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Publié le 11 Janvier 2013

Mohammed Moussaoui, président du CFCM, raconte l'épilogue du "pain au chocolat"

 

Elle aura fait les heures peu glorieuses de l’UMP, la controverse du « pain au chocolat » a trouvé son épilogue mercredi soir, avec le retrait de la plainte du CFCM, scellé par un communiqué commun de Mohammed Moussaoui et Jean-François Copé. Oumma a interrogé le président du CFCM sur deux instants clés et inédits : le dépôt de plainte contre Jean-François Copé et l’entrevue sollicitée par ce dernier dans une volonté d’apaisement. Nous reproduisons, au seul titre d’information, l’article d’oumma.com dans sa totalité.

 

Jamais « pain au chocolat » n’aura été aussi toxique, surgissant lors d’un meeting à Draguignan, à la faveur d’une anecdote relatée par un Jean-François Copé, alors en campagne pour la présidence de l’UMP, qui n’a pas eu la main légère en matière de stigmatisation du Ramadan et des citoyens musulmans.


Dans un climat national infecté par une parole politique désinhibée, aux accents nationalistes ou islamophobes d’une rare inconséquence, la fable électoraliste du président de l’UMP a été la calomnie de trop.


Résolu à faire un exemple, le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), profondément heurté par la portée anti-républicaine de ces propos, est sorti de sa prudente réserve pour frapper un grand coup : porter plainte contre le ténor d’un grand parti républicain pour "propos diffamatoires à l'égard de tous les Français de confession musulmane", par l’entremise d’Abdallah Zekri, président de l’observatoire national contre l’islamophobie au sein du CFCM. Une grande première pour le CFCM, et un signal fort envoyé à l’ensemble de la classe politique.


Mohammed Moussaoui, la caricature du jeûne du Ramadan par Jean-François Copé, évoquant le cas « d’un jeune se faisant arracher son pain au chocolat par des voyous au motif qu’on ne mange pas au Ramadan » a-t-elle été la goutte qui a fait déborder le vase ?

Oui, absolument. Ces propos, par ailleurs à la véracité plus que douteuse, ont choqué l’ensemble des membres du CFCM, d’autant plus qu’ils émanaient d’un leader d’une grande formation politique républicaine. La coupe était pleine et il fallait réagir en marquant les esprits. Certes, avant Jean-François Copé, il y a eu bien d’autres dérives verbales scandaleuses, comme les amalgames délétères de Marine Le Pen notamment, qui auraient mérité d’être poursuivies en justice. Mais, concernant le FN et son extrémisme notoire qui n’en fait pas un parti comme les autres, nous avons préféré le mépris.


Dans ce cas précis, notre décision était unanime et nous avons porté plainte à Draguignan. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Draguignan, puis l’enquête a été confiée au service des atteintes aux personnes de la préfecture de police de Paris.


Le 12 octobre, vous recevez un courrier de Jean-François Copé s’étonnant de votre décision, dans lequel il se défend d’être un artisan de la "bouc- émissarisation" des musulmans.

Tout à fait. Il me fait part de son incompréhension face aux poursuites engagées contre lui, évoquant déjà une mauvaise interprétation de ses propos. Pour me prouver sa bonne foi, il insiste également sur le fait qu’il a pris fait et cause pour les quatre animateurs de colonies de vacances démis de leur fonction, cet été, à cause du jeûne du Ramadan. Ce qui est vrai d’ailleurs, et je n’ai pas été insensible à cela.


Mais la teneur de sa lettre, qui n’exprime aucun regret, n’infléchira pas notre décision, et le 18 octobre nous l’avisons par courrier que nous maintenons notre plainte, tout en lui laissant la porte ouverte pour nous rencontrer et engager le dialogue. Là-dessus, la primaire de l’UMP et ses nombreux rebondissements l’ont accaparé, et nous n’avons plus eu de ses nouvelles jusqu’à très récemment.


La rencontre a eu lieu mardi, à la demande de Jean-François Copé qui a souhaité s’entretenir avec le bureau exécutif du CFCM. Comment s’est passé l’entretien ?

Je tiens à dire que c’est la première fois qu’un homme politique, et de surcroît de premier plan, fait la démarche de solliciter un entretien et de venir à notre rencontre, preuve, s’il en était besoin, que notre décision de saisir la justice a produit son petit effet. L’essentiel serait qu’elle éveille les consciences et qu’elle provoque un sursaut d’éthique dans la classe politique.


Jean-François Copé était animé par la volonté d’apaisement, ayant évolué par rapport à ses derniers écrits, puisqu’il regrettait d’avoir blessé la communauté musulmane, assurant que ce n’était pas son intention. Il a de nouveau invoqué un contresens, quant à son anecdote sujette à caution, il a affirmé l'avoir lue dans la presse, précisant que ce qu’il dénonçait, c’est la violence d’une frange minoritaire de musulmans qui instrumentalisent l'islam à des fins contraires aux valeurs de la République.


Sa venue et l’expression de ses regrets ont été des gages suffisants de sa prise de conscience, pour que l’on mette un terme à cette polémique et surtout que l’on en sorte par le haut. Le pardon en islam est une valeur morale aussi précieuse que fondamentale. À l’issue de notre réunion, la décision de retirer notre plainte était entérinée.


Pourtant, mercredi matin sur RTL, la déclaration de Jean-François Copé lançant « je n’ai pas présenté d’excuses. Pour présenter des excuses, il faut considérer qu’on a commis une faute» a créé des remous au sein du CFCM, Abdallah Zekri dénonçant un « double langage » et exigeant des « regrets publics » pour retirer la plainte. La hache de guerre est-elle définitivement enterrée ?

Oui, car nous avons signé mercredi après-midi un communiqué commun, dans lequel Jean-François Copé « exprime ses regrets aux musulmans de France qui ont pu être heurtés dans leurs sentiments ou stigmatisés à travers cette polémique ». Je ne peux que m’en tenir aux actes concrets, et non aux intentions. Jean-François Copé a validé ce texte dans lequel chaque partie a fait passer ses messages essentiels, le CFCM, que je représente, exhortant tous les acteurs politiques de notre pays à savoir raison garder afin de préserver des rapports sereins et constructifs.


Je comprends parfaitement les frustrations de certains de nos concitoyens musulmans qui auraient souhaité que l’on aille au bout de notre démarche, mais en l’occurrence Jean-François Copé a fait un grand pas vers nous, et encore une fois c’était sans précédent. A l’avenir, nous serons extrêmement vigilants à l’égard de tous les dérapages politiques indignes, et nous n’hésiterons pas à nous tourner vers la justice si la gravité de la diffamation l'exige.


Propos recueillis par la rédaction.


Le communiqué de presse signé par Mohammed Moussaoui et Jean-François Copé

Le Conseil Français du Culte Musulman a reçu, ce mardi 8 janvier, au siège du CFCM à Paris, M. Jean-François Copé. Par cette visite, M. Copé a souhaité apaiser les sentiments des musulmans de France fortement heurtés par la polémique liée au contresens qui a conduit à altérer ses propos tenus au mois d’octobre dernier.


Le CFCM, qui a déposé plainte via son Observatoire contre l'islamophobie, a rappelé à M. Copé combien les musulmans de France ont été choqués de voir caricaturé le jeûne de Ramadan, pratique religieuse musulmane importante. Conscient du traitement médiatique réservé à ses déclarations et de leur impact, M. Copé a tenu à exprimer ses regrets aux musulmans de France qui ont pu être heurtés dans leurs sentiments ou stigmatisés à travers cette polémique.


À cette occasion, M. Copé, qui a exprimé son attachement au principe de laïcité qui impose notamment le respect de toutes les convictions, a tenu à faire savoir que ses propos ne visaient nullement à caricaturer une pratique religieuse musulmane, mais seulement à dénoncer les comportements de ceux qui instrumentalisent l’islam à des fins contraires aux principes et aux valeurs de la République.


Le CFCM, qui prend acte de cette rencontre et de l'échange qui s'en est suivi avec M. Copé, entend retirer la plainte déposée pour diffamation.Tout en rappelant sa volonté de pouvoir entretenir des rapports sereins et constructifs avec tous les acteurs politiques de notre pays, le CFCM forme le vœu que ces derniers puissent mesurer davantage la portée de leurs propos et de leurs déclarations et d’éviter toute forme de stigmatisation qui peut fragiliser la cohésion nationale.


Par ailleurs, le CFCM réaffirme sa détermination pour lutter aux côtés de tous les républicains contre toutes les formes d’intégrisme et d’extrémisme et considère que cette lutte légitime et nécessaire ne doit pas se transformer, au prix d’amalgames, en la stigmatisation d’une composante de la nation.

Fait à Paris, 9 janvier 2012

 

 

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