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Publié le 11 Juin 2014

La confiscation des biens juifs en pays arabes

Par Jean-Marc Liling, fonctionnaire du ministère de la Justice d’Israël, département de l’Assistance judicaire, service des Droits de Juifs originaires des pays arabes

La dégradation continue du statut et de la sécurité personnelle des Juifs dans les pays arabes qui accompagna les progrès de l’entreprise sioniste en Palestine mandataire et la création de l’État d’Israël ainsi que la fin de l’ère coloniale au Moyen-Orient et en Afrique de Nord ont été le cadre de leur exode massif. 

Près de 70 % des 900 000 Juifs qui vivaient dans les pays arabes en 1948 s’établirent dans le nouvel État hébreu alors que les autres choisirent de reconstruire leurs vies dans les différents pays de la diaspora, surtout en France, au Royaume-Uni, au Canada, aux États-Unis et en Amérique latine.

L’étude suivante propose d’analyser la situation socio-économique de cette population avant la création de l’État d’Israël ainsi que les événements qui les poussèrent à l’émigration, surtout sur le plan économique. Même si l’histoire de chaque pays arabe présente des caractéristiques propres, même si la chronologie des événements qui poussèrent les Juifs à quitter ces pays varie d’un pays à l’autre, il est nécessaire de souligner – outre la dégradation générale de leur sécurité personnelle – l’état général de précarité économique et financière dans lequel ils furent placés et le rapport de cette précarité avec leur émigration.

Tout en soulignant que les conséquences économiques et financières qui ont accompagné cette émigration constituent la base du droit au dédommagement des pertes subies par les Juifs en terres arabes, il est cependant essentiel de préciser que, dans la grande majorité des cas, cette émigration ne fut pas consécutive à la détérioration de leur statut économique, mais à l’insécurité réelle qui s’était établie dans ces pays et qui les visait essentiellement. Il serait donc plus approprié de parler non pas d’« émigrants » juifs des pays arabes, mais bien de « réfugiés » juifs des pays arabes.

Les biens des Juifs d’Irak

En 1910, un rapport portant sur les Juifs d’Irak soumis par le Consulat britannique de Bagdad déclarait : « La communauté juive de Bagdad est, après celle de Salonique, une des plus importantes et prospères de Turquie… Les Juifs s’intéressent particulièrement au commerce. Ils monopolisent pratiquement le commerce local, et ni les musulmans ni les chrétiens ne peuvent rivaliser avec eux. Même les plus grands marchands musulmans doivent leur réussite à leurs employés juifs… Les Juifs s’enrichissent de jour en jour. »

Ce rapport, rédigé à une époque où les processus d’émancipation relative et de modernisation accélérée autorisaient une renaissance réelle pour les Juifs d’Irak, présente une image d’une communauté dynamique, active, possédant des contacts à l’étranger et jouant un rôle dominant dans l’import-export autant que dans le commerce local.

En fait, les Juifs membres des classes privilégiées et possédant de l’influence semblent avoir été de nombre relativement restreint. Au début du siècle, ceux-ci ne représentaient que 5 % de la population juive, alors que 35 % environ appartenaient aux classes moyennes, 55 % aux classes populaires et 5 % étaient indigents. Cette stratification sociale demeura plus ou moins jusqu’au départ massif des Juifs au début des années 1950, même s’il faut préciser qu’une mobilité sociale rapide vit se réduire le pourcentage de Juifs appartenant aux strates inférieures et augmenter celui des strates supérieures.

Les Juifs membres des classes privilégiées étaient pour la plupart impliqués dans le commerce, soit domestique soit international, et dans le secteur bancaire, ces sphères devenant de fait des « secteurs juifs » par excellence dès le début du xxe siècle. Deux facteurs principaux contribuèrent à leur monopole dans ces secteurs : leur aptitude à s’exprimer dans les langues européennes d’abord (encouragée notamment par le tissu d’écoles de l’Alliance israélite universelle) et surtout la création de communautés d’expatriés juifs irakiens qui leur offraient des débouchés commerciaux de par le monde, de Manchester et Londres à Shanghai en passant par Bombay, Calcutta, Rangoon et Hong Kong. Parmi les exemples les plus remarquables de grandes familles juives irakiennes établies à travers le monde : les Sassoon, les Kadoorie, les Gabay. En Irak même, les Juifs étaient tellement omniprésents sur les grands marchés de toutes les villes importantes du pays que l’activité commerciale de ceux-ci était interrompue le samedi, jour du Shabbat.

L’entre-deux-guerres fut une ère particulièrement propice à l’épanouissement culturel et à l’intégration économique des Juifs d’Irak au sein du pays. Les quelques années de Mandat britannique sur le pays encouragèrent les Juifs à rejoindre en grand nombre la fonction publique nationale et municipale – postes qu’ils gardèrent aussi avec l’accession de l’Irak à l’indépendance. À la fin des années 1930, les Juifs d’Irak se considéraient pour la plupart juifs de confession et arabes de nationalité… Lire la suite.

Source: http://www.harissa.com/news/article/la-confiscation-des-biens-juifs-en-pays-arabes