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Publié le 3 Septembre 2012

Syrie: "Sans les Etats-Unis, une intervention militaire est difficilement envisageable"

La réponse internationale en cas d'utilisation par le régime syrien de ses armes chimiques serait "immédiate et fulgurante", a déclaré, vendredi 31 août 2012, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Quelles pourraient être les modalités d'une telle action? L'Express a interrogé le général Jean-Patrick Gaviard (photo), ancien chef des opérations des armées sur les possibilités et les contraintes d'une intervention militaire étrangère en Syrie. 

En quoi l'intervention contre la Syrie différerait-elle de l'intervention occidentale en Libye en 2011?

 

L'armée libyenne était beaucoup plus faible, que ce soit en matière d'équipements, d'effectifs ou d'entraînement. Les capacités de défense de l'armée syrienne, notamment la défense anti-aérienne, sont très puissantes. Les Syriens disposent de nombreux missiles sol-air et de systèmes de DCA redoutables. Leurs personnels, formés par des Russes, ont une très bonne maitrise de leur usage. L'armée turque l'a appris à ses dépens avec la perte du Phantom abattu par la DCA syrienne le 22 juin dernier. 

 

Quelle est la faisabilité d'une intervention militaire occidentale en Syrie?

 

Sans la participation des Etats-Unis, une intervention militaire est difficilement envisageable. Etant donnée la puissance de feu syrienne, il faudrait des moyens considérables pour entreprendre une intervention. La priorité en ce cas est de détruire la défense aérienne, ce qui ne serait pas une mince affaire étant donné le nombre de missiles sol-air et de systèmes de DCA, et le très bon entraînement des forces syriennes, en particulier au niveau de leurs centres de commandement. Même une zone d'exclusion aérienne passe par une supériorité dans les airs pour laquelle les forces françaises et européennes ne sont pas suffisamment équipées, en termes de capacité aérienne (avion de détection AWACs, ravitailleur), mais aussi en termes de moyens de renseignement -notamment de drones- ou d'outils de cyberattaque. 

 

Cette intervention semble donc difficile sans participation américaine...

 

Le seul moyen de pénétrer les défenses anti-aériennes est l'emploi d'avions furtifs, comme le F22 américain, accompagné d'un grand nombre de frappes de missiles de croisière. Mais les Américains, en pleine campagne électorale et alors qu'ils sont en train de se désengager d'Afghanistan, n'ont visiblement pas l'intention de se lancer dans une telle aventure. Sans les moyens américains, une opération occidentale ne serait pas capable d'imposer une supériorité aérienne, en particulier dans la durée. Cela a déjà posé problème en Libye. Ça serait bien sûr beaucoup plus dur dans le cas syrien. C'est peut-être plus de l'intérieur que l'armée syrienne pourrait être affaiblie et défaite, si la dynamique de défections récentes se poursuit. 

 

Comment peut-on neutraliser les armes chimiques?

 

La problématique des armes chimiques est complexe à régler au plan militaire, car il est nécessaire de connaître en temps réel leurs positions, ce qui nécessite des moyens spatiaux et de reconnaissance performants. Si une utilisation dangereuse était détectée, il faudrait alors être capable d'envoyer rapidement des forces spéciales sur les nombreux lieux où elles se trouveraient pour "encager" la zone puis les emmener en lieu sûr. Cette mission très délicate exigerait également d'avoir la supériorité aérienne au moins pendant la durée de l'opération. On ne peut imaginer une mission de ce style sans les Américains.

 

Que penser de la demande de la Turquie de l'instauration d'une zone tampon ?

 

Cette proposition consiste effectivement au plan diplomatique à "contourner" le veto russe et chinois. Au plan purement opérationnel, cette zone pourrait permettre effectivement d'évacuer les nombreux réfugiés et pour les Turcs d'éloigner la menace sur leur frontière du nord. Mais Assad est formellement opposé bien sûr à cette proposition. Au plan militaire, cette mission nécessiterait de nombreuses forces terrestres et donc un enlisement probable. Il ne faut pas oublier que les forces de libération syriennes refusent l'arrivée de forces terrestres occidentales en Syrie. Enfin une zone d'exclusion aérienne serait indispensable pour protéger les réfugiés et les troupes au sol. Dans ce cas on revient à la problématique délicate de l'élimination ou du survol des défenses sol-air syriennes, nombreuses et puissantes. 

 

 

Source : http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/syrie-sans-les-etats-unis-une-intervention-militaire-est-difficilement-envisageable_1155063.html

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