortant plus forts, plus lucides que nous ne l’étions avant Toulouse et Montauban.

 

Volonté, enfin, que de telles atrocités ne puissent plus jamais être commises. Mais en sommes-nous sûrs ? Alors, nous devons le vouloir. Cette volonté de vivre ensemble, dans la concorde, dans la justice, dans le respect, dans la paix : cette volonté, nous la devons aux victimes, aux familles, aux villes de Montauban et de Toulouse. Ces villes resteront le symbole d’une tragédie, mais aussi – et c’est le sens de notre rassemblement d’aujourd'hui – le symbole d’une France debout, que rien ne peut abaisser, diminuer, réduire, d’une France en mouvement, qui, je vous l’assure, ne pourra jamais être arrêtée, divisée, ou séparée.

 

Cette France debout, cette France en mouvement, c’est le sens de votre marche aujourd'hui, pour la liberté, pour la République, et pour la France 

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